Université Toulouse 3 : tensions autour de la réorganisation post-LRU

Frédéric Dessort Publié le
Université Toulouse 3 : tensions autour de la réorganisation post-LRU
Esplanade de l'université Paul Sabatier, ©UPS // © 
La FSU, la CGT et Sud-Éducation signent une longue lettre ouverte , publiée le 30 juin 2011 sur le site de Sauvons l'université. Un texte qui met en cause le président de l'université Paul-Sabatier (UPS) pour son management jugé peu collégial, opaque, sur fond de tensions sociales. Retour sur une réorganisation post-LRU qui ne passe pas et réaction en bloc des dirigeants toulousains à ces attaques.

« Mépris », « pouvoir proche de celui d'un chef d'entreprise », « collégialité […] terme de façade », les mots sont durs à l'égard du président de l'UPS, Gilles Fourtanier . Ce dernier a bien voulu y répondre point par point à EducPros, mais pas seul. Rien de moins qu’une dizaine de dirigeants de l’université l’entouraient entre le DRH, le directeur général des services (DGS), les vice-présidents (à l’exception notable du vice-président scientifique), les responsables de la stratégie, les directeurs d’UFR… (*). Ambiance tendue garantie.

La réorganisation post-LRU et ses suites

Dans cette longue missive, les représentants syndicaux reviennent sur un malaise ressenti dans l'université, qui se manifeste par un sentiment de flou et d'opacité lié à la nouvelle organisation. Mise en place en 2009, elle s'inscrit dans le sillage de la LRU, qui permet d'établir une gouvernance plus « présidentielle ».

En l'occurrence, plusieurs nouvelles structures de direction, dont les responsables ne sont pas élus, ont été créées. Quatre « pôles » de recherche segmentent désormais les 62 laboratoires de recherche, sous cotutelle de l'UPS et des UPR (unités propres) du CNRS comprises. Ces pôles proposent des stratégies et budgets à la nouvelle direction stratégique de la recherche (DSR), directement rattachée au président. Mais, depuis deux ans, les pôles ne sont composés que par les seuls directeurs de labos : les premières élections de leurs conseils se tiendront le 20 septembre. « Pourquoi a-t-il fallu attendre deux ans pour envisager l'existence d'un conseil formé de membres élus ? Quels seront d'ailleurs son rôle et ses attributions ? » questionne la lettre ouverte.

In fine, la DSR, complétée par la direction stratégique de l'enseignement (DSE), reprend des prérogatives du CS et du CEVU, dont plusieurs membres estiment qu'ils sont devenus des chambres d'enregistrement.

Pour autant, Gilles Fourtanier explique que ces nouvelles directions sont « des instances de réflexion participatives et sont force de proposition ». Ajoutons à cela que le véritable cercle de décision se situe au niveau d'un groupe dénommé G8 (**), situé au-dessus d'un comité de direction composé de 37 personnes, dont plus de 30 sont nommées. Un tel management vaut au président d'être brocardé en patron d'entreprise, d'autant plus qu'il a été conseillé par Capgemini dans son projet quinquennal d'établissement.

La crainte d’une séparation de l’enseignement et de la recherche

Autre crainte, qui n'apparaît pas directement dans la lettre ouverte, mais qui fait débat : la séparation entre recherche et enseignement, que pourrait entraîner une dichotomie entre les pôles et la Faculté des sciences et de l'ingénierie (FSI), en cours de création.

À cela s’ajoute le fait que, depuis qu’elle a été décidée, la fondation de la FSI se fait à marche forcée et sans associer, au départ de la mise en place, les directeurs de départements pédagogiques des UFR et encore moins la base, dont les secrétaires pédagogiques notamment.

Capgemini Sud, conseil de l'UPS sur son projet d'établissement

Dans la lettre ouverte, l'exemple choisi du pôle de services numériques (PSN) a valeur de symbole. Il est piloté par un ancien de Capgemini Sud, Éric Marchadier, recruté il y a un an après avoir conseillé l'université sur son organisation. La SSII se fait le chantre du management le plus optimisé, dans l'esprit du span style="font-style: italic;">lean management (« management maigre »).

Voulant revenir sur l'embauche de M. Marchadier, le président, le DGS et la DRH réfutent le supposé « salaire du [secteur] privé » dont il continuerait de bénéficier au sein de l'université. De plus, « il nous a aidés à établir le projet d'établissement [cf. cet appel d'offres , NDLR] et nous a apporté son énorme connaissance de la mise en place du changement », précise Gilles Fourtanier. « En outre, il nous a apporté des procédures qui améliorent la communication interne et qui permettent à la base d'être écoutée par la direction de l'université », complète Michel Sixou, vice-président délégué à la communication.

100 salariés en CDD reclassés en CDI

Sur le plan social, de trop nombreux CDD sont déplorés, comme les tensions et souffrances au travail qui se multiplient depuis plusieurs mois. En CTP, le 22 juin, ce constat a été porté à la connaissance du président par l'ensemble des syndicats. De son côté, la direction de l’université entend proposer plusieurs solutions pour apaiser les tensions sociales. Outre l'embauche d'un second médecin du travail, « nous allons créer une commission dans le but de recevoir directement les salariés en situation de souffrance au travail », annoncent Jean-Pierre Rougé, DGS, et Sylvie Le Breton, la DRH, oubliant de dire qu'un tel projet avait été lancé dès le mois de juin 2010, mais vite enterré.

En outre, 100 salariés en CDD sur 290 personnels affectés au fonctionnement de l'université vont être reclassés en CDI cette année. En 2012, près de 70 viendraient s'y ajouter, tandis que leur ancienneté devrait être prise en compte. Autre progrès notable : tout nouveau CDD en catégorie B et C sur des fonctions permanentes sera établi pour une durée d'un an. Il restera toutefois encore près de 1400 contractuels dont plus de 300 sur contrats de recherche (post-docs, fonctions supports...) : le problème de la précarité ne sera pas encore résolu à l'UPS.


(*) Cette réunion, qui se tenait dans le bureau du président, rassemblait Gilles Fourtanier, président, Jean-Pierre Rougé, directeur général des services (DGS), Sylvie Le Breton, DRH, Marc Reversat, vice-président du CA, Jean-Luc Rols, vice-président du CEVU, Michel Sixou, vice-président délégué à la communication et aux TIC, Vincent Gibiat, responsable de la direction stratégique de l'enseignement, Luis Fariñas Del Cerro, responsable de la direction de la stratégie de la recherche, Jean-Marc Broto, directeur de l'UFR physique-chimie-automatique, Jean-Paul Bahsoun, directeur de l'UFR mathématiques-informatique-gestion et Aude Olivier attachée de presse ainsi que l'auteur du présent article.

(**) Le G8 regroupe le président, les trois vice-présidents de conseils statutaires, les responsables de la DSR et de la DSE, les vice-présidents.

Frédéric Dessort | Publié le