Université Toulouse 3 : un budget enfin à l'équilibre, mais sans marges de manœuvre

Camille Pons Publié le
Université Toulouse 3 : un budget enfin à l'équilibre, mais sans marges de manœuvre
Le budget de l'université Toulouse 3 est très légèrement excédentaire en 2018. // ©  Frédéric Dessort
Après trois exercices déficitaires, l'université Toulouse 3 adopte enfin un projet de budget équilibré pour 2018. Pour autant, malgré les gels de postes et des économies de fonctionnement, il faudra quelques années pour reconstituer des réserves et relancer des projets.

Retour à l'équilibre. Le 11 décembre 2017, le conseil d'administration de Toulouse 3 Paul-Sabatier a adopté à 22 voix pour, 2 contre et 10 abstentions, un budget enfin légèrement positif. "Un gros progrès, après trois exercices déficitaires", souligne le directeur général des services, Laurent Barbieri. Ce projet de budget affiche même un résultat prévisionnel de fonctionnement excédentaire de 414.000 euros.

"Pour autant cet excédent, très modeste, ne permet pas de dégager des marges de manœuvre pour investir", nuance le DGS, alors que l'université se retrouve face à un double impératif : renflouer ses réserves tout en assurant la maintenance et la reconstruction d'une partie de son patrimoine.

Cette sortie de déficit a été possible grâce au déploiement d'un plan de redressement, dit "pacte de développement", adopté en septembre 2016 pour éviter la mise sous tutelle du rectorat. Parmi les mesures drastiques, une politique de gel des postes visant 200 emplois de 2017 à 2019. Avec des réductions dans les recrutements "très importantes" puisque, pour compenser les 100 à 120 départs (à la retraite ou en mutation) en 2016 et 2017, seuls une quinzaine, puis une trentaine de postes ont été ouverts.

Des Ater pour remplacer les enseignants

Pour tenter de préserver la qualité de la formation et de la recherche, l'université a privilégié le maintien des postes de personnels BIATSS (Bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens de service et de santé) qui assuraient "des tâches essentielles" et a choisi, pendant un an ou deux, de remplacer des enseignants par des Ater (Attachés temporaires d'enseignement et de recherche). Soit des économies "de l'ordre de 60.000 à 70.000 euros par an" par poste.

Des "réponses spécifiques" données davantage "pour éviter la catastrophe que pour répondre à des choix stratégiques", regrette néanmoins le président, Jean-Pierre Vinel. Et des choix contestables, selon le Snesup : ces profils "participent très peu à l'administration des formations qui se reporte sur les enseignants titulaires au détriment notamment de leurs activités de recherche".

Néanmoins, le gel se poursuit sur des proportions identiques en 2018, car "les marges pour réaliser des économies restent étroites" et les ressources propres n'offrent que des excédents modestes : 400.000 à 450.000 euros pour la formation continue, alors que les 25 millions d'euros perçus pour la recherche dans le cadre d'appels à projets ou de contrats ne rapportent rien non plus, puisque "pour 1 euro perçu, il en coûte 1,29 euros à l'université en frais de structures, de fluides, etc.", détaille le président.

Des économies d'énergie, mais à la marge

Si un gros travail a été également mené depuis 2015 pour réduire les consommations de fluides (chauffage, eau, gaz et électricité, qui représentent 8 % des dépenses de fonctionnement), et même si les économies sont plutôt conséquentes (- 17 % en 2016), corrélées à l'augmentation des tarifs, elles suscitent au final peu de gains. En 2016, ces baisses de consommations ont néanmoins permis à l'établissement d'économiser 203.000 euros.

L'université table aussi sur les huit opérations de rénovations et de constructions programmées sur les six prochaines années, afin de se débarrasser progressivement des vieux préfabriqués et de bâtiments "énergivores".

L'une des plus importantes, la construction de la Maison de la réussite en licence, suspendue par le rectorat après les déficits observés en 2015 et 2016, démarrera en janvier 2018. Ce bâtiment de 3.600 m2, conçu aux normes environnementales, abritera principalement des enseignements de premier cycle et des salles de TD.

Quel équilibre à long terme ?

Obtenu "sous forte contrainte", l'équilibre financier n'est pas non plus garanti sur le long terme, estime Jean-Pierre Vinel. Et ce, même si le ministère a notifié qu'il prendrait en charge un peu plus de la moitié de ce qu'il a évalué du coût du GVT (glissement vieillesse technicité), soit 1,4 million d'euros.

Au-delà des questions que pose l'éventuelle non pérennité de cette prise en charge, Laurent Barbieri souligne que ce calcul moyen ne permet pas d'apprécier finement les coûts salariaux réels générés par tous les changements d'échelons et de grades. Or, la moyenne d'âge à Toulouse 3 se situe à 46 ans, "âge où l'on progresse très vite". Résultat, le coût du GVT a été en réalité évalué à 4 millions d'euros, au lieu des 2,3 millions d'euros affichés pour 2017.

Le président en appelle à davantage d'aides de l'État. "Les allocations budgétaires ne suivent pas l'augmentation des charges et des étudiants. Si elles ont augmenté entre 2010 et 2016, cela correspond pour l'essentiel à la compensation de décisions prises par l'État, comme les mesures catégorielles", dénonce-t-il. Selon ses calculs, l'allocation par étudiant aurait même diminué, passant de 9.756 euros en 2009-2010 à 8.342 euros en 2016-2017.

De son côté, le Snasub (Syndicat national de l'administration scolaire et universitaire et des bibliothèques) plaide pour une reprise de la gestion de la masse salariale par l'État. "Depuis 2014, nous devons composer avec la même masse salariale, regrette Dominique Ramondou, cosecrétaire administratif de la section toulousaine du Snasub. Résultat, les départements doivent arbitrer entre postes et fonctionnement. Les personnels en bavent, ils sont moins nombreux dans les services et les étudiants sont moins renseignés et moins accompagnés".

Une situation qui pourrait s'aggraver. L'un des départements de l'université devrait faire face, à la rentrée 2018, au départ à la retraite de 9 % de son "potentiel d'enseignement". Un équilibre précaire.


Une réorganisation de vaste ampleur

Après le rapport de l'IGAENR de juin 2016 et celui, un an plus tard, de la Cour des comptes, Toulouse 3 se réorganise. La Rue Cambon avait notamment pointé "une organisation facultaire au fonctionnement coûteux" et la nécessité, pour redresser la situation financière de l'université, d'"une refonte de l'organisation et de la gouvernance".

Depuis le mois d'octobre, le projet, baptisé Pris2me, recense jusqu'en mars les personnels, leurs activités, le temps qu'ils y consacrent, ainsi que les bonnes pratiques et les points à améliorer. Suivront l'élaboration de schémas d'organisation entre avril et juillet 2018, en répartissant les tâches (au niveau central puis à ceux des composantes et des laboratoires...), et enfin l'instauration d'un programme de formation et d'un plan de mobilité, afin que chacun puisse "prendre ses fonctions en janvier 2019".

"Ce n'est pas une transformation totale, insiste Laurent Barbieri, le DGS. Il s'agit plutôt de s'interroger, chaque fois, sur ce qui apportera de la valeur ajoutée", alors qu'aujourd'hui, le système actuel peut conduire à des "aberrations : l'absence d'un responsable financier dans un service peut bloquer toutes les commandes de la structure !"

Camille Pons | Publié le