Valérie Pécresse : "La Région est le bon niveau pour offrir un service d’orientation pour tous"

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Valérie Pécresse : "La Région est le bon niveau pour offrir un service d’orientation pour tous"
Valérie Pécresse estime qu'il est logique de donner la pleine compétence aux Régions en matière d’orientation. // ©  Nicolas Tavernier / R.E.A
En lançant sa plate-forme Oriane, dédiée à l’orientation des jeunes, la Région Île-de-France entend faciliter l’insertion professionnelle de chaque jeune Francilien. Une initiative qui préfigure le transfert de la compétence orientation aux Régions, prévue par le projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel". Dans un entretien à EducPros, la présidente de Région détaille sa vision sur les réformes en cours.

Le gouvernement s’apprête à transférer la compétence orientation aux Régions à travers le projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel". Qu’en pensez-vous ?

La Région est le bon niveau pour offrir un service d’orientation pour tous car elle est à l’interface entre les besoins des entreprises, l’aménagement du territoire, la gestion des lycées et de l’apprentissage. Cette logique de carrefour de l’orientation qu’incarne chaque Région conduit à la réforme portée par le gouvernement et à donner la pleine compétence aux Régions en matière d’orientation.

Vous avez en quelque sorte devancé cette évolution institutionnelle en lançant la plate-forme Oriane, le service d’orientation de la Région Île-de-France. Pour quelles raisons ?

Sur l’orientation, mon souci permanent est d’essayer de lutter contre ce délit d’initiés entre les enfants de cadres, les enfants de profs et les autres, qui n’ont pas accès à la connaissance des filières porteuses d’emploi et des chemins à emprunter dans le dédale de l’enseignement supérieur.

Que peuvent apporter les Régions à l’orientation des jeunes par rapport à un opérateur national ?

Nous sommes à une période où les métiers changent à vitesse grand "V". On a aujourd’hui à la Région des informations fines sur l’évolution de ces métiers, bassin d’emploi par bassin d’emploi, par les agences d’intérim, Pôle emploi et Défi métier, un observatoire des besoins prévisionnels des entreprises. Dans notre plate-forme Oriane, nous avons un item intitulé "bouger/changer" qui permet d’identifier les compétences que vous donne votre métier actuel et d’identifier les métiers en adéquation avec cette galaxie de compétences.

On pourrait très bien, demain, au niveau de la Région […], positionner le service d’orientation en dehors des établissements, avec l’aide de start-up et des professionnels de l’orientation.

Comment voyez-vous le rôle des psychologues de l’Éducation nationale à l’avenir ?

Jean-Michel Blanquer souhaite recentrer les psychologues de l’Éducation nationale sur une mission de soutien psychologique aux élèves. C’est un vrai besoin et je vois là une demande très forte des jeunes autour des troubles alimentaires, du sommeil et de la prévention des addictions fréquentes à l’adolescence. On pourrait très bien, demain, au niveau de la Région, aller dans le sens de ce que souhaite le ministre et positionner le service d’orientation en dehors des établissements, avec l’aide de start-up et des professionnels de l’orientation. Certaines Régions souhaitent le rattachement des Psy-EN : ce n’est pas mon cas.

Comment envisagez-vous la place des CIO ?

Je m’interroge sur les CIO, qui auraient vocation selon le projet de loi à être repris par les Régions. Je compte expérimenter les regroupements des missions locales et des CIO en lien avec les mairies, pour lutter plus efficacement contre le décrochage, une des grandes priorités de la Région. Ces nouvelles structures auraient une action beaucoup plus volontariste en allant chercher les décrocheurs via des campagnes de phoning et en leur "poussant" des solutions de raccrochage. Il ne faut pas attendre que le décrocheur pousse la porte mais pousser la porte du décrocheur. Je viens d’obtenir le fichier des décrocheurs de la Région. Ils sont 23.000 pour huit départements, soit 3.000 par département. Il devient jouable de les contacter un par un pour leur apporter une réponse personnalisée et adaptée à leur situation.

Quel serait le rôle de l’Onisep dans ce schéma futur ?

Il me semble que pour agréger les données des différentes régions sur l’orientation et les formations, il est utile de maintenir les services centraux de l’Onisep. En parallèle, il est très important que les Régions s’impliquent dans le quotidien des jeunes. Nous avons lancé Oriane afin que les jeunes qui ne connaissent pas les métiers d’avenir, les formations porteuses et les passerelles pour naviguer de l’un à l’autre, puissent construire leur parcours avec les mêmes chances que d’autres jeunes plus favorisés et mieux accompagnés.

Par ailleurs, en tant qu’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et présidente de la Région Île-de-France, quel regard portez-vous sur la mobilisation des universités de votre territoire ?

Je suis un peu triste car ce sont toujours les mêmes universités impactées et ce sont toujours les mêmes étudiants victimes de mouvements qu’ils ne soutiennent pas. C’est une petite minorité qui détourne l’université de son rôle d’enseignement en rejouant une guerre de position entre la France insoumise et les partisans de Benoît Hamon sur fond de grande difficulté de l’Unef.

Je souhaite qu’on évacue les universités bloquées : quand j’étais ministre de l’Enseignement supérieur, on a fait 180 évacuations. On ne laisse pas se dégrader l’image des universités, notamment en sciences humaines et sociales.

Quelle est votre position sur la loi ORE ("orientation et réussite des étudiants") ?

Cette loi met fin à l’absurdité du tirage au sort. Objectivement, la réforme du gouvernement ne mérite ni cet excès d’honneur, ni cette indignité… Il peut y avoir des prérequis demandés aux étudiants pour l’accès aux filières de l’enseignement supérieur : c’est un moyen de lutter contre l’échec en premier cycle.

Et enfin, que pensez-vous de cette idée de certains étudiants grévistes qui demandent au moins 10/20 à leurs partiels ?

Cette idée est totalement saugrenue : cela revient tout simplement à brader la valeur des diplômes.

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