Alerte sur le bac 2013 : des épreuves réformées, des profs mal informés

Isabelle Dautresme, avec Virginie Bertereau, Isabelle Maradan et Olivier Monod Publié le
Alerte sur le bac 2013 : des épreuves réformées, des profs mal informés
Une épreuve du bac // © Drivepix- Fotolia // © 
Le mécontentement gronde chez les enseignants de terminale. Sujets zéro "irréalistes" voire "incohérents", "manque de consignes", "absence de barème"… Beaucoup déplorent le manque d’accompagnement dans la préparation aux nouvelles épreuves du bac, très nombreuses pour la session 2013. Du côté du ministère, on se veut rassurant.

Conséquence de la réforme du lycée entamée par les classes de secondes il y a deux ans, de nombreux changements touchent le bac 2013. À l'exception des STG et des ST2S, toutes les séries de terminale voient une partie de leurs programmes et parfois des épreuves modifiés (voir notre tableau ci-dessous). Or à Noël 2012, les enseignants de nombreuses disciplines se sentaient encore mal ou peu informés sur les attentes concrètes des correcteurs du bac.

Des "sujets zéro" qui manquent de directives

Dans certaines matières, les griefs se concentrent sur les sujets dits zéro, élaborés par l'Inspection générale, et censés les éclairer sur les épreuves écrites. Charlotte (1), professeure de SES (sciences économiques et sociales) au lycée Lakanal de Sceaux (92), regrette qu'il faille non seulement "se familiariser avec un nouveau programme, bien en comprendre les tenants et aboutissants, mais aussi se frotter à une épreuve repensée sans en saisir la finalité par manque d'information". Des sujets types qui déstabilisent aussi en histoire-géographie. "On nous les a balancés sans barème ni consignes, déplore Cédric Perrin, enseignant à Tours (37). Comme une impression de naviguer à vue !"

Même son de cloche en SVT (sciences de la vie et de la Terre) où les sujets zéro sont arrivés fin juin dans les établissements, "mais les informations de cadrage, encore vagues, se sont étalées jusqu'en novembre", indique Christine Moreels du lycée Jean-Perrin à Lambersart (59). L'inquiétude principale étant de ne pas avoir de directive claire, ni parfois de barème, pour comprendre précisément les attentes des examinateurs, et bien préparer les élèves.

Pour certaines matières où les programmes ont été remaniés cette année, certains professeurs avouent être déstabilisés par l'absence même de sujet zéro. C'est le cas notamment en mathématiques en séries S et ES. "Nous allons devoir attendre les sujets d'Amérique du Nord et de Pondichéry, en avril 2013, pour avoir une idée de ce que l'on attend de nous", regrette Pascale Pombourcq, ancienne présidente de l'APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public).

Grand flou en langues

La palme de l'incertitude revient aux langues. Il faut dire qu'en la matière, les changements sont importants. Parmi les trois nouvelles épreuves au programme, c'est la compréhension orale, obligatoire dans toutes les séries générales, qui suscite le plus d'interrogations. Pour le bac 2013, les élèves des séries S (scientifique) et ES (économique et sociale) passeront les épreuves orales au sein de leur établissement dès le deuxième trimestre. "Or on ne sait toujours pas bien ce que l'on doit évaluer", déplore Aline Lefevre, professeure d'espagnol au lycée Jacques-Prévert à Boulogne-Billancourt (92).

Ce manque d'informations est ressenti avec d'autant plus d'acuité que ce sont les enseignants eux-mêmes qui doivent élaborer les sujets. Face à ce désarroi, l'Association des professeurs de langue a mis en ligne le 12 octobre 2012 une pétition pour la transmission d'urgence de "sujets 0" (quelque 2.385 signatures électroniques à ce jour).

Pour les élèves de la série L, qui passent l'oral en épreuve finale en juin, c'est la même impression "d'avancer dans le brouillard". Seule certitude, les élèves devront présenter une liste. "Ce qu'elle contiendra précisément et la forme qu'elle prendra, ça, nous ne le savons pas encore !" lance l'enseignante. Nous avons bien quelques consignes, mais elles arrivent au compte-gouttes !"

Quant à la physique-chimie, c'est la nature même de l'épreuve qui déroute. À la session 2013, les élèves de terminale S devront rédiger une synthèse argumentée, élaborée à partir de l'analyse de plusieurs documents. Cette épreuve, qui fait appel à des qualités rédactionnelles, est totalement nouvelle. "Mais nous n'avons pas été formés à corriger des minidissertations", déplore Éric Brasseur, qui exerce au lycée Montaigne à Mulhouse (68).

Nous avons bien eu en septembre une réunion pilotée par l'inspection académique régionale, mais les nouvelles épreuves n'ont été que survolées (Cédric Perrin)

Un accompagnement défaillant ?

Car ce que reprochent surtout les enseignants, c'est un manque d'accompagnement. Et ce malgré les "réunions de formation", organisées au niveau académique, pas assez nombreuses selon eux, quand elles ne donnent pas l'impression d'avoir été gérées dans l'urgence. "Nous avons bien eu en septembre une réunion pilotée par l'inspection académique régionale, mais les nouvelles épreuves n'ont été que survolées. L'inspectrice a reconnu qu'elle était un peu démunie pour répondre aux questions. Elle espérait en savoir davantage plus tard", témoigne Cédric Perrin.

Les inspecteurs pédagogiques, en première ligne sur la question de la formation, reconnaissent volontiers que les changements importants des programmes et des épreuves du bac 2013 ont de quoi déstabiliser les enseignants. Pour autant, ils mettent en avant les gros efforts qui ont été faits dans de nombreuses académies pour les accompagner.

Le web a la rescousse

Quant à la remarque de certains sur le manque de consignes précises et d'informations suffisantes, une inspectrice d'histoire-géographie, interrogée sous couvert d'anonymat, la balaie d'un revers de main : "Les ressources en ligne sont très nombreuses, entre le site Éduscol sur lequel on trouve des sujets zéro, des documents d'accompagnement des programmes et les portails de discipline, les enseignants ont normalement tout ce qu'il faut pour s'informer. On ne peut pas faire comme si ces ressources n'existaient pas !" lâche-t-elle.

Jean-Paul Delahaye, nouveau directeur de la DGESCO (Direction générale des affaires scolaires), ne dit pas autre chose : "Il faut accepter l'idée que les enseignants sont également des concepteurs et qu'ils disposent de ressources importantes sur le Web." Laurent Lubrano, professeur de maths au lycée Duplessis-Mornay à Saumur (49) approuve : "Nous sommes bien informés. Les documents d'accompagnement des programmes sont complets et mis à jour régulièrement sur le site Éduscol. Quand on sait les lire, c'est très clair. On y trouve ce que doit savoir l'élève et les compétences attendues. Nous recevons régulièrement de l'information de l'inspection sur une liste de diffusion." Même sérénité chez Jean-Marc Gauducheau, professeur de SES dans l'académie de Nantes (44), qui jugent "les sujets bien balisés".

"L'année n'est pas terminée"

Faut-il en conclure que la formation et l'information varient selon les académies et les disciplines, que certains lycéens seraient donc mieux préparés que d'autres ? L'inspectrice se veut rassurante : "Il ne faut pas s'inquiéter, les informations arrivent petit à petit dans tous les lycées et dans les académies qui ont pris un peu de retard, des réunions s'organisent pour pallier le déficit de formation." "L'année n'est pas terminée, renchérit Jean-Paul Delahaye. Très vite, tout devrait rentrer dans l'ordre."

Dans tous les cas, "le flou autour des épreuves devrait profiter aux élèves, qui bénéficieront certainement de l'indulgence des examinateurs", glisse Aline Lefevre, elle-même examinatrice avertie au bac. L'inspectrice d'histoire-géo quant à elle va plus loin : "Nous allons clairement demander aux examinateurs d'être bienveillants." De quoi rassurer les plus inquiets !

(1) Le prénom a été changé.

Tableau : Bac par bac, les épreuves et les programmes qui changent en 2013

Amorcée il y a deux ans pour les secondes, la réforme du lycée aboutit pour la session 2013 à de nombreux changements pour les candidats au bac. Le point avec notre tableau (n'y figurent pas les séries STG et ST2S qui ne font l'objet d'aucune modification).


DISCIPLINE
SÉRIE
S ES L STI2D STI2A STL
Philo = = = EP EP EP
SES EP
Maths P P EP EP EP
Histoire-géographie P P EP EP EP
LV1 EP EP EP EP EP EP
LV2 EP EP EP EP EP EP
Sciences physiques EP EP EP EP
SVT EP
Enseignement technologique EP
Enseignement technologique en langue vivante EP
Biochimie EP
Chimie Biochimie Science du vivant (CBSV) EP
Sciences physiques et chimie de laboratoire EP
Design et arts appliqués EP
Design et arts appliqués en langue vivante EP

 

Légende :
EP : le programme et l'épreuve changent.
P : le programme change.
= : aucun changement
rien : la matière n'est pas au programme de ce bac

 

Isabelle Dautresme, avec Virginie Bertereau, Isabelle Maradan et Olivier Monod | Publié le