Baromètre EducPros 2016. À l'université, le malaise devient politique

Sylvie Lecherbonnier - Mis à jour le
Baromètre EducPros 2016. À l'université, le malaise devient politique
Pour la troisième année consécutive, les universitaires expriment leur démotivation. // ©  Julien Revenu
Insuffisamment valorisés et reconnus, personnels administratifs et enseignants-chercheurs ne sont pas enthousiastes quant à l'avenir de l'enseignement supérieur. Une démotivation qui se transforme en déception quand il s'agit de François Hollande. Retour sur les principaux résultats du baromètre EducPros 2016 du moral des professionnels de l'enseignement supérieur et de la recherche, alors qu'une hausse du budget est annoncée pour 2017.

Les années passent mais la tendance reste la même : les universitaires n'ont pas le moral. Investis mais découragés, plus des deux tiers des personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas enthousiastes pour l'avenir de leur établissement, d'après la troisième édition du baromètre EducPros, publiée mi-juin 2016.

La moitié des 1.600 répondants se dit toujours démotivée. Pire : la même proportion de sondés juge que son travail a un effet négatif sur la santé.

L'attachement au secteur reste pourtant intact. Une écrasante majorité des personnels se dit fière de travailler dans son établissement (74 %) et trouve dans le travail une source de satisfaction (77 %).

"Ces variables caractérisant le moral sont quasi identiques depuis trois ans, relate François Sarfati, chercheur au Centre d'études de l'emploi, associé à la réalisation du baromètre EducPros depuis sa création, en 2014. On peut désormais considérer ce double sentiment comme une tendance lourde dans la communauté universitaire."

un manque de reconnaissance persistant

Au cœur des frustrations : un manque de reconnaissance persistant. Près des deux tiers des répondants à notre baromètre 2016 estiment que leur travail n'est pas reconnu à sa juste valeur, que ce soit dans leur établissement ou dans la société. Aux conditions matérielles peu satisfaisantes s'ajoute la question récurrente de la rémunération. Les trois quarts des personnels des universités, et les deux tiers des personnels des écoles et des organismes de recherche considèrent ne pas être rémunérés à la hauteur de leurs responsabilités.

Néanmoins, ces sentiments sont vécus avec plus ou moins d'intensité selon les catégories de personnels. Les administratifs sont relativement plus confiants dans l'avenir de l'université que les enseignants-chercheurs. Au sein même des personnels BIATSS et contre toute attente, les contractuels ont meilleur moral que les titulaires.

Romain Pierronnet, doctorant en sciences de gestion et conseiller scientifique du baromètre, l'analyse : "Les agents contractuels semblent être les principaux bénéficiaires de ces dernières années de transformations : la loi LRU, qui a facilité leur recrutement – notamment sur des fonctions de pilotage ou de gestion de projet – se conjugue aux politiques de site ou encore au PIA [Programme des investissements d'avenir], ce qui a contribué à provoquer des recrutements."

Les agents contractuels semblent être les principaux bénéficiaires de ces dernières années de transformations.
(R. Pierronnet)

Les universitaires déçus par François Hollande

Cause ou conséquence, le moral en berne de la communauté universitaire rejaillit sur sa vision des réformes en cours. Pour les trois quarts des répondants au baromètre EducPros 2016, la politique menée par François Hollande a eu un impact négatif sur l'enseignement supérieur et la recherche. Les deux tiers des universitaires disent que leurs conditions de travail se sont dégradées depuis quatre ans. Un jugement sévère de la part d'une communauté acquise à la gauche. Huit répondants sur dix avaient glissé un bulletin "François Hollande" dans l'urne en 2012. 

Le manque de moyens est dans toutes les têtes. Mais les politiques de regroupement d'établissements sont également jugées sévèrement. Seul un répondant sur dix a choisi, parmi les options proposées dans le baromètre EducPros, de mettre en évidence l'aspect bénéfique de la recomposition du paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche de ces dernières années. En revanche, 40 % pensent qu'elle est "génératrice de stress" et une proportion égale pointe les "difficultés concrètes" qu'elle engendre dans le travail.

Et la perspective de 20.000 à 30.000 étudiants supplémentaires sur les bancs de l'université à la rentrée 2016 n'est pas faite pour rassurer la communauté. 53 % des universitaires avancent que leur établissement fait face à cette hausse des effectifs et que cela a été difficile à gérer. Un taux qui grimpe à près de 60 % chez les enseignants-chercheurs, premiers concernés par les amphis bondés. Pas sûr que le moral remonte l'année prochaine...

Méthodologie

1.600 personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche ont répondu, entre le 15 avril et le 17 mai 2016, à un questionnaire en ligne. Ce questionnaire comprenait une vingtaine de questions sur leur moral, leurs conditions de travail et leur vision de la politique menée dans le secteur sous le mandat du président François Hollande.

Il a été réalisé avec la collaboration de Romain Pierronnet, chercheur en gestion des ressources humaines, et François Sarfati, chercheur au Centre d’études de l’emploi.

Aller plus loin sur le baromètre EducPros 2016- Les résultats en diaporama
- Le profil des répondants en infographie

Lire aussi- Les résultats du baromètre EducPros 2015

Sylvie Lecherbonnier | - Mis à jour le