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Le développement de campus à l'étranger est au cœur même de la stratégie qui a présidé en 2009 à la création de Skema, née de la fusion de l'ESC Lille et du Ceram. Après Suzhou en Chine en 2009, Raleigh aux États-Unis en 2010, la business school implantée à Lille, Sophia-Antipolis et Paris, inaugure à la rentrée 2015 son troisième campus à l'international. Il est situé à Belo Horizonte, au Brésil. Une première pour une business school française. Le pays est une destination très attractive pour les élèves et un vivier de nouveaux étudiants pour l'école qui revendique déjà 35% d'étrangers. Une centaine d'élèves du programme grande école poursuivront ainsi dès la rentrée 2015 leur scolarité sur ce nouveau campus. Rapidement, ils devraient être 500.
"L'idée est de construire une école globale pour être plus fort à l'international", raconte sa directrice, Alice Guilhon. Objectif : offrir à tous ses étudiants cette “expérience globale", "indispensable" à leur future carrière de manager, tout en poursuivant leur formation dans les mêmes conditions ou presque qu'à la maison.
Une réplique des campus français
Chaque campus est une réplique miniature de ses campus français, avec tous les services qui vont avec : coaching carrière, relations entreprises, vie associative, etc. Les cours sont dispensés dans des locaux loués par Skema, par des professeurs de Skema, selon la pédagogie Skema. Un investissement important. Entre la location des bâtiments, l'aménagement et l'équipement des locaux, l'envoi de collaborateurs français puis le recrutement de personnel sur place, l'école a déboursé 2,5 millions d'euros pour développer son campus chinois en 2009, et 3 millions l'année suivante pour ouvrir son campus américain. A l'année, le budget de fonctionnement avoisine les 4 millions d'euros aux Etats-Unis et les 2,9 millions d'euros en Chine.
Un investissement important, mais aussi un gage de "sécurité" et de "qualité", susceptible de convaincre les étudiants de choisir Skema. Ils ont accès dès la deuxième année du programme grande école à tous les sites où ils peuvent passer entre un semestre et deux ans. En comptant les étudiants des programmes postbac, 2.500 des 7.000 étudiants du groupe bougent chaque année.
Un étudiant qui part en échange dans une université étrangère, chinoise en particulier, ne comprend pas le pays car il n'y a pas été préparé.
(A. Guilhon)
Un modèle à part
Mais l'expérience interculturelle dans tout ça ? En vogue il y a quelques années, le modèle Skema est aujourd'hui peu copié. Ses concurrents, qui ont de plus en plus tendance à envoyer leurs étudiants en échange dans des universités partenaires et à miser en parallèle sur leurs campus pour former des locaux, ne se privent pas de le critiquer.
"Pour moi, les campus de Skema n'en sont pas vraiment dans la mesure où ils n'accueillent pas d'étudiants locaux. Je ne vois pas l'intérêt d'envoyer des élèves en masse sur un campus, alors qu'un échange chez un partenaire à l'étranger offre un véritable dépaysement", juge un membre du sérail. "Ces campus sont des substituts à des accords à l'étranger de qualité...", raille un autre, plus méchant.
120 nationalités
Des critiques qu'Alice Guilhon balaie d'un revers de main. "Un étudiant qui part en échange dans une université étrangère, chinoise en particulier, ne comprend pas le pays car il n'y a pas été préparé. Nous, nous lui proposons une véritable immersion, et au final une expérience beaucoup plus riche."
Les trois sites sont situés au cœur de campus universitaires : en Chine, sur le parc éducatif de Suzhou, qui abrite des universités gouvernementales et de nombreux établissements étrangers (Xi'an Jiaotong-Liverpool University, Institut franco-chinois de Renmin) ; aux États-Unis, au milieu de la technopole de Centenial Campus de North Carolina State University, et au Brésil, sur le campus de la Fundação Dom Cabral. Les élèves de Skema se frottent aux étudiants locaux à travers les expériences associatives et les travaux de groupes ou au sein des résidences étudiantes. Ils ont également pour obligation d'effectuer un stage en entreprise et peuvent tenter l'aventure entrepreneuriale au sein d'un incubateur.
Alice Guilhon, directrice générale de Skema // ©E.Gless
Même s'ils ne forment pas de locaux, les campus Skema accueillent des professeurs et des étudiants du monde entier. "On a démarré la fusion avec 60 nationalités, aujourd'hui, on en a 120. On trouve à Suzhou 1.000 étudiants issus de 50 nationalités."
Les sites à l'étranger permettent de recruter des étudiants des quatre coins de la planète. Via son site Internet en chinois, Suzhou draine à lui seul chaque année quelque 350 étudiants qui viennent remplir les sites français et américains de l'école. De même, l'école compte désormais une centaine d'étudiants made in America. "En 2009, les collègues disaient qu'on exportait des Français, maintenant on exporte de toutes les nationalités", ironise Alice Guilhon.
Un investissement rentable
À raison de 15.000 euros en moyenne pour une année de MSC constituée à 70% d'étrangers, le retour sur investissement est intéressant... Un maillon essentiel dans le modèle économique de l'école multi-campus. "Ces infrastructures, même si elles sont très chères, nous permettent d'avoir un impact très fort sur le territoire et de générer des flux d'étudiants." Avec près de 20% de croissance annuelle, les campus étrangers constituent aujourd'hui de véritables gisements de ressources.
Rentabilisé "au bout de 3-4 ans", celui de Suzhou développe aussi des activités d'executive education avec des entreprises chinoises. Raleigh est également à l'équilibre depuis un an, selon Skema. "Ces campus nous ont aussi permis de signer avec les universités du top 5 chinois et apporté plein d'autres choses. Au final, l'apport est colossal !" Un modèle différent mais qui satisfait l'école... Elle prévoit une nouvelle implantation tous les 4-5 ans. Prochaines destinations : la Russie, et sans doute l'Afrique.
Cécile Peltier | Publié le