Cas d’écoles : la quantité au détriment de la qualité ?

Géraldine Dauvergne Publié le

C’est la frénésie ! Les enseignants des écoles de commerce conçoivent et publient un peu plus d’études de cas chaque année. Au risque d’en amoindrir la qualité. Fin mars, la Centrale des cas et des médias pédagogiques (CCMP) ,la deuxième au monde, a tiré la sonnette d’alarme. Certes, ces outils pédagogiques conçus et utilisés par les enseignants des disciplines de gestion pour des exercices de simulation inspirés de situations managériales réelles gardent tout leur intérêt pédagogique. Seulement si les vocations d’auteur semblent se multiplier depuis deux ans, les ventes de cas ne s’envolent pas pour autant... À moins de resserrer les critères d’excellence de la politique éditoriale. État des lieux et pistes d’action. 

Le marketing surreprésenté

Depuis 2005, la CCMP observe ainsi une augmentation constante du nombre de dépôts de nouveaux cas sur son catalogue (138 en 2005, 157 en 2006...) – et du nombre d’auteurs –, tandis que le chiffre d’affaires annuel, hors formations et adhésions, enregistre un certain tassement et dépasse légèrement 400 000 € en 2006. Par ailleurs, la CCMP souligne plusieurs déséquilibres de son catalogue actuel. Les fonctions « marketing » et « politique générale-stratégie » sont très fortement surreprésentées. En 2006, 75 cas ont été déposés dans la première catégorie, 41 dans la suivante, tandis qu'on n'enregistrait qu'un seul nouveau cas en « production logistique » et en « techniques quantitatives ». Autres parents pauvres : les « aspects juridiques » (3 cas déposés en 2006), les « systèmes d'information » (5 cas), la finance (6), la comptabilité et le contrôle de gestion (11), les ressources humaines (14).  

La norme Equis génératrice de dérive ?

José Martin, directeur de la CCMP, met en garde contre la dérive qui s’annonce : « Le dépôt des cas conçus par les enseignants constitue aujourd’hui un élément pris en compte dans le processus d’accréditation d’une business school par Equis. Mais, à force, on peut craindre que le cas se réduise à sa seule fonction d’objet de publication et de recherche, alors que sa finalité est d’être un support pédagogique. » Dans l’optique du label Equis, il n’est en effet pas directement utile de faire un « best-seller » qui soit très utilisé en cours par plusieurs générations d’élèves... puisque seule compte pour une centrale sa présence au catalogue. Un manuscrit vite écrit, vite déposé et vite oublié fait aussi bien l’affaire. « Le risque est de voir la CCMP devenir un lieu de dépôt légal, qui atteste officiellement d’une activité de publication », regrette José Martin.  

Les bonnes ventes, un indicateur significatif de la qualité pédagogique

Pour contrer la menace, la CCMP a entrepris de définir et de faire la promotion de six critères permettant de mieux juger de la qualité réelle d’une étude de cas. Le référentiel Equis fait d’ores et déjà figurer trois d’entre eux parmi ses nouvelles normes de qualité : la transférabilité du produit à des utilisateurs autres que l’auteur ; le caractère de son architecture didactique ; le caractère original de la thématique. Mais la CCMP va plus loin en ajoutant d’autres points : l’authenticité – c’est-à-dire la réalisation du cas en coopération avec une entreprise –,la qualité éditoriale du manuscrit et la reconnaissance par les pairs, notamment à travers le nombre des ventes. « Il existe un lien certain entre la vente d’un cas et sa qualité pédagogique, soutient José Martin. Il s’agit d’un produit conçu et acheté par des enseignants, pour un usage pédagogique. Il est cher à l’achat (470 € la licence d’utilisation), mais il ne suscite que 1 % de retour négatif. Nous avons ainsi intégré le retour d’information de la part des utilisateurs comme un indicateur de satisfaction.»  

Difficile de rivaliser avec le système anglo-saxon

Cependant, la CCMP n’envisage pas de rendre public le nombre de ventes pour chacun des produits de son catalogue. Les chiffres souffriraient trop la comparaison avec ceux de l’ECCH, son équivalent britannique, ou avec ceux d’institutions anglo-saxonnes commercialisant sous leur propre marque leur production d’études de cas, tel Harvard, où le l’organisme concept est né il y a un siècle. En effet, quand un bon produit du catalogue de la CCMP donne lieu à 17 ventes de licences, Harvard fait 100 000 ventes... à l’unité ! La licence d’utilisation telle que la pratique la CCMP ne se vend qu’une bonne fois pour toutes à un établissement, quel que soit le nombre d’élèves qui en bénéficient par suite. Tandis que l’ECCH et Harvard vendent autant d’outils que d’élèves, moyennant une déclaration sur l’honneur des professeurs dûment accrédités et identifiés. L’enseignement du management aussi a son exception culturelle française !

Géraldine Dauvergne | Publié le