Ces écoles et universités qui s'engagent contre le sexisme

Corinne Dillenseger Publié le
Ces écoles et universités qui s'engagent contre le sexisme
La communication publique sans stéréotype de sexe passe également par l'équilibre des représentations des femmes et des hommes, que ce soit dans les conférences, les vidéos ou les affiches. // ©  HCE
Depuis 2015, sept établissements d'enseignement supérieur publics ont signé la convention pour une communication sans stéréotype de sexe du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. Du Cnam à l'ENA en passant par l'Upec et l'université Paris-Nanterre, tour d'horizon des actions mises en place.

C'était en octobre 2017. Le Conservatoire national des arts et métiers annonçait sur les réseaux sociaux le changement d'écriture du nom de son école d'ingénieurs. Une annonce qui a aussitôt provoqué la colère de certains internautes, incitant l'institution à rappeler qu'elle utilise l'écriture inclusive depuis déjà deux ans.

C'est en effet en novembre 2015 que le Cnam a signé la convention pour une communication publique sans stéréotype de sexe du HCE (Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes). Cet accord s'appuie sur un guide de recommandations, afin d'éliminer les expressions sexistes, d'accorder les noms de métiers ou de fonctions, d'utiliser le féminin et le masculin à l'écrit comme à l'oral, d'équilibrer les représentations des femmes et des hommes sur les affiches, dans les vidéos ou les conférences... sans oublier d'utiliser l'écriture inclusive.

À ce jour, sept établissements d'enseignement supérieur publics se sont engagés dans cette démarche. Outre le Cnam, sont signataires l'université Paris-Nanterre, l'ENS Rennes, Science po Toulouse, l'ENA, l'Upec et l'université Toulouse-Jean-Jaurès.

Un volontarisme qui peut heurter, même en interne. "Le Cnam est une institution très masculine, souligne Najla Fourati, chargée de mission égalité et enseignante-chercheuse en physique. La moitié du personnel est opposée à l'utilisation de l'écriture inclusive, jugée trop compliquée. Il faut constamment démontrer son utilité, rappeler l'engagement pris auprès du HCE."

Petit à petit, l'usage du féminin s'affiche sur le site, les réseaux sociaux, les documents officiels, les brochures, dans les signatures des enseignants et même dans le nom des amphithéâtres. Deux d'entre eux sur la dizaine que compte l'établissement portent désormais le nom d'une femme. "En 2016, la salle de conférences du Musée des Arts et métiers a été baptisée Marie-Louise Paris [ingénieure, fondatrice de l'EPF (École polytechnique féminine)]. Une demi-victoire : la plaque à l'entrée n'a toujours pas été installée", tempère Najla Fourati.

Une habitude difficile à prendre

Pionnière tout comme le Cnam, l'université Paris-Nanterre admet que la mise en œuvre a été laborieuse. "Les habitudes sont tenaces, que ce soit de la part des services administratifs, des enseignants ou des étudiants. Ce n'est pas un sujet jugé très important", regrette Anne-Marie Vonthron, chargée de mission égalité et professeure en psychologie du travail.

Pour se familiariser avec les nouveaux usages, un guide inspiré de celui du HCE a été diffusé sur l'Intranet. Une rubrique spéciale a été créée sur le site, les associations d'étudiants et les services internes formés. "Il est prévu d'organiser des ateliers sur la communication inclusive à destination des enseignants et un séminaire pour les référents égalité des différentes UFR. La tâche est loin d'être terminée", ajoute-t-elle.


Les habitudes sont tenaces, que ce soit de la part des services administratifs, des enseignants ou des étudiants
(A.-M. Vonthron)

À l'ENA, la démarche a été engagée bien avant la convention du HCE, signée en juin 2016. "La féminisation des noms de métiers à la sortie de l'école – administratrice, auditrice ou inspectrice – a commencé au milieu des années 1990", rappelle Nathalie Tournyol du Clos, directrice de la formation. Et l'écriture inclusive ? "Nous ne l'utilisons que dans certains documents. Nous n'avons ni le temps ni les moyens de la généraliser. En revanche, nous veillons à ce qu'il y ait bien des femmes qui interviennent dans nos colloques", pointe-t-elle.

Entre doute et conviction

Pas de temps à perdre à l'université Paris Est-Créteil-Val-de-Marne, où la chasse aux stéréotypes de sexe est menée tambour battant depuis mars 2017.



L'établissement convertit actuellement à l'écriture inclusive son site et tous les documents officiels, arrêtés et fiches de postes, "sauf les articles du "Journal officiel" : nous ne pouvons pas en modifier le contenu, déclare Lolita Rubens, chargée de mission égalité et professeure en psychologie sociale. Nous ne rencontrons pas de réticences sur le fond, juste quelques doutes parfois sur la manière de l'appliquer."

La démarche, publiée sur le site et l'Intranet, sera présentée aux membres du personnel de toutes les composantes, ainsi qu'aux associations d'étudiants. "Lutter contre les stéréotypes de sexe nécessite beaucoup de conviction, d'investissement et d'énergie", confie Lolita Rubens. À ce titre, le soutien du HCE est perçu comme primordial. Ce dernier a d'ailleurs réuni pour la première fois l'été dernier à Paris les sept "référent.e.s égalité" des établissements signataires. Quatre ont pu se libérer pour partager leurs pratiques... et leurs états d'âme.

Corinne Dillenseger | Publié le