Lettres, langues, sciences humaines et sociales : offrir une visibilité professionnelle aux étudiants et aux jeunes diplômés

Dossier réalisé par Fabienne Guimont
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Dans les universités de LLSHS habituées à former de futurs enseignants, c’est une petite révolution. Certaines filières ont mis la professionnalisation au programme de leurs cursus et valorisent l’insertion vers l’entreprise.

L’université de Bourgogne a misé sur l’insertion professionnelle de ses étudiants avec des actions tous azimuts. Sur son site, les débouchés professionnels s’affichent en première page sous une rubrique intitulée «Je veux être…». S’ensuit une vingtaine de métiers (assistant des ressources humaines, responsable de la gestion de l’information et de la communication, etc.) renvoyant aux formations correspondantes de l’université. Un hasard ? Le métier d’enseignant/formateur arrive en queue de liste. Lancé en décembre 2011, un nouveau réseau social d’échanges entre étudiants, anciens étudiants et professionnels est spécifiquement dédié à l’emploi : «uB Link se veut un espace commun pour trouver un stagiaire, un collaborateur ou un employeur.» 

Un nouveau réseau social d’échanges entre étudiants, anciens étudiants et professionnels spécifiquement dédié à l’emploi


Professionnalisation des formations toute !

Les formations sont aussi en pleine révolution. Les nouvelles licences intégreront, à la rentrée prochaine, des options menant soit aux concours administratifs, à l’entreprise, à l’enseignement ou à la communication, et listeront des métiers possibles. «Pour nous, ce répertoire des métiers imposé par le ministère pour construire de nouvelles maquettes a été une révolution, alors que jusqu’à présent le top était de former des profs, voire des profs de fac», reconnaît Marie-Madeleine Gerrer, directrice de l’UFR langues et communication de l’université bourguignonne. Et tous les étudiants de deuxième et troisième années de LEA et LLCE doivent suivre une UE transversale pour réfléchir à leur insertion professionnelle (CV, simulation d’entretien, recherche de métiers). Un premier forum emploi dédié spécifiquement aux lettres et langues s’est même tenu l’an passé. «Je voudrais qu’on ouvre plus de choix de masters aux licenciés de LLCE, que des professionnels interviennent en licence et qu’on développe l’alternance», projette Marie-Madeleine Gerrer.

Entreprises : lever l’autocensure

«La problématique des SHS, c’est que la diversification des filières et le sourcing [terme utilisé dans les RH pour parler de l’identification des candidats] n’ont pas été faits», constate Samuel Douette, missionné sur le projet Atout jeunes universités par l’AFMD (Association française des managers de la diversité). Sur le modèle de l’opération Phénix pour les masters, cette initiative, lancée début 2011, entend être plus large et toucher des étudiants en arts, lettres, langues et SHS dès la troisième année de licence, soit un potentiel de quelque 6.000 étudiants.

Elle ambitionne de rapprocher des entreprises comme L’Oréal, Danone et Auchan avec les étudiants et enseignants de ces filières. Les universités de Saint-Étienne, Paris 13, Cergy, Créteil et Marne-la-Vallée s’y sont engagées. L’idée est de se dire que si des doctorants anglais en philosophie n’ont pas de problème pour trouver des postes chez JP Morgan, la réciproque doit être vraie en France, à condition de lever l’autocensure de ces étudiants vis-à-vis des grandes entreprises et de créer de la confiance. Une palette d’outils est mise à disposition des universités, comme des interventions en cours sur la fonction RH, des ateliers CV-entretien, des rencontres avec des DRH, des visites d’entreprises, des business games et des stages. L’université de Saint-Étienne, déjà bien avancée sur la cartographie des compétences de ses licences, va même co-concevoir une UE sur la connaissance du monde de l’entreprise.

Un recrutement à repenser


«Les entreprises doivent repenser leur façon de recruter et intégrer les diplômés de SHS car ils sont moins rapidement opérationnels que les élèves des écoles. En revanche, ils apportent autre chose, considère Samuel Douette. Une jeune étudiante issue d’un cursus en histoire/philosophie, par exemple, avait consacré son mémoire à l’histoire du rouge à lèvres. En stage, elle apportait son sens critique, sa créativité, mais elle avait besoin d’un accompagnement sur la partie chiffrée de la part de l’entreprise. Le but étant d’élargir les fonctions auxquelles les étudiants de LLSHS peuvent accéder, nous travaillons beaucoup sur la curiosité.»

La professionnalisation : un des fronts

L’université Paris-Est-Créteil (UPEC), membre d’Atout jeunes, mise sur les actions de professionnalisation (modules de PPP – projet professionnel personnalisé – obligatoires, stages optionnels en L2/L3 ou parcours de L3 professionnalisé en rédaction professionnelle et communication multimédia), mais pas seulement. «On ne fait pas que de la professionnalisation. On a mis en place des cours de culture générale au premier semestre de licence et créé des bilicences. C’est toute la complexité d’une offre de formation qui doit s’adapter à tous les publics», explique Julien Frémont, chargé de communication de son UFR lettres, langues et sciences humaines.

Car les universités doivent s’attaquer à tous les fronts pour redorer leur image. Au-delà des débouchés et de la professionnalisation de leurs étudiants, «soigner» les lycéens pour les attirer dans leurs formations compte parmi les missions urgentes. Dans son opération «veni, vidi, vici» , l’UPEC a réussi le tour de force de mêler les deux en faisant se rencontrer depuis trois ans des élèves de terminale et des diplômés de ses filières, aujourd’hui en poste. Des clips tournés sur ces métiers qu’ils apprendront peut-être un jour à leur tour sont réalisés avec humour par les lycéens. L’orientation active prend alors du sens, avec humour.

Dossier réalisé par Fabienne Guimont
Février 2012


Dossier réalisé par Fabienne Guimont | Publié le