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Dispositif "oui, si" : les universités dressent un bilan plutôt mitigé

Clémentine Rigot Publié le
Dispositif "oui, si" : les universités dressent un bilan plutôt mitigé
La licence "Oui,si" permet de réaliser sa licence en trois ans, avec des cours supplémentaires de méthodologie, du tutorat, ou en quatre ans, avec une première année de remise à niveau et d’approfondissement. // ©  Adobe Stock/qunica.com
Si la première année adaptée prévue par le dispositif "oui si" permet à de petits groupes d’étudiants de réussir leur licence, les universités restent nuancées quant à l'efficacité de la mesure, instaurée à la rentrée 2018.

"Oui, si". C’est l'une des réponses que les élèves de terminale peuvent recevoir sur Parcoursup. Il s’agit d’une proposition d’admission dans des formations non sélectives, mais sous conditions.

Dans ce dispositif mis en place à la rentrée 2018, l’établissement propose au futur inscrit de réaliser sa licence en trois ans, avec des cours supplémentaires de méthodologie, du tutorat, ou bien en quatre ans, avec une première année de remise à niveau et d’approfondissement de certaines matières.

Un dispositif pas très populaire

"On propose souvent le dispositif à des bacheliers qui veulent s'orienter dans des études scientifiques, mais qui ont arrêté les maths, par exemple", explique Ghislaine Godinaud, directrice du département licence sciences et technologies de l’université de Bordeaux (33).

Cette année, ils sont une quarantaine d’étudiants à suivre ce programme, répartis dans huit licences. Un très petit groupe : le "oui, si" n’est pas très populaire. Alors que la faculté propose chaque année à près de 160 bacheliers de suivre le dispositif, seul un quart l’accepte.

"C’est difficile de leur faire comprendre que c’est une chance pour eux. Ils le vivent un peu comme une sanction", analyse Ghislaine Godinaud.

Bien cibler les étudiants

"Le bilan est globalement mitigé", admet Sophie Kennel, vice-présidente déléguée à la transformation pédagogique à l’université de Strasbourg (67).

En effet, la difficulté repose dans la sélection des étudiants à qui l’on propose le dispositif. Il est adapté pour les "élèves avec un dossier et niveau moyen, à qui il ne manque qu’un petit coup de pouce, précise Sophie Kennel, mais pour les élèves vraiment en difficulté, cela ne suffit pas." Reste donc aux universités de bien cibler les futurs inscrits.

À l'université Rennes 2, on préfère ainsi proposer cette option après un temps d’accueil pédagogique renforcé et ponctué de tests de positionnement des élèves pendant leur première semaine de L1, plutôt que directement sur Parcoursup.

Réussir sa licence en quatre ans peut être un peu stigmatisant au début, mais le regard des étudiants évolue au fur et à mesure de l’année (L. Melayers)

Les étudiants peuvent ensuite s’inscrire en licence "oui, si" sur la base du volontariat. En trois ou quatre ans, elle laisse une grande place au tutorat entre pairs, qui "permet de rassurer les nouveaux arrivés qui plongent dans le grand bain", souligne Lucie Melayers, coordonnatrice des dispositifs d'aide à la réussite étudiante pour l'université.

Charge aux bacheliers qui se voient proposer cette option d’en tirer profit au maximum. "C’est une vraie chance d’acquérir des méthodes, qui ne serviront pas uniquement à passer des examens", assure Sophie Kennel. Réussir sa licence en quatre ans "peut être un peu stigmatisant au début, mais le regard des étudiants évolue au fur et à mesure de l’année", complète Lucie Melayers.

À Bordeaux, la moitié des étudiants valident leur première année

À l'université de Bordeaux, "sur 40 étudiants, la moitié valident leur ‘L0’ et intègrent la licence", détaille Ghislaine Godinaud. Un taux de réussite que la responsable explique par leur sélection des élèves, dossier par dossier. "On s’attarde sur les notes, les appréciations, la motivation", explique-t-elle.

Même avec un accompagnement poussé, le "oui, si" ne permet pas à tous de réussir. "On ne peut pas pallier toutes les difficultés. Par exemple, nous n'acceptons les élèves de certains bacs technologiques, comme le STMG, parce que nous savons d’expérience qu'ils ne réussissent pas en licence scientifique", regrette-t-elle. 

"On se concentre sur les étudiants qui sont en capacité de réussir, abonde Sophie Kennel. Ce n’est pas adapté à tout le monde, certains jeunes qui ont du mal avec l’académique sont encore plus en difficulté si on leur rajoute des heures de cours ou une année entière d’étude", précise-t-elle.

"Parfois, le modèle universitaire ne convient pas à l’étudiant, affirme Lucie Melayers. Et si l’étudiant est en très grande difficulté sur autre chose que la méthode, c’est plus compliqué. C’est aussi très dur pour ceux qui n’ont pas le français comme langue maternelle", explique la coordinatrice.

Des formations coûteuses pour l'université

Ces licences "oui, si", qui permettent d’amener un certain nombre d’étudiants vers la réussite, restent fragiles. Et le dispositif a un coût : "Vu la conjoncture actuelle, c’est déjà compliqué. Pour le moment, on le conserve, mais jusqu’à quand ?" s’interroge Ghislaine Godinaud.

Alors qu’une université sur deux est déficitaire, la responsable s’inquiète de la pérennité de ce système.

Clémentine Rigot | Publié le