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Écoles de commerce : le dogme du programme Grande école en trois ans évolue

Catherine Piraud-Rouet Publié le
Écoles de commerce : le dogme du programme Grande école en trois ans évolue
La diversification du modèle PGE devrait prendre de l'ampleur dans les années à venir. // ©  Adobe stock/Yakobchuk Olena
Le PGE en trois ans a du plomb dans l'aile. Aujourd'hui, plusieurs écoles de commerce proposent une version modifiée de leur formation phare, sous des modalités diverses. Un choix stratégique, visant à répondre au mieux aux nouveaux défis du marché.

Le programme Grande école (PGE), cursus d'excellence et pilier des écoles de management, est en pleine mue. Naguère réservé, en trois ans, aux sortants de prépas ou aux admis sur titre à bac+2/3, il multiplie, ces dernières années, les formules rénovées.

Effritement des recrutements post-prépa

Cette nouvelle donne touche d'abord les écoles de milieu et de bas de tableau, pour des raisons de difficultés de recrutement. Elles sont les premières victimes de la baisse du vivier de candidats issus de prépas éco (-14 % en 2023).

Depuis cette rentrée, Eklore-ed School of management (ex ESC Pau) a lancé un master en management en deux ans, désormais uniquement ouvert à bac+3, comme tout master. Mais loin de l'image du PGE d'école de management.

Les enjeux ? D'abord, un cadre plus lisible, en accord avec les critères de Bologne (licence/master/doctorat). "Cela facilite le recrutement de nos 30% d'étudiants internationaux de master", pointe Loïc Harriet, directeur général d'Eklore-ed.

Mais aussi une adaptation à l'évolution du marché. "Avec l'essor des bachelors et des licences pros, ainsi que le passage du DUT en un BUT en trois ans, le recrutement à bac+2 a fortement diminué", expose-t-il.

Ce nouveau périmètre permettrait également d'améliorer l'encadrement des élèves. "La diminution d'une année de la formation permet d'augmenter le volume de face-à-face pédagogiques avec des professeurs permanents", souligne-t-il.

Preuve que le sujet est sensible : l'expression "Master Grande École" est toutefois déniée par la CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion), qui ne lui octroie à ce jour que le titre de master, un diplôme visé en deux ans. À noter que le terme "PGE" n'est, de toute façon, pas un titre réglementé, mais une simple appellation commerciale.

42% des PGE désormais accessibles en post-bac

À l'EM Strasbourg, tout comme à l'Institut Mines-Télécom Business School (IMT-BS), le même constat a conduit à deux choix différents.

La première vient de donner le coup d'envoi à un PGE en cinq ans, sur recrutement post-bac (via le concours Sésame à partir de la rentrée 2025), tout en conservant ses autres voies d'admission. Avec 70 bacheliers admis, l'école a rempli cette première promotion. "Nous souhaitons conserver un effectif restreint pour garantir la qualité d'une grande école", indique Charlotte Massa, directrice déléguée du PGE.

L'école rejoint ici les rangs, déjà fournis, de ses concurrentes proposant un PGE en cinq ans. "42% des 38 PGE conférant grade de master évalués par nos soins sont accessibles en post-bac", précise Mathilde Gollety, présidente de la CEFDG.

Bachelor intégré au PGE…

Tout en poursuivant, elle aussi, un recrutement post-prépa, l'IMT-BS a, elle, mis le cap sur la création d'un continuum entre son bachelor et son PGE. Presque une autre façon d'ouvrir une voie d'accès post-bac.

"Cette articulation vise à proposer une expérience académique plus fluide à nos diplômés de bachelor, en les laissant libres d'intégrer le monde du travail dès le niveau bac+3 ou de poursuivre à bac+5, vers notre PGE, mais aussi vers d'autres formations", répond Herbert Castéran, son directeur.

Une réforme qui n'est pas anodine, car elle a nécessité un important travail de coordination pédagogique ainsi qu'une révision des maquettes, afin de supprimer les doublons ou, au contraire, combler les trous entre les deux programmes.

…ou PGE accéléré en un an

Ce vent du renouveau souffle aussi sur les écoles les plus prestigieuses, mais avec d'autres leviers. L'Essec a inauguré en septembre un PGE accéléré en un an à destination de dix étudiants de niveau M1 et justifiant d'au moins un an d'expérience professionnelle et de six mois à l'international.

"Les étudiants y suivront les mêmes cours que leurs camarades et décrocheront le même master in management (MiM)", déclare Emmanuelle Le Nagard, sa directrice académique. "Seules différences : pas de possibilité d'alternance, l'ajout de modules carrière et une mission en entreprise d'un mois minimum à l'international en fin de cursus."

L'instauration de ce PGE express répond à une tendance observée déjà de longue date dans cette grande école aux maquettes particulièrement flexibles.

"Quelque 10% de nos étudiants parviennent à boucler les prérequis du PGE en moins de trois ans, souligne Emmanuelle Le Nagard. L'officialisation de cette possibilité participe de ce souhait d'aller plus vite, notamment pour des raisons financières."

Des modalités d'évaluation des maquettes inchangées

Pour la CEFDG, l'évaluation de ces formations, et notamment de l'acquisition de toutes les compétences et les savoirs, sur des cursus PGE post-bac ou à l'inverse parfois raccourcis, n'est pas un souci en soi.

"Il ne s'agit pas tant d'une transformation des PGE que de l'offre des écoles, estime Mathilde Gollety. Nous continuons donc à octroyer des visas ou des grades master sur ces programmes PGE, selon un référentiel intégrant toute une palette de critères : organisation de la formation ; moyens humains, matériels et financiers ; ressources académiques ; adossement à la recherche ; insertion professionnelle ; ouverture internationale ; innovation pédagogique…"

De l'avis de tous, cette diversification du modèle PGE devrait encore prendre de l'ampleur dans les années à venir.

Le recrutement post-prépa ne va perdurer que pour les plus grandes écoles de commerce et l'on se dirige, pour les autres, vers deux modes d'admission dominants : soit en post-bac pour une formation de cinq ans, soit à bac+3 pour un cursus de deux ans, prédisent ainsi Loïc Harriet, Herbert Castéran et Corinne Massa.

Catherine Piraud-Rouet | Publié le