Écoles et universités veulent rendre plus accessible la recherche en management

Séverine Mermilliod Publié le
Écoles et universités veulent rendre plus accessible la recherche en management
Les écoles de management veulent rendre la recherche en gestion plus adaptée aux entreprises et à la société. // ©  Drazen/Adobe Stock
Depuis quelques années, écoles et universités tentent de trouver des solutions pour rendre la recherche en management plus utile. Vulgarisation, blogs, études d'impacts... Un enjeu stratégique, mais aussi un moyen de s'adresser aux entreprises et d'avoir un impact concret dans la société.

Vidéos sur la gestion, webinaires, lancement d'un blog par l'école Neoma... Un peu partout en France fleurissent des initiatives pour vulgariser et diffuser la recherche en management. "Pendant longtemps la recherche a été une main invisible. Les écoles et universités ont beaucoup investi dans la recherche pour pouvoir satisfaire aux standards des accréditations et des classements", rappelle Richard Soparnot, directeur académique et professeur à l'ESC Clermont BS, mais cette multiplication de travaux n'a pas permis à la recherche de passer au premier plan.

Pendant longtemps la recherche a été une main invisible (R. Soparnot, ESC Clermont BS)

Car le constat est là : les professionnels, les managers, connaissent mal la recherche en management. "Une étude de la Fnege publiée en 2016 portait sur cet impact. Elle a mis en évidence que, sur plusieurs milliers de managers interrogés ayant suivi une formation - donc au contact de la recherche -, plus de 60% d'entre eux ne sont pas au courant des dernières avancées en matière de recherche en management, et 50% estiment que la recherche ne leur est pas ou peu utile", souligne Richard Soparnot, lui-même auteur, avec les chercheuses Fernanda Arreola et Pascale Borel d'une étude sur le sujet.

Une recherche pour créer de la valeur

C'est pourquoi aujourd'hui écoles et universités souhaitent inverser la vapeur. Deux raisons à cela, analyse Richard Soparnot : la stratégie, car l'impact de la recherche est désormais un critère pour plusieurs organismes accréditeurs, mais aussi "une prise de conscience des chercheurs que leur travail mérite d'être connu, qu'il doit sortir de leur communauté" et atteindre un plus large public.

Ce que confirme Gaël Bonnin, directeur de la recherche de Neoma : "C'est quelque chose que l'on ressent au quotidien, avec d'une part une pression des étudiants qui nous disent 'd'accord, c'est intéressant, mais en quoi est-ce utile ?', et d'autre part des organismes accréditeurs qui mettent de plus en plus l'accent sur l'impact de cette recherche pour faire évoluer les pratiques."

L'idée est donc que la recherche en management puisse servir la société. "La recherche en management doit être la production d'une connaissance utile aux managers", pas une production académique "que personne ne lit", abonde Julien Husson, professeur des universités et directeur de l’IAE de Metz. "La recherche doit partir d'une demande sociale, d'un besoin d'une entreprise, et aboutir à la production d'une connaissance généralisable".

La recherche doit partir d'une demande sociale, d'un besoin d'une entreprise (J. Husson, IAE de Metz)

Selon lui, diffuser et rendre visible la recherche en management est le moyen de prouver qu'elle est "capable de participer à création de valeur, de méthodologies, d'outils..." Elle peut aussi aider les décideurs et entreprises à prendre des décisions les plus pertinentes possibles, donc, et même "aller parfois au-delà du contexte de l'entreprise", renchérit Gael Bonnin. "Certains collègues travaillent par exemple sur les dimensions éthiques managériales ou le comportement des consommateurs". Autant de recherches qui mériteraient selon eux d'être davantage diffusées.

Construire des projets avec les entreprises

D'où le lancement de blogs et d'autres moyens de diffusion développés par les IAE, écoles et universités. Nathalie Janson, enseignante au sein de Neoma et qui a écrit pour le nouveau blog de l'école, diffuse très régulièrement sa recherche au travers de tribunes, pitchs ou interviews, jusque dans la presse généraliste. "C'est un moyen d'apporter des clefs de compréhension. Le chercheur a le temps du recul, de l'analyse, que n'ont pas forcément ceux qui prennent les décisions", explique-t-elle.

Julien Husson cite de son côté les chaires de recherche développées par l'IAE de Metz avec des partenaires privés sur des "projets de recherche très appliqués", l'organisation de "webinaires" - le dernier en date sur le management de la santé pour faire écho au Ségur de la Santé -, ou encore la "production de vidéos et d'interviews en ligne sur une actualité précise", sur le site de Fenêtre ouverte sur la gestion.

"On fait ce que l'on appelle de la recherche-intervention : on part d'un problème de terrain, on construit un protocole de recherche et en parallèle on produit de la connaissance. C'est la différence avec le consultant : le chercheur va apporter une réponse sur un temps court, mais ensuite produire de la connaissance sur le temps long", analyse-t-il.

A Neoma, il existe des séminaires d'échanges, note encore Gaël Bonnin, et des projets de recherche construits avec les entreprises et même des partenaires politiques, comme un travail sur l'attractivité de la ville de Reims ou une étude actuellement menée par des professeurs de l'école sur l'impact des technologies sur l'évolution des pratiques managériales. "Les choses ne changeront vraiment que lorsque ce paramètre de l'impact de la recherche sera intégré dans l'évaluation des écoles", conclut Richard Soparnot, qui prône des études d'impact. "Les organismes accréditeurs, et les classeurs qui travaillent au classement des écoles, ont un rôle central à jouer dans cette ouverture."

Séverine Mermilliod | Publié le