Quand les parents se mettent au service des écoles postbac

Marie-Anne Nourry Publié le
Quand les parents se mettent au service des écoles postbac
La médiathèque de l'ESSCA // ©Laurent Massillon // © 
Dans la sphère du postbac privé – écoles de commerce et d'ingénieurs confondues –, nombreux sont les parents d'élèves qui se mobilisent pour le développement de l'école. Au point que les plus zélés se réunissent au sein d'associations. Leur action : la collecte de la taxe d'apprentissage et la promotion de l'établissement. Décryptage d'une relation très rapprochée.

Accroître la valeur du diplôme. C'est l'objectif commun des grandes écoles et des parents d'élèves. Dans les écoles postbac privées, où les frais d'inscription varient de 6.000 à 8.000 euros, les familles – qui attendent un retour sur investissement – ouvrent volontiers leur carnet d'adresses et sont prêtes à donner de leur temps. Au cours des vingt dernières années, une poignée d'associations de parents a ainsi vu le jour, parfois à l'initiative des écoles, souvent à celle des parents les plus dynamiques. L'objectif des parents est de structurer leur action et d'être représentés dans les instances décisionnelles de l'établissement. Dans certaines écoles, les associations ont ainsi leur voix au conseil d'administration.

Avec les parents de la génération Y, le succès de ces associations a été rapide. Créé il y a cinq ans, le Cercle des amis et parents (CAP) de l’Esdes compte aujourd'hui les parents de huit élèves sur dix. "De la même manière qu'il est proposé aux élèves de rejoindre l'association des alumni lors de l'inscription, il est offert aux parents d'adhérer à CAP Esdes", explique Marine Triomphe, la directrice des relations extérieures de la business school lyonnaise.

Et l'implication des parents n'est pas l'apanage des écoles de management. Les écoles d'ingénieurs postbac privées comptent également quelques associations. L'Estaca, par exemple : "Les parents ont un regard plus distancié que le nôtre et c'est important d'avoir leurs impressions sur ce qui marche bien, ce qui marche moins bien. L'association se charge d'agréger les retours des familles", rapporte la directrice, Pascale Ribon.

Les parents ont un regard plus distancié que le nôtre et c'est important d'avoir leurs impressions sur ce qui marche [et] ce qui marche moins bien.
(Pascale Ribon - Estaca)

Collecter la taxe d'apprentissage

Parmi les missions assignées aux association de parents, la collecte de la taxe d'apprentissage fait l'objet d'une incitation particulièrement vigoureuse. "Par l'entremise de l'association, nous faisons appel aux familles de manière décomplexée, en veillant toutefois à ne pas leur donner l'impression de leur tirer la manche de manière déplaisante, révèle Guillaume Bigot, le directeur de l'Ipag (business school). C'est l'indépendance financière de l'école qui est en jeu."

Si certains établissements ciblent en priorité les parents occupant des postes à responsabilités dans des grandes entreprises, d'autres ne font pas de différenciation. Une stratégie tous azimuts qui peut s'avérer payante, estime le directeur de l'Ipag : "Certaines opérations s'effectuent par des canaux plus compliqués qu'il n'y paraît. C'est parfois le beau-frère d'un des parents qui est décisionnaire et verse la taxe."

Élargir le réseau de l'école

Car l'ambition des écoles est bien d'accéder aux réseaux des parents. "Ils constituent un sésame si nous avons besoin d'entrer dans une entreprise qui ne fait pas partie de nos entreprises partenaires ou d'aider un étudiant qui cherche un stage spécifique pointu", argue la directrice de l'Estaca, une école spécialisée dans l'automobile.

"Les parents sont très volontaires et certains proposent spontanément des intervenants qu'ils connaissent", poursuit Alain Liault, vice-président de l'association CAP Essca. Lui-même est issu de la promotion 1976 de l'école de management angevine, patron d'une entreprise de 200 personnes, dont le directeur général est un ancien de l'Essca, et parent d'un étudiant en cinquième année. "Si je suis dirigeant aujourd’hui, je le dois en grande partie à mon école, à laquelle j'ai toujours renvoyé l’ascenseur", confie-t-il. Du pain bénit pour l'établissement.

Participer aux journées portes ouvertes

Qui mieux qu'un parent peut rassurer un autre parent et lui vanter les atouts de l'école ? Dans la plupart des établissements, les plus dynamiques sont invités à participer aux journées portes ouvertes. Là, ils jouent un véritable rôle d’ambassadeurs. "Cela permet aux parents inquiets de ne pas entendre la seule voix de l'école, explique Alain Liault. Nous sommes légitimes et les familles nous écoutent."

Les volontaires sont incités à se former auprès du service promotion. "Autrement, on se retrouve dans des situation cocasses où des parents diffusent des informations erronées ou en font trop, lâche le directeur de l'Ipag. Il est important de leur rappeler qu'on n'est pas dans une entreprise commerciale."

Les membres de l'association [des parents] sont comme des partenaires sociaux que nous rencontrons régulièrement et à qui nous exposons les problèmes.
(Guillaume Bigot - Ipag)

La contrepartie : des parents exigeants

En retour de cet investissement, les parents sont exigeants sur la qualité des services de l'école. "Nous sommes une voix supplémentaire qui oblige l'école à discuter avec nous, revendique Alain Liault, vice-président de CAP Essca. Il y a quelques années, on avait trouvé que l'accueil des candidats était moins bon à l'Essca que dans d'autres écoles. L'école a entendu nos propositions et on a retrouvé depuis une réelle ambiance de concours."

De son côté, le directeur de l'Ipag confesse que les relations entre l'école et les parents ne sont pas toujours au beau fixe : "Dire que certains parents ne montent pas au créneau pour se faire rembourser la taxe quand il y a des échecs, par exemple, ça serait mentir, mais ça fait partie de notre travail." Pour Guillaume Bigot, la présence d'une association des parents dans l'école est un moyen de neutraliser cet effet consumériste. "En impliquant les parents dans la vie de l'école, nous leur faisons comprendre qu'ils ne sont pas uniquement des clients, indique-t-il. Les membres de l'association sont comme des partenaires sociaux que nous rencontrons régulièrement et à qui nous exposons les problèmes. Ils servent de courroie de transmission."

Pour arbitrer ces échanges parfois houleux, l'Esdes a nommé un référent au service des relations entreprises, qui sert d'interlocuteur pour l'association. "Cette personne joue un rôle d'aiguillon bénéfique", apprécie Marine Triomphe, la directrice des relations extérieures. Car si tout le monde trouve son compte dans cette relation étroite, c'est à la condition de respecter certaines limites.

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