En STAPS, l’augmentation des inscrits met (à nouveau) en lumière le manque de moyens

Malika Butzbach Publié le
En STAPS, l’augmentation des inscrits met (à nouveau) en lumière le manque de moyens
La filière STAPS, comme ici à l'université de Nice, une des filières les plus en tension souffre de manque de moyens. // ©  Eric Gaillard / REUTERS
La filière STAPS est l'une des plus attractives à l'université. Elle est la troisième licence préférée des bacheliers sur Parcoursup et le taux de réussite augmente de manière significative depuis 2018. Pourtant, les moyens ne suivent pas et des filières sont menacées de fermeture... Décryptage.

C’est un étrange paradoxe. Si la filière STAPS est la troisième licence la plus demandée sur Parcoursup, certaines de ses formations sont menacées de fermeture, et ce dès la rentrée 2021. Dans un communiqué, des syndicats citent la possible fermeture de la licence 3 Éducation et motricité (EM) de l’université d’Évry et du master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (Meef) de Valenciennes.

Si pour l’instant ces fermetures ne sont pas actées au sein des établissements, "on risque de ne peut plus pouvoir assurer ces formations par manque de moyens financiers et humains", alerte Pascal Anger, secrétaire national du Snep-FSU. "Ces fermetures ne sont pas la volonté des unités de formation ou des universités, explique Loïc Rosetti, président de l’association nationale des étudiants en Staps (Anestaps). Mais il est impossible pour eux de tenir plus longtemps avec aussi peu de moyens et autant d’étudiants."

En STAPS, le nombre d’étudiants a doublé en dix ans

Depuis dix ans, les effectifs de STAPS ont doublé pour arriver à 60.000 étudiants pour l’année 2019-2020. Or, l’augmentation des inscrits n’a pas été suivie d’une hausse des moyens financiers : "Pour une hausse de 100% des étudiants, on ne compte que 30% de personnel en plus, c’est insuffisant", pointe Aurélien Pichon, président de la conférence des doyens de Staps (C3D). Les syndicats et organisations soulignent les charges de travail importantes des enseignants et des personnels administratifs.

Pour les étudiants, ces risques de fermeture des formations sont sources de stress et d’angoisse. "Que répondre à ceux qui ont été en L1 puis en L2 à Évry si la licence 3 ferme ? Qu’ils doivent partir dans une autre université ? Qu’ils doivent changer de mention ? Ou qu’ils doivent s’inscrire dans une formation privée pour pouvoir continuer leurs études ?", s’indigne Loïc Rosetti. Le président de l’Anestaps s’inquiète particulièrement des problèmes que cela va poser pour l’entrée en master, "où l’on ne voit pas d’augmentation des capacités d’accueil pour le moment".

STAPS, une licence attractive où le taux de réussite augmente

Avec plus de 180.000 vœux en Parcoursup en 2021, l’attractivité de la licence STAPS apparaît comme un élément stable, et non un effet de mode. Dernièrement, à la suite de la réforme de l’accès aux études de santé, la L.AS STAPS a attiré beaucoup de candidats souhaitant devenir kinésithérapeute, souligne Aurélien Pichon. Mais cette hausse des effectifs ne se limite pas à la première année : elle concerne l’ensemble de la licence car le taux de réussite des étudiants a augmenté depuis 2018 avec la mise en place de la loi ORE qui a introduit Parcoursup et les dispositifs "oui si".

C’est le cas au sein des STAPS de Font Romeu, antenne de l’université de Perpignan, où les équipes pédagogiques s’inquiètent pour la rentrée prochaine. "Avant 2018, nous avions 120 étudiants en L2, aujourd’hui, ils sont 170", illustre Grégory Douende, doyen de l’université. Trois ans après son ouverture, l’antenne accueille 155 étudiants supplémentaires. "Ce qui se passe au niveau local est aussi visible au niveau national", précise-t-il.

Des demandes de moyens supplémentaires fléchés

À la suite de la loi ORE, le ministère de l’Enseignement supérieur a débloqué des budgets spécifiques pour les places supplémentaires ouvertes, notamment en STAPS. "Mais cet argent a été réparti au sein des universités, sans être fléché vers la filière qui était pourtant celle où de nombreuses places ont été créées", reproche Loïc Rosetti.

Il s’agit de mettre en place des indicateurs objectifs pour cartographier la situation des UFR STAPS (G. Gellé, CPU)

Avec la Conférence des présidents d’université (CPU) et la Dgesip (direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle), la C3D mène une enquête sur la distribution de ces moyens supplémentaires. "L’objectif est de dresser un état des lieux sur l’adéquation entre ce qui a été donné aux universités et ce qu’elles ont attribué aux STAPS", explique Aurélien Pichon en soulignant que les situations sont très hétérogènes selon les établissements.

"Il s’agit de mettre en place des indicateurs objectifs pour cartographier la situation des UFR STAPS", ajoute Guillaume Gellé de la CPU qui précise que les solutions seront trouvées "au niveau de l’établissement".

Les syndicats comme la C3D demandent des dotations exceptionnelles ou moyens supplémentaires dédiés aux Staps. Mais la CPU s’oppose à un mode d’allocation spécifique vers telles ou telles UFR. "Les universités doivent rester autonomes pour effectuer leurs prérogatives", répond Guillaume Gellé. Tous s’accordent cependant sur un point : la situation des STAPS, si elle est la plus inquiétante, reflète le problème global du manque de moyens au sein des universités.

Malika Butzbach | Publié le