Assiduité : l’EM Strasbourg lance son contrat pédagogique

Cécile Peltier
Publié le
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Un cours à l'EM Strabourg - DR
Un cours à l'EM Strabourg - DR
Alertés par les professeurs sur le manque d’assiduité d’une partie des étudiants, la business school alsacienne a décidé de mener l’enquête. Des travaux qui ont inspiré un nouveau «contrat pédagogique».

Des étudiants occupés à tweeter ou à consulter leurs mails pendant les cours, voire totalement absents. Alertée du phénomène en 2011 par les enseignants «déstabilisés par ces comportements nouveaux», l’EM Strasbourg a décidé de s’atteler au problème : «Les enseignants, en particulier les professionnels qui interviennent, ont une vision du bon étudiant et du bon cours qui peut être en décalage avec les attentes des élèves. Ils n’ont plus besoin d’infos brutes, ils la trouvent partout et ils veulent tout tout de suite, au bon moment», reconnaît la directrice de l’école, Isabelle Barth, qui se refuse à stigmatiser le zapping de la génération Y. «Ce n’est pas qu’un problème de génération. Les adultes en réunion font la même chose !» ajoute-t-elle.

Plutôt que de brandir le bâton, l’école a confié à l’un de ses enseignants-chercheurs, Enrico Prinz, la charge d’enquêter sur «la gestion de l’assiduité» au sein de l’école. Sur les 2.500 étudiants et personnels contactés début 2012, 568 ont accepté de remplir le questionnaire en ligne. Leurs réponses confirment aussi l’émergence d’un nouveau rapport des élèves à l’espace/temps et à l’accès au savoir, en décalage avec le concept traditionnel «d’assiduité» égale présence en cours.


Si plus des trois quarts des interviewés, élèves compris, font du suivi de l’assiduité «une question importante», 41% seulement des élèves (tous programmes confondus) déclarent assister régulièrement à tous les cours, et 36% à la quasi-totalité. Perçu par plus d’un tiers des étudiants comme le fruit d’une «décision individuelle», l’absentéisme est rarement vu comme un manque de respect vis-à-vis de l’enseignant (8,6%).

Parmi les raisons invoquées par ceux qui sèchent : les considérations d’ordre académique et pédagogique (contenu de l’enseignement pour 28,9%, choix de la pédagogie pour 34,4%) arrivent en tête, suivies par des raisons plus personnelles (envie de travailler de manière autonome, activités associatives, etc.), loin devant «l’absence de sanction».

Un contrat tripartite

Sur le sujet, les professeurs semblent également assez partagés. Un peu plus de la moitié seulement (53%) des permanents et 79% des vacataires déclarent contrôler les absences, les autres considérant au choix cette question comme trop chronophage ou ne relevant pas de leurs missions.


Des préoccupations entendues par l’EM Strasbourg qui s’est directement inspirée de leurs réponses pour élaborer le contrat pédagogique tripartite. L’école a retenu le principe de deux tracks : présentielle ou non. En début d’année, les enseignants seront priés d'indiquer si la présence des étudiants à leur cours est exigée ou non, puis d’expliquer les règles à leurs élèves et d'adopter une évaluation en cohérence. «Dans le premier cas, les absences seront sanctionnées, dans le second, les modalités d’évaluation ne devront pas pénaliser les étudiants absents», insiste Isabelle Barth, qui défend le principe d’une «coproduction étudiants-professeurs».

Une modernisation de la pédagogie


L’école, qui a instauré dès 2001 un système d’évaluation des enseignements par les «apprenants», inscrit plus largement cette initiative dans une démarche de modernisation de sa pédagogie.

S’il n’est pas question d’éliminer les cours en présentiel, il s’agit de faire émerger une pédagogie «cross canal» (développement du travail personnel avant les cours, e-learning, travail en groupe repensé, etc.). Objectif : former des étudiants responsables, qui «ne sont pas là seulement pour consommer, mais pour faire un réel feed-back à l’enseignant sur ses cours et leur perception», conclut la directrice.

Pour accompagner cette réforme au sein du corps professoral, l’école a fait appel à Denis Berthiaume, le directeur du centre d’enseignement et apprentissage de l’université de Lausanne, avec qui elle travaille depuis trois ans. Au programme : des séminaires pédagogiques destinés à terme à tous les enseignants («Pourquoi et comment enseigner de manière interactive en amphi», etc.), des rendez-vous individuels et, pour les plus audacieux, des audits de cours : «Nous voulons maintenir la pluralité dans les manières d'enseigner, mais avec une cohérence dans la pédagogie», commente Enrico Prinz.


Cécile Peltier | Publié le