Rentrée universitaire : les villes soignent leur accueil

Delphine Dauvergne Publié le
Rentrée universitaire : les villes soignent leur accueil
Pour sa première rentrée après la fusion des trois universités grenobloises, l'UGA a organisé un événement d'une grande ampleur. // ©  Etienne Gless
Organisés par les acteurs locaux, les événements festifs de la rentrée ont pour but principal de faire découvrir aux nouveaux étudiants leur campus et les services qu’ils pourront solliciter tout au long de l'année. Ils sont aussi devenus, de plus en plus, un marqueur stratégique pour l’attractivité des villes et de leurs établissements.

"Nous sommes l’une des rares universités à organiser une journée d’accueil comme le ferait une grande école de commerce", se targue Joris Benelle, directeur général des services à l'UGA (Université Grenoble-Alpes). Activités sportives (biathlon, golf, course…), culturelles, ou encore de détente, l’événement UGA, c’est party a même reçu un prix de l’Arces (Association des responsables de communication de l'enseignement supérieur) en 2017, dans la catégorie "actions de communication".

Une tendance en plein essor

Que cela soit en termes de durée, d’activités ou de territoire, les dispositifs festifs d’accueil se développent d’année en année. À Troyes, la première soirée étudiante de la rentrée, il y a treize ans, s’est transformée en trois jours de festivités, avec notamment un raid urbain pour découvrir la ville. À l’université de Picardie, "nous montons en puissance chaque année, depuis trois ans. En 2017, nous avons testé une nouvelle activité, des défis citoyenneté (repeindre une école, faire campagne pour le don du sang…), devant son succès, nous l’avons étendu en 2018 à la journée d’accueil du site de Soissons", explique Catherine Barry, vice-présidente de la CFVU (Commission de la formation et de la vie universitaire) à l’université de Picardie.

À Clermont-Ferrand, la participation a presque doublé entre 2014 et 2017, attirant désormais plus de 10.000 jeunes, soit environ un quart de la population étudiante de la ville. "On l’explique notamment par une meilleure implication des acteurs étudiants, mais aussi par la gratuité des transports en commun instaurée pour ces dernières éditions", note Jean-François Collin directeur du service de l’enseignement supérieur à la Ville. En 2018, l’événement Clermont fête ses étudiants en est à sa 23e édition, avec un budget de 100.000 euros.

Au Havre, un Campus Day (anciennement Welcome Day) existe depuis 2011. Organisé par la Ville, il avait été créé à l’origine pour les étudiants étrangers. "Ce dispositif est désormais à destination de tous les étudiants, il croît d’année en année. Le budget de 2017 tournait autour de 15.000 euros, il a été augmenté de plusieurs milliers d’euros pour 2018", illustre Romain Costa-Drolon, conseiller municipal délégué à la vie étudiante.

Une organisation plurielle

Ces événements d’accueil festifs de la rentrée sont organisés à l’initiative d’une ville, d’une agglomération, d’un établissement d’enseignement supérieur, ou même parfois par le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires), comme c’est le cas à Bordeaux. Pour la 11e édition du festival Campulsations, les campus de Bordeaux, Pau, Bayonne, Biarritz, Périgueux, Agen et Poitiers s'associent, nécessitant ainsi une gestion commune. "Le Crous coordonne, mais sur le terrain, ce sont les institutions et les associations étudiantes qui sont surtout mobilisées. Le Crous finance la plus grosse partie du budget (plusieurs dizaines de milliers d’euros) et est aidé aussi par la Région et les institutionnels", précise Yann-Eric Prouteau, directeur adjoint du Crous de Bordeaux.

Les partenariats varient d’un événement à l’autre et peuvent concerner l’organisation, le financement, l’animation, les lieux, ou encore "le prêt de matériel et de salariés", comme le précise Catherine Barry en évoquant la participation des villes et de l’agglomération à la journée d’accueil de l’université.

Des étudiants très investis

À Clermont-Ferrand, "l’opération était, à ses débuts, pilotée uniquement par la Ville. Depuis plusieurs années, nous travaillons avec les acteurs de la vie universitaire, en permettant aux associations étudiantes de proposer leurs projets", souligne Jean-François Collin. Depuis trois ans, l’une d’elles organise le Tremplin Sound'Shots pour faire découvrir de nouveaux talents clermontois.

À l’université de Picardie et à Rennes 2, c’est le FSDIE (Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes) qui met la main à la pâte pour financer les projets étudiants de la rentrée. "L’objectif est de faire réaliser un maximum de choses par les étudiants, pour les étudiants", souligne Catherine Barry. À Rennes 2, les étudiants sont encore plus aux commandes, avec un budget du FSDIE d’environ 17.000 euros, qui couvre même le concert de clôture.

Une image attractive

"L’objectif de Sainté accueille ses étudiants est de faire (re)découvrir la ville aux étudiants, mais il y a aussi un enjeu de communication : faire savoir aux Stéphanois, aux Français, voire à l'international, que Saint-Étienne est une ville étudiante. Cela nous donne une image de ville jeune et dynamique", estime la responsable vie étudiante de l'agglomération.

Nous avons identifié très tôt que c’était un enjeu pour l’attractivité étudiante, cela correspondait à l’une des missions du PRES... (Philippe Raimbault, président de l’université fédérale de Toulouse)

À Toulouse, la Semaine de l’Etudiant existe depuis 2006 et s’est étendue aux autres campus de l’ancienne région Midi-Pyrénées. "Nous avons identifié très tôt que c’était un enjeu pour l’attractivité étudiante, cela correspondait à l’une des missions du PRES…" souligne Philippe Raimbault, président de l’université fédérale de Toulouse. "L’environnement étudiant fait partie des critères pour attirer les meilleurs d'entre eux et les plus motivés, c’est une compétition nationale et internationale entre les établissements d’enseignement supérieur", ajoute-t-il. Le budget total du dispositif est chiffré à environ 100.000 euros pour 150 événements, dont 40.000 euros viennent de la Région et 20.000 euros de la Ville.

Troyes, avec son statut de "ville universitaire récente, affirme avec une volonté politique de la ville, ce pari de développement. D’une part pour que les étudiants s’installent ensuite sur le territoire, car le Nord-Est de la France est déficitaire démographiquement, mais aussi car la jeunesse apporte l’innovation. C’est un éco-système avec le Technopole, les écoles d’ingénieurs…", analyse Marc Sebeyran, vice-président de Troyes-Champagne métropole, en charge de l’enseignement supérieur, la recherche et la vie étudiante. Même constat à Clermont-Ferrand : "L’enjeu est de réussir à conserver sur notre territoire une université pluridisciplinaire, les écoles d’ingénieurs, les laboratoires… Cela nous permet de garder des grands groupes comme Michelin et Limagrain", souligne Jean-François Collin.

Un objectif fédérateur

"Rassembler tous les étudiants, toutes les associations, tous les personnels, au même endroit, cela permet de créer une ambiance familiale", apprécie Catherine Barry, à Amiens. Au Havre, l’événement de la ville "permet de créer une certaine émulation, en mettant les étudiants dans des équipes par établissement, lors des animations", rapporte Romain Costa-Drolon.

À l’université Grenoble-Alpes, la création d’UGA, c’est party s’est faite dans le contexte de la fusion des trois universités, en 2016. "Nous voulions marquer cette nouvelle identité, ce nouveau nom, cette nouvelle appartenance, avec un événement rassemblant aussi les étudiants et personnels aux cultures et filières différentes", se souvient Joris Benelle, le directeur général des services. "C’est aussi un enjeu de rayonnement, que l'on parle de nous sur les réseaux sociaux, en montrant que l’UGA est unifiée", ajoute-t-il.

Attractifs pour les mécènes

En 2016, l’UGA a consacré 50.000 euros de budget à son événement de la rentrée. "Cela nous semblait normal de fêter la fusion en payant la totalité. Il a été d’un tel succès que des mécènes nous ont sollicités l’année suivante ! Ils sont attirés par la visibilité, le logo sur le tee-shirt de la course sera par exemple réutilisé toute l’année par les participants. C’est aussi un moyen de participer à la vie locale, un investissement sur la durée, certains mécènes financent aussi des thèses et des projets de recherche de l’université".

À Troyes, si la métropole investit 70.000 euros dans le budget, "une grande partie de l’événement est financée à l'aide de partenariats. Pour le Raid urbain, 85.000 euros de lots sont offerts par des partenaires privés (des vélos, des téléphones…)", informe Marc Sebeyran.

Un enjeu de réussite étudiante

À Rennes 2, on attache beaucoup d’importance à ce rendez-vous annuel, "pour lutter contre l’isolement des étudiants, qu'ils peuvent ressentir pendant leur première année. Pour éviter le plus possible la perte de repères et le sentiment de solitude, on leur offre un moment de convivialité où ils peuvent faire des rencontres, mais aussi connaître les services dont ils pourraient avoir besoin tout au long de l’année, comme les consultations de psychologue", explique Delphine Lemonnier, vice-présidente chargée de la culture, du sport et de la vie des campus.

La plupart des événements de rentrée proposent aussi un espace pour rencontrer les associations étudiantes, qui recrutent en ce début d’année. "S’engager c’est une richesse pour l’étudiant qui acquiert de nouvelles compétences, mais aussi pour l’université. Rennes 2 a été l’une des premières à valoriser l’engagement étudiant, elle est connue pour être active dans la culture, beaucoup de festivals sont issus d’anciennes associations étudiantes", illustre Delphine Lemonnier. Une autre manière de rayonner et d'attirer les étudiants.

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