Face à la baisse des candidats en prépa éco, quelles stratégies pour les écoles de commerce ?

Malika Butzbach Publié le
Face à la baisse des candidats en prépa éco, quelles stratégies pour les écoles de commerce ?
REA Perte d'attractivité écoles de commerce // ©  Alexandra BREZNAY/REA
Avec la baisse des effectifs en CPGE économiques, les écoles de commerce voient leur nombre de candidats diminuer. Cette année, les banques de concours communs BCE et Ecricome ont enregistré respectivement 8% et 6% de candidatures en moins par rapport à 2022. Face à cette situation, les écoles se tournent vers d'autres profils, issus de classes prépa ou non, mais surtout vers le recrutement d'étudiants internationaux.

Ce n'est pas une surprise, mais les chiffres font l'objet d'une attention particulière dans le petit monde des écoles de commerce. Les banques de concours post-prépa que sont la BCE et Ecricome ont dévoilé leurs chiffres pour 2023 et ceux-ci ne sont pas bons. Le nombre de candidats chute de 8% pour la BCE et d'un peu plus de 6% pour Ecricome, ce qui représente respectivement 774 et 518 étudiants de moins que l'année précédente.

Cette diminution des candidats n'est que la conséquence mathématique de la baisse des inscrits en CPGE économiques. Depuis quelques années, la filière voit ses effectifs diminuer. Si cette tendance n'est pas linéaire, la rentrée 2021 a marqué un renversement important avec une diminution de 4,5% des inscrits. Ces mêmes étudiants qui s'apprêtent à passer les concours d'écoles pour la session 2023. Face à une situation devenue structurelle, quelles stratégies déploient les écoles de management pour maintenir voire développer leurs effectifs étudiants ?

De plus en plus d'écoles de commerce risquent de ne pas remplir leurs promotions

La baisse d'attractivité des CPGE économiques, et les conséquences qu'elle entraîne, est scrutée depuis longtemps par les écoles de management. "On constate que de moins en moins d'écoles parviennent à remplir leur promotion. L'année dernière, sept établissements sur 25 n'avaient pas pourvu la totalité de leurs places", explique Pierre-Emile Ramauger, directeur du développement de Montpellier BS. Le sujet apparaît sensible pour les écoles classées en bas du Sigem, nombre ayant refusé de répondre à EducPros.

Une étude, que l'Etudiant s'est procurée, va d'ailleurs dans ce sens. Elle a projeté sur 2023 les conséquences de la baisse des candidats aux concours d'écoles de commerce. Résultat, elle estimait un nombre de candidats aux concours autour de 8.400 candidats. Une estimation assez juste puisque la BCE compte 8.842 candidats inscrits et Ecricome 8.051 candidats inscrits.

Selon cette projection, 11 écoles de commerce risquent cette année de ne pas remplir leurs promotions. Un manque à gagner conséquent pour ces établissements dont certains comptent sur l'intégration d'un nombre de candidats issus de prépas conséquent, à l'instar de l'EM Strasbourg (235 places), de l'ICN (305 places) ou encore de BSB (250 places).

Cependant, la plupart des établissements ont anticipé le phénomène, souligne pourtant Stéphan Bourcieu, directeur de BSB. "La vague monte depuis plusieurs années et nous devons courir plus vite qu'elle, indique le directeur général de Burgundy School of Business. Devant cet état de fait, les écoles ont développé des stratégies pour s'adapter".

Augmenter ou diminuer le nombre de places, quelle stratégie adopter ?

Sur le court terme, plusieurs business schools ont pris la décision de diminuer leur nombre de places au concours. C'est le cas de la plupart des écoles de la BCE, la banque d'épreuve ayant fait le choix d'ouvrir 5.270 places pour les étudiants de CPGE économiques, contre 5.540 l'an dernier.

Audencia est passé de 540 à 510 places, Skema de 580 à 540 et l'Inseec de 130 à 110. L'IMT Business School a presque divisé par deux ses places ouvertes, en fermant 75 pour la session 2023. "Nous avons fait ce choix pour préserver la qualité de notre recrutement, explique Denis Guibard, son directeur. Face à une diminution des candidats, limiter notre nombre de places garantit notre sélectivité."

Face à une diminution des candidats, limiter notre nombre de places garantit notre sélectivité. (D. Guibard, IMT BS)

D'autres écoles font le choix inverse et augmentent, en petite proportion, leurs effectifs d'admis. C'est le cas de Montpellier BS, un peu plus attractive au Sigem que l'IMT-BS et qui, de 200 places en 2021, est passée à 290 l'année suivante puis à 295 pour 2023. "Nous avons constaté ces dernières années que le dernier admis était bien loin derrière le dernier candidat intégré", explique Pierre-Émile Ramauger.

Devant des situations différentes, se pose la question de la solidarité entre les établissements. C'est d'ailleurs un sujet de discussion récurrent au sein de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (Cdefm).

"Peut-être faudrait-il arrêter d'ouvrir plus de places, voire de diminuer leur nombre, pour laisser assez de candidats à chacune des écoles, suggère Denis Guibard. Mais, certaines écoles ont un modèle économique qui dépend de leurs effectifs et de fait, exiger d'eux qu'ils diminuent leurs places est difficile ! Il faut trouver un équilibre qui ne lèse personne".

Les écoles à la pêche aux candidats de prépa scientifiques et littéraires

Sur le plus long terme, des stratégies ont été mises en place pour compenser la baisse des candidats de CPGE économiques. Et parce que les classes prépas ne se limitent pas à l'économie, beaucoup d'établissements se sont tournés vers les autres profils, notamment littéraires.

Depuis plusieurs années, les étudiants de khâgne peuvent intégrer une école de commerce via la banque d'épreuves littéraires. "Ces candidats sont très bons et nous intéressent", abonde Delphine Manceau, à la tête de Neoma BS, qui leur a ouvert dix places supplémentaires en 2023.

Cette année, pour la première fois, neuf écoles de la BCE (Audencia, BSB, Edhec, emlyon, GEM, ICN, IMT-BS, Skema et TBS) ouvrent 260 places réservées pour la filière littéraire. De son côté, Ecricome a également augmenté son nombre de places pour les littéraires, alors que celles pour les économistes ont été gelées.

Profitant de son appartenance à un groupe d'écoles d'ingénieurs, IMT-BS se tourne aussi vers les étudiants issus des prépas scientifiques. L'école a ouvert des places via le concours Mines Télécom. "C'est cohérent avec notre position d'école de management dans le numérique et les nouvelles technologies", argue Denis Guibard.

Les étudiants internationaux, enjeu de croissance

Les écoles de commerce post-prépa se tournent aussi vers des étudiants hors classes prépa pour alimenter leurs programme grande école (PGE) notamment via les admissions sur titre. "Nous voulons faire venir dans notre école des étudiants qui n'avaient pas, initialement, d'intérêt pour le management et qui ont fait un autre parcours, comme le droit ou les lettres, indique Benoît Lorel, directeur des programmes de l'ISC Paris.

Mais c'est surtout vers les étudiants internationaux que se tournent les écoles de commerce et de management. "Les prévisions démographiques françaises apparaissent négatives pour 2030, ce qui limitera de fait nos effectifs étudiants. Pour nos établissements, l'international est un relais de croissance important", juge Stéphan Bourcieu de BSB.

"D'autant que nous bénéficions de la légère perte d'attractivité du Royaume-Uni depuis le Brexit, ajoute Pierre-Émile Ramauger de Montpellier BS. Toutefois, il faudra voir si la crise sanitaire a laissé des cicatrices sur les mobilités étudiantes internationales."

Sortir du modèle exclusif du PGE en trois ans

Pourtant attachées aux CPGE, la très grande majorité des écoles de commerce ont fait évoluer leur modèle économique : la plupart sont sorties de leur dépendance exclusive au PGE en trois ans, et donc aux étudiants de prépa. "Nous avons confiance en notre capacité d'adaptation", assure Stéphan Bourcieu. Les écoles proposent depuis des années de nouveaux programmes : bachelor, masters spécialisés ou formation continue...

L'IMT-BS évoque également un PGE en cinq ans, avec des admissions chaque année. "C'est un vrai travail d'architecture et de maquette de formation, reconnaît Denis Guibard. Mais le sujet est sur la table." D'autres écoles ont déjà franchi le pas, comme l'EM Normandie et Excelia BS qui ont ouvert leur PGE au niveau post-bac.

Malika Butzbach | Publié le