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Création d'établissements publics expérimentaux : quel impact sur les universités ?

Amélie Petitdemange Publié le
Création d'établissements publics expérimentaux : quel impact sur les universités ?
Cergy université, l'un des 22 établissements publics expérimentaux créés depuis 2018. // ©  CY Cergy Paris Université
Depuis le 1er janvier, les universités ne peuvent plus créer d'établissements publics expérimentaux (EPE). Six nouveaux EPE auront seulement trois ans pour préparer leur transformation en grand établissement. La fin des expérimentations est prévue pour 2028.

Le 1er janvier 2025 a sonné le glas de la création des établissements publics expérimentaux (EPE), ces regroupements qui permettent d'innover en termes de statuts et de gouvernance.

Ce calendrier prévoit deux années d'expérimentation, au minimum, avant l'évaluation du Hcéres (Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur). Or, celle-ci doit intervenir un an avant la fin de la période d'expérimentation, en 2028.

Une accélération des projets en 2024

La date butoir de 2025 a donc agité le paysage de l'enseignement supérieur. Six EPE ont ainsi vu le jour entre novembre 2024 et janvier 2025 : l'université Marie et Louis Pasteur, l'université de Toulouse, l'université Bourgogne Europe, l'université Jean Monnet, l'université de Montpellier Paul Valéry et Nîmes université.

"Cela a indéniablement accéléré le processus, car l’objectif de nombreux acteurs du site toulousain est de créer un grand établissement", affirme Michael Toplis, président de la Comue Université de Toulouse [communauté d'universités et établissements, un statut créé en 2013] .

Or, pour devenir grand établissement, l'université devait obligatoirement passer par le statut d'EPE. Les acteurs et les projets sont donc les mêmes que ceux de la Comue, mais avec un statut d'EPE depuis le 1er janvier 2025.

"C'est un cas de figure inédit", reconnaît Michael Toplis. Selon lui, la transformation en grand établissement permettra "la création d'une marque, d’une bannière visible à l'étranger et l'élaboration de grandes lignes stratégiques et de nouvelles formations".

Entériner la diversité entre les établissements

L'Université Bourgogne Europe a elle aussi rejoint les EPE juste à temps, en décembre 2024. "La Comue était une superstructure avec une valeur ajoutée très faible. Là, c’est véritablement une transformation de l’établissement et un élargissement avec 12 partenaires. Nous pouvons intégrer des établissements-composantes dans le fonctionnement institutionnel de l’établissement et utiliser une signature scientifique commune", indique le président de l'université, Vincent Thomas.

La création d'un grand établissement permet aussi de "se distinguer" des autres universités et de "montrer sa capacité à créer des synergies dans le domaine de l’ESR".

"C’est un outil qui entérine la réalité de la diversité entre les établissements", ajoute Laurent Gatineau, président de l'EPE CY Cergy Paris Université. Selon lui, il n'est plus réaliste d'avoir un modèle unique de gouvernance pour toutes les universités françaises.

Un modèle qui "met à mal à la démocratie" ?

Mais pour le SNESUP-FSU, le modèle d'EPE "met à mal la démocratie" en amoindrissant la place des personnels dans les instances, "alors que dans les universités classiques, il y a une majorité d’élus du personnel" dans les conseils, souligne Caroline Mauriat, secrétaire générale du syndicat.

Ainsi, le conseil d'administration de l'EPE université Gustave Eiffel compte 15 élus du personnel sur 35 membres. "Le président a la capacité de faire passer toutes les décisions qu’il souhaite avec l’appui des tutelles, même contre l’avis unanime des représentants du personnel", pointe le syndicat.

Caroline Mauriat fait part d'une autre inquiétude. "Avoir des modèles très différents sur le territoire nous alerte. Sans organisation commune, c’est très difficile de connaitre ses droits"

La possibilité de créer des diplômes aux frais d'inscription libres préoccupe également. "C'est une contre-vérité", balaie Gilles Roussel, président de l'université Gustave Eiffel. "Les frais des diplômes nationaux de licence et de master sont fixés par décret et ne changeront pas". Les autres types de diplômes, comme les bachelors ou les diplômes universitaires, sont cependant concernés.

Un calendrier serré pour les nouveaux venus

L'arrêt des EPE en 2028 induit un timing serré pour ces nouveaux établissements. Ces derniers n'auront que deux ans pour expérimenter. À titre d'exemple, l'université Gustave Eiffel s'est constitué en EPE il y a cinq ans. "Il reste beaucoup de travail à faire, c’est serré", admet Michael Toplis. "Mais, dans un sens, notre expérimentation a déjà deux ans d’ancienneté, puisque nous reprenons les acteurs de la Comue", nuance-t-il.

L'Université Bourgogne Europe a aussi en tête ce calendrier législatif et ne part pas de zéro. "Nous sommes déjà dans la dynamique de réalisation de la stratégie. Par exemple, nous avons déjà lancé un appel à projets interne pour la création des graduate schools", explique Vincent Thomas. Dès cette année, 14 programmes gradués seront créés.

"J’ai aussi souhaité qu’on renouvelle le plus tôt possible les instances des conseils centraux des établissements, pour que nous soyons soit rapidement en ordre de marche", précise-t-il.

Vers un nouveau modèle d'expérimentation ?

Il s'agira également de recevoir une évaluation positive du Hcéres... Car le flou subsiste sur un point : comment les établissements pourront-ils faire des ajustements, s'ils n'ont qu'un an pour expérimenter après l'évaluation ?

Si Gilles Roussel estime qu'il est trop tôt pour répondre à cette question, un assouplissement pour ces établissements ou une évolution législative seraient des hypothèses. Sans quoi, ces EPE seraient contraints de revenir à leur précédente organisation.

Par ailleurs, "il y aura des demandes des universités de rouvrir ce dossier de l'expérimentation", affirme l'ancien président de France Universités. Selon lui, "le statut d’université est contraignant en termes d'instances et de gouvernances. Il bloque les constructions originales". Pour lui, la meilleure piste serait d'inscrire la possibilité d'expérimenter dans la loi.

Depuis 2018, 22 EPE ont été créés :

  • Université Paris Cité

  • Université Paris-Saclay

  • Université Paris-Panthéon-Assas

  • CY Cergy Paris université

  • Université Gustave Eiffel

  • Université de Montpellier

  • Nantes université

  • Université de Lille

  • Université Polytechnique Hauts-de-France

  • Université de Côte d'Azur

  • Université Grenoble Alpes

  • Université Clermont Auvergne

  • Université de Rennes

  • Université Toulouse Capitole

  • Institut polytechnique de Paris

  • Université PSL

  • Université Marie et Louis Pasteur

  • Université de Toulouse

  • Université Bourgogne Europe

  • Université Jean Monnet

  • Nîmes Université 

  • Université de Montpellier Paul Valéry

Amélie Petitdemange | Publié le