L'Escem à la reconquête d'un programme grande école

Cécile Peltier Publié le
L'Escem à la reconquête d'un programme grande école
À partir de la rentrée 2017, les campus de l'Escem accueilleront une partie des titres RNCP dispensés par La Rochelle et GES. // ©  ESCEM Tours
À l'Escem, rachetée par Sup de Co La Rochelle et GES après le désastre France Business School, la nouvelle direction s'emploie brique à brique à reconstruire l'école. Si plusieurs Bachelors et MBA spécialisés ouvriront dès la rentrée 2017, un nouveau programme grande école est dans les tuyaux pour 2018. Une entreprise complexe.

Dans le sérail des écoles de commerce, l'Escem, l'école de commerce multicampus (Orléans, Tours, Poitiers) sortie essorée du projet FBS (France Business School), puis de la longue descente aux enfers qui a suivi la perte de son grade de master, est devenue symbole de revers de fortune. De mauvais souvenirs que la nouvelle directrice générale, Anne-Ségolène Abscheidt, nommée après le rachat de l'école en février 2016 par l'ESC La Rochelle et le réseau GES (Top éducation), s'emploie à faire oublier.

Pariant sur "la puissance de la marque", les repreneurs ont choisi de conserver le nom "Escem". Un choix qui peut paraître surprenant, mais que tous assument pleinement :  "On en changeait, on perdait nos 20.000 anciens, notre histoire", analyse Anne-Ségolène Abscheidt. "La marque a été bousculée, mais pas durablement abîmée", veut croire Daniel Peyron, qui reste à la tête de Sup de Co La Rochelle jusqu'à l'automne. Mais c'est à peu près tout ce qui reste de l'ancienne Escem. 

Une offre de Bachelors qui se rôde

Réduite à deux bachelors et un embryon de MBA spécialisé, soit un total de 320 étudiants, en septembre 2016, l'école de commerce n'a plus grand-chose à voir avec l'établissement doublement accrédité du milieu des années 2000... Et il a fallu repartir de zéro ou presque. 

Conformément au plan de redressement annoncé  fin 2015-début 2016, les campus de l'Escem accueilleront à partir de la rentrée 2017 une partie des titres RNCP dispensés par La Rochelle et GES. Le pôle management va être musclé : outre ses deux bachelors en management international et en développement commercial, dont le visa a été tout récemment reconduit pour deux ans , l'école va s'enrichir de huit nouveaux MBA spécialisés.

L'Escem a la légitimité pour se diversifier.
(J. Azoulay)

Rebaptisée "grande école du management et du numérique", l'Escem commercialisera également sous sa marque un bachelor en management du tourisme et plusieurs bachelors et MsC dans les secteurs du numérique et de l'informatique

"Le principe est celui de la marque blanche", résume Anne-Ségolène Abscheidt. Sup de co La Rochelle et GES apportent leur savoir-faire en matière de pédagogie, leurs réseaux et leurs titres RNCP, en échange de quoi l'Escem devrait logiquement leur reverser une partie des frais de scolarité. "L'école est en refondation, et il n'est pas question de cela pour l'instant...", nuance le président du réseau GES, Jonathan Azoulay, qui assure actuellement la présidence tournante de l'Escem.

Très professionnalisants, les titres de l'Escem devraient permettre de combler les besoins en main-d'œuvre des entreprises de la grande région… À condition bien entendu de s'imposer sur ces segments, où a priori l'école n'a pas d'histoire. "Cela prendra un peu de temps, mais l'Escem a la légitimité pour se diversifier", insiste Jonathan Azoulay. Ces formations Escem seront toutes accessibles en alternance, au moins en partie, ce qui est la marque de fabrique du réseau GES.

Reconstruire le programme grande école

Côté salle des profs, l'école, qui comptait 220 collaborateurs avant le plan social, a redémarré début 2016 avec une quinzaine d'anciens seulement. La nouvelle direction a consacré un temps important à reconstituer une équipe. L'Escem nouvelle formule compte aujourd'hui un groupe de vacataires et 33 permanents, dont une quinzaine d'enseignants. 

Parmi les nouvelles embauches : plusieurs enseignants-chercheurs. Sept seulement aujourd'hui, ils pourraient être, si tout va bien, "une vingtaine" dans quelques années, estime Daniel Peyron. En effet, l'objectif est de relancer la recherche en vue de reconstruire le programme grande école pour la rentrée 2018. Une cellule composée de représentants de l'Escem et de Sup de co La Rochelle planche sur une nouvelle maquette. Un programme aux dimensions modestes (de 30 à 40 places pour commencer), mais qui se veut original et qualitatif, notamment à travers sa présence sur l'interface digital/management

Mais, sur un marché ultraconcurrentiel, où les écoles de bas de classement déjà installées peinent à remplir, pourquoi se lancer dans la reconstruction ex nihilo ou presque d'un programme lourd et coûteux ? "Parce que l'école, qui a eu sa place au soleil, le doit à ses 20.000 anciens, qui constituent son premier capital. D'autant qu'aux yeux des familles un PGE est structurant, crédibilisant et créera de la valeur pour les programmes bachelors et bac+5 ", analyse le patron de Sup de co La Rochelle. 

Cela a été très dur, mais aujourd'hui tous les présidents de chambre et tous les acteurs locaux sont derrière nous.
(D. Peyron)

 C'est aussi un moyen de "répondre à une demande des territoires, qui ont besoin d'une grande école de commerce pour assurer leur développement et garder les jeunes sur place", ajoute Anne-Ségolène Abscheidt. L'ESG, installée depuis peu à Tours, ne propose que des bachelors et des Mastères.

La CEFDG (Commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion), auprès de laquelle l'école aura trois ans à compter de la rentrée 2018 pour monter un nouveau dossier de demande de grade, est aussi, semble-t-il, à l'écoute : "Nous avons rencontré plusieurs fois Véronique Chanut [présidente de la commission]. Nous allons prendre ses conseils et présenter un dossier qui atteste de la refondation de l'école", souligne Daniel Peyron.

À en croire l'intéressée, le temps des turbulences et des renvois de responsabilité est terminé. "Cela a été très dur, mais aujourd'hui tous les présidents de chambre et tous les acteurs locaux sont derrière nous. Mme Abscheidt a accompli un travail extraordinaire", salue Daniel Peyron. "J'ai été dubitatif au début, mais j'ai demandé à rencontrer les repreneurs et leur projet m'a convaincu. L'alternance constitue notamment une porte d'entrée intéressante", assure le maire de Poitiers, Alain Claeys.

Retrouver l'équilibre d'ici à quatre ans

Tout reste encore à construire. Les repreneurs, qui ont obtenu jusqu'à la fin 2018 une franchise de loyer sur les 6.000 m2 loués par les CCI, ont déjà investi environ 1,2 million d'euros pour relancer l'école. "L'investissement ira ensuite décroissant, l'objectif étant d'atteindre l'équilibre d'exploitation d'ici à quatre ans", évalue Daniel Peyron. Selon Jonathan Azoulay, les choses pourraient aller beaucoup plus vite : "Le plus dur est passé. On a tout remis à plat, reconstitué les équipes et on commence à renouer avec la croissance d'effectifs", estime le président, qui espère à terme accueillir "2.000 à 4.000 étudiants".

Les prévisions pour la rentrée sont encourageantes : l'Escem devrait, si tout va bien, recevoir 450 étudiants... Une bonne surprise, pour la  directrice, qui, prudente, avait plutôt tablé sur 400 élèves

L'Escem, un plan social qui ne passe pas 
L'Escem a beau avoir changé de main, l'ombre de France Business School et du vaste plan social qui s'est ensuivi (140 suppressions de postes) continue de planer sur l'école. Pour des raisons juridiques, le syndicat mixte qui gérait l'Escem avant sa reprise n'a pas encore été dissous. Et aux prises avec plusieurs contentieux, il continue de faire parler de lui.
Par une décision du 29 mai 2017, un juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a suspendu, à leur demande, le licenciement de deux anciens de l'Escem par le syndicat mixte. Deux personnes, estime-t-il, qui, en raison de leur statut d'agent de la fonction publique territoriale, et non d'agent administratif des chambres de commerce et d'industrie, n'auraient pas dû être licenciés. Mais auraient dû faire l'objet d'un reclassement au sein de l'école ou d'une mise à disposition du centre de gestion de la fonction publique territoriale. Contacté par EducPros, le Tourangeau Bernard Estivin, qui a remplacé Yves Broussoux à la présidence du syndicat mixte, n'a pas souhaité commenter.

Le jugement sur le fond, qui interviendra dans les prochains mois, devrait permettre d'y voir plus clair. Quoi qu'il en soit, cette décision a rouvert les plaies d'un plan social qui ne passe pas...

Cécile Peltier | Publié le