La nouvelle université de Rennes, sans Rennes 2, vise le top 500 international

Oriane Raffin Publié le
La nouvelle université de Rennes, sans Rennes 2, vise le top 500 international
L'université Rennes 1 n'existe plus, place à l'université de Rennes. // ©  UR 1
Quatre mois après la création d'un établissement public expérimental, le site rennais s'organise. L'EPE associe l'ex-université de Rennes 1 à cinq établissements composantes. Rennes 2, pour sa part, dispose d'un statut d'établissement associé. Le point sur la situation.

"Depuis le 1er janvier 2023, l'université de Rennes 1 n'existe plus", avertit David Alis, fraîchement réélu à la tête de l'université de Rennes. L'ancienne université de Rennes 1 a en effet laissé la place à cet EPE - établissement public expérimental - avec cinq établissements composantes : l'EHESP, l'ENSCR, l'ENS Rennes, l'Insa Rennes et Sciences po Rennes.

La fusion avec l'université de Rennes 2 ayant échoué - notamment pour des divergences culturelles - cette dernière est "établissement associé" à l'EPE, tout comme l'Institut Agro et l'Ensai. Avec l'objectif de créer un vaste écosystème, rayonnant dans le grand Ouest.

Intégrer les 500 premiers établissements mondiaux

L'EPE espère intégrer les 500 premiers établissements mondiaux et peser davantage sur la scène universitaire française et mondiale. Des réponses communes dans le cadre du Programme Investissement d'Avenir ou de France 2030 ont été accueillies favorablement.

"Nous avons déjà reçu des signaux encourageants, comme la présélection pour devenir Pôle universitaire d'innovation (PUI) ou trois projets labellisés compétences et métiers d'avenirs (CMA)", ajoute David Alis. Avec certains projets portés par des établissements composantes.

Nous avons déjà reçu des signaux encourageants, comme la présélection pour devenir Pôle universitaire d'innovation ou trois projets labellisés compétences et métiers d'avenirs. (D. Alis, université de Rennes)

Concrètement, tout se met en place progressivement, depuis le 1er janvier dernier. "Nous nous réunissons tous les mercredis, entre chefs d'établissements des composantes. Nous finalisons actuellement le COMP (contrat d'objectifs, de moyens et de performance), le règlement intérieur, etc. Les directeurs généraux des services et les vice-présidents sont également mobilisés", détaille David Alis.

Le mantra : harmonisation et mutualisation. "Nous avons un nouveau logo, les différents établissements sont en train d'établir les contrats avec l'État - nous avons eu un retour positif sur le nôtre", poursuit-il, précisant s'inspirer de Paris-Saclay. "Rien que le nom, université de Rennes, c'est une carte d'identité, un passeport pour l'international", précise-t-il.

Un EPE accueilli favorablement par les personnels

Sur le terrain, le personnel semble encore peu ressentir les effets concrets de la création de l'EPE. "Il faut se souvenir que les personnels de l'ex-Rennes 1 ont déjà vécu la Comue UBL, la fusion Rennes1 / Rennes 2 avortée en 2015…, recontextualise Patrick Chasle, représentant UNSA/SNPTES de l'université de Rennes. Toute une histoire de regroupements qui se mettent en place et se défont. Je n'ai pas senti un grand enthousiasme des personnels à s'accaparer le projet. C'est presque 'un de plus' pour eux".

Nous avons plutôt un regard bienveillant envers la création de l'EPE qui peut apporter de nombreux atouts, notamment en visibilité extérieure [...] (J-P. Guégan, SNPTES de l'ENSCR)

Cependant, le représentant est plutôt optimiste à l'égard de l'EPE. "Syndicalement, les sujets qui auraient pu fâcher, - comme la perte des personnalités morales et juridiques des établissements, le fait d'avoir moins d'élus ou l'inclusion d'établissements privés à but lucratif -, ne font pas partie du projet. Et la démocratie universitaire continue à s'exprimer. À court terme, on ne voit pas de conséquences - si ce n'est à la marge", note Patrick Chasle. Il précise cependant qu'à moyen et long termes, il est plus difficile de se projeter, et que son syndicat restera vigilant.

Les personnels des établissements composantes partagent cette posture. Certains indiquent ne constater aucun changement. D'autres notent des rapprochements sans encore d'effet sur le terrain.

"Il y a de nombreuses réunions entre les différents services pour faire évoluer les façons de travailler, trouver des procédures communes. Donc il est possible que des choses évoluent, expose Jean-Paul Guégan, délégué SNPTES de l'ENSCR, l'école de chimie. Pour le moment, nous avons plutôt un regard bienveillant envers la création de l'EPE qui peut apporter de nombreux atouts, notamment en visibilité extérieure, à condition que nous puissions garder les spécificités de notre travail et notre personnel pour continuer à être efficaces".

Renforcer la mutualisation avec Rennes 2, en tant que membre associé

Du côté de Rennes 2, l'association avec l'EPE a été formellement signée. "Nous avons déjà des services inter-universitaires pour les étudiants, le sport, la santé des personnels, le centre de mobilité internationale, …”, précise David Alis.

Il voit l'association comme l'opportunité de renforcer ces services ainsi que les projets communs, permettant d'associer les sciences humaines et sociales à de grands projets autour, par exemple, du numérique, de l'environnement ou de la santé. "Nous sommes dans une logique de continuer, de pérenniser ensemble. Ce qui n'a pas fonctionné, ce sont les métastructures, mais le travail commun se poursuit !", affirme le président.

Le nom université de Rennes "invisibilise" l'université de Rennes 2

Les syndicats, eux, restent prudents. "Rennes 2 a une identité forte, et nous souhaitons conserver notre personnalité morale et juridique, ce qui ne serait plus le cas si Rennes 2 était intégrée à l'université de Rennes. Nous ne souhaitons pas devenir une énième faculté de l'université de Rennes 1 en étant intégrés et en devenant une simple composante", appuie Mireille Kocko, représentante CGT FERC SUP de l'université de Rennes 2. Nous restons vigilants car nous sentons bien la pression : le projet de fusion ou d'intégration reviendra”, prédit-elle.

Nous restons vigilants car nous sentons bien la pression : le projet de fusion ou d'intégration reviendra. (M. Kocko, CGT FERC SUP de l'université de Rennes 2)

Et d'ajouter : "on ne peut pas dire si c'est lié à la création de l'EPE, mais nous constatons des exemples de restructuration forcée, comme le service universitaire d'information et d'orientation et d'aide à l'insertion professionnelle (SUIO IP) actuellement à Rennes 2. Cela nous inquiète car elles provoquent beaucoup de souffrance au travail".

Enfin, point d'achoppement : le nom "université de Rennes". "Ce nom invisibilise notre université. Et il peut induire en erreur les usagers et les partenaires en faisant croire à une possible intégration de Rennes 2", dénonce Mireille Kocko. Un syndicat étudiant, soutenu par la CGT, a d'ailleurs déposé un recours auprès du Conseil d'État.

Oriane Raffin | Publié le