Benoît Mercuzot (doyen) : “Il existe un sentiment de ras-le-bol face aux réformes qui se succèdent”

Propos recueillis par Camille Stromboni
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Benoît Mercuzot, doyen de la faculté de droit et de science politique d’Amiens (université de Picardie Jules-Verne), se pose des questions sur la place du droit dans les universités pluridisciplinaires et les maquettes des nouvelles licences.

Benoit Mercuzot - doyen - université de Picardie - Amiens“Il faut noter au préalable que la communauté est assez déprimée, avec un sentiment de ras-le-bol vis-à-vis des réformes qui se succèdent. Les collègues semblent divisés entre ceux qui voulaient rompre avec la logique de loi LRU – très déçus par ce texte – et ceux, auxquels j’appartiens, qui pensent qu’il faut faire avancer les choses de manière pragmatique. Ce texte a l’intérêt de poser de vraies questions, mais je ne suis pas certain que les réponses apportées soient les bonnes.

Concernant, tout d’abord, la nouvelle licence, plus généraliste et envisagée dans la continuité des études secondaires, on reste sur sa faim. Avec, d’un côté, le sentiment que, puisque le bac ne sanctionnerait plus un niveau suffisant, il faudrait ajouter quelques années en plus à l’université pour faire ce que le lycée ne fait plus. Si cette tendance se confirme, c’est très problématique.

Si l’approche va dans l’autre sens, avec l’idée que, pour former un bon juriste, par exemple, il faut lui fournir un point de vue plus large, c’est très bien. D’autant que nous avons beaucoup d’étudiants qui arrivent en L1 sans avoir forcément une ouverture au monde très marquée.

En ouvrant la licence, il va falloir densifier les plannings pour pouvoir ajouter les autres matières

Mais attention, pour former des diplômés prêts à rejoindre le marché du travail, il faut qu’ils aient suivi un certain nombre d’enseignements. En ouvrant la licence, il va falloir densifier les plannings pour pouvoir ajouter les autres matières. Pour un juriste, cela ne peut se faire au détriment de l’enseignement juridique. Au bout du compte, c’est donc toujours la question des moyens qui se pose. Cela risque d’être très compliqué dans le contexte actuel.

Concernant la gouvernance des universités, le texte introduit un conseil académique au sein duquel on ne sait pas trop comment les différentes disciplines universitaires vont être représentées. Cela laisse en suspens la question de la place du droit et des sciences sociales dans les universités pluridisciplinaires, sachant que celles-ci ont déjà tendance à tirer la couverture vers les sciences dures, malgré des inégalités criantes au détriment des SHS. C’est inquiétant.

Enfin, il y a une contradiction entre la volonté de diminuer le nombre d’intitulés de diplôme, désormais inscrits dans un cadrage national, et l’autonomie des universités, qui permet de profiler au mieux les diplômes par rapport au bassin d’emplois.”


Propos recueillis par Camille Stromboni | Publié le