Le suivi pédagogique des sportifs de haut niveau, toujours un enjeu pour les écoles et universités

Séverine Mermilliod Publié le
Le suivi pédagogique des sportifs de haut niveau, toujours un enjeu pour les écoles et universités
sportifs haut niveau plain picture // ©  DEEPOL by plainpicture
Alors que les Jeux Olympiques de Tokyo approchent après de multiples rebondissements, les écoles et universités, elles, tentent de maintenir des enseignements stables pour leurs sportifs de haut niveau. Un public qui nécessite de la souplesse et peut se révéler stratégique pour l'établissement.

Les Jeux de Tokyo n'ont pas encore commencé que la France a les yeux rivés sur ceux de Paris 2024. Et les étudiants sportifs aussi ! Pour certains, ce sera leur première participation olympique, mais ils se préparent déjà... tout en poursuivant leurs études. Pour le supérieur, l'accompagnement de ce public spécifique relève donc du défi, mais aussi de la stratégie.

Présentiel ou distanciel, une mission pédagogique commune

Les établissements ont d'abord besoin de faire preuve d'adaptabilité, même s'ils ne sont pas tous d'accord sur les modalités. Grenoble école de management (GEM) propose par exemple son programme Grande école (PGE) totalement à distance depuis 2007, ainsi qu'un BTS depuis 2014.

A l'inverse, l'université Paris-Dauphine et l'Insa Lyon, pionnières sur l'accompagnement des sportifs de haut niveau (SHN) depuis 1981, ont fait le choix de garder un temps de présence en classe. "La dispense d'assiduité n'existe pas car la formation Insa ne se prête pas au tout distanciel", justifie Eric Dumont, directeur de la section SHN de l'école. Il précise qu'il est possible d'allonger ses études, de passer si besoin ses examens à distance tout en bénéficiant d'installations sportives intégrées à l'école. "La crise va certainement nous interroger sur les modes d'enseignement, avec plus d'hybride, de distanciel. Mais est-ce que s'entraîner plus, c'est s'entraîner mieux ? Il y a quand même des études d'ingénieur à mener..."

La dispense d'assiduité n'existe pas car la formation Insa ne se prête pas au tout distanciel. (E. Dumont)

L'idée est similaire dans la filière "Talents" de Paris Dauphine. Les sportifs en licence doivent venir deux demi-journées par semaine, sur trois ans au lieu de deux. "On leur propose de ne sacrifier aucune des deux choses", explique Eric Leblanc, coresponsable du programme. Selon lui, "si on ne sanctuarise pas un temps pour l'apprentissage universitaire, leur talent va prendre tout l'espace disponible".

L'emlyon, elle, offre les deux possibilités avec un PGE qui demande des périodes de présence mais aussi un bachelor post-bac et un executive master 100% distanciels, explique Mickaël Romezy, directeur des programmes Sport. Des modalités demandées par les sportifs, assure-t-il, "car même sur du présentiel aménagé, le temps passé entre la structure d’entraînement et l'école peut mettre un frein aux études". Replay de cours, examens à distance, tutorat, personnel dédié et étalement du cursus...

Quel que soit le mode choisi, tous les établissements interrogés revendiquent en premier lieu un intérêt pédagogique : permettre au sportif de poursuivre son rêve sans rogner sur la qualité des études. "Je récupère parfois des sportifs à qui on a dit 'tu peux être absent mais après tu te débrouilles...'", déplore Mickaël Romezy.

Valoriser l'attractivité de l'école grâce aux sportifs de haut niveau

Le directeur des programmes Sport de l'emyon le confesse toutefois : si la mission pédagogique prime, l'accueil des SHN permet aussi de "valoriser l'attractivité de l'école". Un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche paru en début d'année note ainsi qu'"il y a une véritable opportunité en termes d’image à se positionner comme acteur et partenaire du double projet des sportifs dans la perspective des JO 2024."

Si on ne sanctuarise pas un temps pour l'apprentissage universitaire, leur talent va prendre tout l'espace disponible. (E. Leblanc, Dauphine)

Si l'Insa Lyon et Paris-Dauphine se défendent de chercher le "coup de projecteur" ou "le plus brillant" des profils, Eric Dumont fait quand même remarquer que l'école d'ingénieurs s'est assurée "une présence à quasiment toutes les Olympiades". François Leccia, directeur de l’Institut sport & management de GEM, souligne que le recrutement des sportifs n'a pas "pour finalité l'image de l'école mais que la célébrité de certains, en effet, la porte à l'extérieur". D'autant que "leur taux de réussite est très bon. Cette année sur les trois élèves du podium PGE, un de nos sportifs était là", note-t-il.

"Une de nos étudiantes handballeuses est quasi major de promotion. Ils sont capables de mener deux choses de front", confirme Eric Leblanc de Paris-Dauphine. "En contrepartie on ne leur demande pas grand-chose. Faire la promotion de leur talent dans le cadre de l'université, participer aux compétitions universitaires..."

Les entreprises demandeuses de SHN

L'employabilité est aussi un enjeu majeur pour les établissements du supérieur. Or les sportifs de haut niveau sont "des profils orientés performance, équipe, capables d'abnégation, hyper recherchés par les entreprises", constate Mickaël Romezy de l'emlyon. Leur succès en entreprise "est un coup de projecteur sur la qualité de nos formations", ajoute-t-il, ce qui constitue selon lui un "axe de différenciation" dans un milieu concurrentiel.

Le succès des SHN en entreprise est un "coup de projecteur sur la qualité de nos formation" (M. Romezy, emlyon)

François Leccia abonde : "Une des raisons du lancement de ces programmes était de positionner GEM sur l'axe de la diversité des étudiants, 'fournisseur de talents' avec des profils atypiques, qui présentent un intérêt pour les entreprises". De son côté, l'Insa affirme assurer "une belle employabilité" tout en notant que, si ces profils sont effectivement recherchés, il peut être compliqué pour l'entreprise "de trouver la bonne adéquation entre le double projet sport et travail", qui peut continuer même après la formation.

Séverine Mermilliod | Publié le