Les associations d'anciens font leur révolution

Catherine de Coppet Publié le
Les associations d'anciens font leur révolution
Peinant à maintenir leur nombre de cotisants, les associations d'anciens développent plusieurs stratégies : événements communs, cotisation à vie et rapprochement des directions pour atteindre plus facilement les futurs diplômés. // ©  Lydie Lecarpentier / R.E.A
La montée en puissance des réseaux sociaux, conjuguée à une situation économique plus difficile, pousse les associations de diplômés à se renouveler. Une évolution qui va souvent de pair avec un rapprochement avec les écoles.

Certains prédisent déjà leur disparition à plus ou moins long terme, mais les intéressés sont loin d'en être persuadés. Les associations de diplômés, sont, à tout le moins, en pleine évolution. Pour beaucoup d'entre elles, l'heure est à la baisse du nombre de cotisants ou à la difficulté de maintenir leur nombre.

"Nous avons 10 % de cotisants sur 3.000 diplômés, ce taux d'adhésion doit être renforcé", pointe Ambroise Favrie, responsable de l'association des anciens de l'Insa Centre-Val-de-Loire (Insa CVL Alumni), issue de la fusion récente entre l'ENI Val-de-Loire et l'ENSI Bourges. 

"Nos associations sont en perte de visibilité", assure Véronique Béteille, présidente de la FEAE Cnam (Fédération des associations d'élèves et d'anciens élèves du Cnam), qui regroupe 13 associations, "vis-à-vis de l'école, des élèves, de l'extérieur".

Au-delà des difficultés économiques, certaines associations de taille réduite peinent à trouver des diplômés suffisamment motivés pour gérer le quotidien. "Les bénévoles peuvent s'user sur des actions chronophages et répétitives ", souligne Véronique Béteille.

Réseaux sociaux et contexte économique

Cette perte de vitesse s'expliquerait d'abord par l'importance prise par les réseaux sociaux. Si les associations les mieux loties ont tendance à les considérer comme un formidable outil, complémentaire à leur action, ce n'est pas l'avis de tous. "On assiste à une réelle concurrence des réseaux sociaux : ils permettent d'accéder facilement aux coordonnées d'anciens. Sans parler des agences spécialisées qui se lancent sur ce créneau", déplore Ambroise Favrie. 

Ainsi les associations se doivent de développer des services plus poussés, d'autant que les mentalités évoluent. "Les anciens attendent désormais un retour sur investissement à partir du moment où ils cotisent", estime Jean Dambreville, délégué général d'IESF (Ingénieurs et scientifiques de France), qui fédère 180 associations de diplômés d'écoles d'ingénieurs. Le temps où les alumni payaient leur cotisation (environ 50 euros par an) en signe de soutien semble révolu.

Les anciens attendent désormais un retour sur investissement à partir du moment où ils cotisent.
(J. Dambreville)

La cotisation remise en cause

Devant cette situation, les associations d'anciens sont conduites à occuper la toile (Facebook, LinkedIn, Viadeo) et à réviser leur mode de fonctionnement, à commencer par le lien entre cotisation et accès aux services. Pour Véronique Béteille, "le tout gratuit est piégeux : nous risquons de perdre des bénévoles."

L'Insa CVL Alumni propose l'annuaire papier complet aux seuls cotisants et met en ligne gratuitement la liste des diplômés. Idem à l'association de l'Iéseg, où la cotisation signifie l'accès à l'annuaire et aux offres d'emploi. "Nous proposons des événements ouverts à tous les anciens, mais les cotisants ont des tarifs préférentiels", explique Laetitia Dugrain Noël, déléguée générale d'Iéseg Network.

Un fonctionnement à deux vitesses de moins en moins satisfaisant, au point que certaines associations optent pour la cotisation "à vie" dès l'entrée à l'école. "La cotisation à vie est proposée depuis 2008, mais nous réfléchissons à l'intégrer dans les frais de scolarité dès la rentrée prochaine", indique la déléguée générale d'Iéseg Network.

Un pas déjà franchi par l'EM Lyon depuis 2011. "Nous avons désormais 6.000 cotisants sur 26.000 diplômés, détaille Nicolas Job, président d'EM Lyon Forever. Sur les cotisants, 2.000 sont issus de promotions antérieures à 2011, grâce à notre 'cotisation de la dernière chance'."

D'autres associations ont choisi de supprimer totalement la cotisation, à l'instar de RéseauDi, l'association de l'ESC Dijon. "Nous étions subventionnés à près de 80 % par l'école, précise David Abry, son président. Nous avons décidé de changer complètement de modèle. Désormais, nous sommes financés à 100 % par l'école et nous mutualisons nos moyens."

Un rapprochement des directions inévitable

La problématique financière, de part et d'autre, pousse de fait au rapprochement plus ou moins étroit entre associations d'anciens et directions. "Nous veillons à figurer dans tous les supports de communication de l'école, mais aussi à occuper les places qui nous sont réservées dans la gouvernance", insiste Ambroise Favrie.

Au Cnam, une convention vient d'être signée avec la FEAE et la Fondation de l'école, pour lancer, à la rentrée 2016, une plate-forme commune dédiée à l'emploi et aux carrières. À Iéseg Network, le directeur de l'école siège de droit au conseil d'administration de l'association, elle-même hébergée par l'école. "Nous travaillons ensemble. Nous essayons d'organiser aussi des événements communs", rappelle Laetitia Dugrain Noël.

D'ailleurs, certaines écoles vont finissent par absorber les équipes salariées des associations, comme l'EM Lyon et l'Edhec. Une méthode qui heurte leur tradition d'indépendance, même si l'entité juridique de l'association est généralement maintenue.

Certaines écoles finissent par absorber les équipes salariées des associations. Une méthode qui heurte leur tradition d'indépendance.

L'union fait la force

Pour ses défenseurs, le modèle d'un rapprochement fort avec les directions est synonyme d'une meilleure cohérence avec la stratégie de l'établissement. La stratégie est, pour eux, gagnante des deux côtés : économies de moyens, partage de l'information, communication plus cohérente et plus efficace. "L'école paie cher pour avoir accès à des études de marché, désormais, les diplômés y ont également accès", note Christèle Fernand, directrice d'EM Lyon Forever.

"Aujourd'hui, les plus jeunes diplômés ou étudiants sont souvent en rapport direct avec leurs enseignants via Facebook, et créent spontanément des groupes par promotion ou centres d'intérêts. En étant plus proches de l'école, nous avons accès plus facilement à ce public", souligne David Abry.

En effet, le rapprochement entre alumni et écoles va de pair avec la volonté d'être en contact plus étroit avec les étudiants, afin de les mobiliser le plus tôt possible. "Ceux-ci font partie de la communauté, c'est un axe stratégique de travail", confirme Christèle Fernand.

Organisation d'événements communs, mais aussi soutien à la recherche de stages... La sensibilisation prend différentes formes. À l'Insa Lyon et à l'EM Lyon, un module "développer son réseau", animé par des diplômés, a été mis en place dans le cursus. La FEAE compte pour sa part près de 70 % d'étudiants dans ses adhérents !

Autre évolution majeure, la volonté de se fédérer pour peser plus financièrement et accroître sa visibilité. "C'est un mouvement qui accompagne celui des fusions et le développement des établissements", analyse Jean Dambreville. De plus en plus de "fédérations" voient le jour, réunissant les différentes associations de diplômés d'un groupe d'écoles ou d'une école.

À l'instar d'Insa Alumni, créée il y a quatre ans, qui regroupe les six associations de diplômés des écoles Insa. Fonctionnant avec une cotisation de chacune des associations, ce type de fédération ne va pas de soi pour tout le monde. "Les grosses associations redoutent parfois cette délégation au niveau de la fédération, confirme Ambroise Favrie. Elles craignent de perdre leur identité et leur visibilité, alors qu'à mon sens, la dynamique de groupe est un levier très important."

Reste à savoir en effet jusqu'où ira le transfert de compétences vers ces fédérations et s'il est crucial pour la survie des associations d'anciens. Le débat est ouvert.

Un enjeu financier également pour les écoles
Au-delà d'une recherche logique de cohérence, notamment en termes d'image, les écoles cherchent de plus en plus à capter les diplômés dans une perspective financière. Dans un contexte budgétaire général de plus en plus contraint, les diplômés sont des investisseurs potentiels permettant de financer des projets ou des bourses. Et ce via les fondations créées ces dernières années par les écoles, aboutissant ainsi au triptyque école-association-fondation.

Une situation qui s'ajoute aux changements de mentalité et aux bouleversements liés aux usages numériques pour créer une nouvelle donne des associations de diplômés. "La relation avec les diplômés s'est inversée", résume Christèle Fernand. C'est désormais l'école qui demande aux diplômés ce qu'ils ont à lui offrir, et moins l'inverse !"

Catherine de Coppet | Publié le