Les Millennials : les comprendre pour mieux les capter

Jean Chabod-Serieis Publié le
Les Millennials : les comprendre pour mieux les capter
Banques, cabinets d'audit, think tanks consacrent des études aux 18-30 ans pour connaître leurs usages. // ©  plainpicture/Maskot
La génération des 18-30 ans est observée à la loupe par les grandes écoles, les universités ainsi que par les recruteurs. Ils veulent tout savoir sur ces "nouveaux indigènes", pour mieux détecter leurs futurs talents.

Y a-t-il une génération Millennials ? Les grandes entreprises mais aussi les universités et les grandes écoles prennent très au sérieux ces catégories qui peuvent paraître au premier abord artificielles, empreintes de marketing et de novlangue. Des banques (Goldman Sachs), des cabinets d'audit (Deloitte), des think tanks (La Fabrique de la cité) leur consacrent des études. L'enjeu : connaître les 18-30 ans pour les informer sur sa marque employeur – concept qui vaut également pour les grandes écoles qui "recrutent" – et aussi attirer les talents qui se cachent parmi eux.

Des  générations qui changent tous les quatre ans

"Le concept des générations Y, Z ou Millennials est une réalité, surtout en sociologie des usages, soutient Catherine Lejealle, sociologue et professeur à l'ISC Paris. Ce sont des générations courtes qui renouvellent tous les quatre ans les usages des TIC [technologies de l'information et de la communication]. D'ailleurs, quand je fais faire des enquêtes à des étudiants de 22 ans à l'ISC et que je les envoie interroger des jeunes de 17 ans, ils sont déboussolés : les nouveaux usages ne sont déjà plus les leurs. Facebook est considéré comme un annuaire où figurent les parents ; eux sont massivement sur Snapchat et Wattpad."

Les caractéristiques des Z et des plus jeunes Millennials semblent entendues : "Ils sont plutôt tribaux, remarque Jean-Louis Pierrel, le responsable des relations universitaires d'IBM. Ils ne sont pas individualistes, mais disons que leur sensibilité se résume à leur entourage proche. Ils sont vite discriminants si vous n'êtes pas capable de faire plusieurs choses en même temps, de vous prononcer rapidement sur tel ou tel sujet : il faut qu'ils soient toujours en tension."

Dans l'immédiateté et l'ubiquité

De son côté, Catherine Lejealle note un rapport différent au temps, à l'espace et à l'information. "Pour le temps, ils sont dans l'immédiateté, ce qui a comme conséquence qu'ils n'anticipent pas : ils attendent le dernier moment pour consulter leur communauté – via un sondage par exemple – en se disant que la communauté s'adaptera à la demande. Pour l'espace, ils sont dans l'ubiquité : être en cours et consulter Snapchat, être avec les parents et tchater avec des amis. Ce qui est rare n'est donc pas l'information mais l'attention."

Des affirmations que tempère Didier Semin. Le responsable des études de l'ENSBA (École nationale supérieure des beaux-arts) de Paris, ne veut pas croire que les outils changent profondément les comportements. "J'ai l'impression qu'à partir des baby-boomers on a calqué cette idée de génération Y, qui serait soit-disant radicalement différente au prétexte que des outils nouveaux sont apparus. Mais je retrouve chez les jeunes de 20 ans qu'on accueille les mêmes comportements que lorsque j'étais à la fac."

Ils sont plutôt tribaux. Ils ne sont pas individualistes mais disons que leur sensibilité se résume à leur entourage proche.
(J.-L. Pierrel)

Créer des événements pour toucher les Z

Malgré ces débats, écoles, universités et entreprises cherchent à adapter leurs discours aux nouvelles générations.

En 2015, Catherine Lejealle réalisait une enquête pour le groupe Studialis, afin de comprendre le processus de décision des étudiants à bac et bac+1 dans le choix d'une école. Résultat : "C'est une génération connectée mais qui a besoin de voir les locaux, le quartier, le bâtiment, insiste-t-elle. Ces étudiants ont besoin de rencontrer les anciens pour se rassurer, de voir que les anciens ou les étudiants actuels sont comme eux. Cela passe par du relationnel, du vrai contact. Ensuite, leur connaissance de l'école va se faire par le bouche-à-oreille auprès des amis, de la famille. Cela crée l''espace de considération' et la première difficulté pour un établissement, c'est d'entrer dans cet espace." D'où la nécessité de créer des événements pour créer des rencontres : challenges, festivals, portes ouvertes, événements sportifs sont les bienvenus. "Les écoles se disent à tort que les jeunes sont toujours sur les réseaux. L'étude montre qu'ils recherchent des rencontres."

Favoriser la rencontre avec des apprentis

Jean-Louis Pierrel relève lui aussi ce besoin de rencontre... avec d'autres jeunes. Le responsable insiste bien : il ne faut pas que les plus vieux interfèrent dans la prise de contact et la relation. D'autant que les Y qui travaillent depuis au moins cinq ans semblent avoir perdu beaucoup des particularités générationnelles qu'on leur prête pour entrer dans le moule. "Ils se défroquent très rapidement ! s'amuse Jean-Louis Pierrel. Beaucoup de nos jeunes managers de 35 ans ont du mal à comprendre que les jeunes d'aujourd'hui ont d'autres attentes."

Ces étudiants ont besoin de rencontrer les anciens pour se rassurer, de voir que les anciens ou les étudiants actuels sont comme eux. Cela passe par du relationnel, du vrai contact.
(C. Lejealle)

La société informatique a donc créé il y a deux ans YBM, un dispositif qui permettait aux jeunes embauchés apprentis d'organiser des rencontres avec des intervenants. L'enjeu pour IBM : rafraîchir son image et communiquer sur sa marque employeur. "Avec nos 300 apprentis et nos 200 stagiaires, ce sont en tout 500 jeunes mobilisables. Via YBM, nous leur permettons d'utiliser la messagerie interne (chat, partage de fichiers, etc.) et d'autres moyens. Et nous restons à l'écart : la mise en relation des jeunes candidats avec des jeunes apprentis fonctionne bien car c'est une mise en température progressive." Des initiatives auxquelles les jeunes générations sont sensibles.

"Lorsqu'ils vont sur les salons, la première motivation, c'est de rencontrer d'autres étudiants, argumente Catherine Lejealle. Aux portes ouvertes, ils veulent voir le campus, constater qu'il y a une vie associative, de l'encadrement." Exit les réseaux sociaux ? "Certainement pas : si vous n'êtes pas sur les réseaux sociaux, vous n'avez pas d'intérêt !"

Jean Chabod-Serieis | Publié le