LinkedIn tisse sa toile dans le supérieur

Morgane Taquet Publié le
LinkedIn tisse sa toile dans le supérieur
Depuis 2003, la start-up californienne basée à San Francisco est devenue le premier réseau social professionnel mondial. // ©  Hélène Allaire
Premier réseau professionnel, LinkedIn, la plateforme aux 380 millions de membres, s'intéresse désormais au marché de l'éducation, avec en ligne de mire l'orientation des étudiants.

Plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires, plus de 380 millions de membres et une progression fulgurante. En seulement 12 années d'existence, la petite start-up californienne est devenue le premier réseau social professionnel mondial. Et LinkedIn entend bien ne pas en rester là, en se positionnant sur le nouveau marché à investir, celui de l'éducation. 

Dès 2013, le réseau lance ses pages écoles, créées non pas à l'initiative des établissements, mais par LinkedIn sur la base des déclarations des étudiants. Un an plus tard, le réseau ajoute une rubrique "formation" à sa page d'accueil et innove avec son "decision board", qui permet à un étudiant de trouver l'établissement correspondant à la carrière de son choix.

Une stratégie tournée vers l'éducation confirmée par la récente acquisition du groupe : en avril 2015, la plateforme a déboursé 1,5 milliard d'euros pour l'achat du site de formation en ligne américain Lynda. Un montant record dans le monde de la formation en ligne qui laisse la place à divers scénarios.

Pour Sylvain Vacaresse, maître de conférences associé à Rennes 1 et consultant en e-formation, "un nouveau schéma se dessine dans le monde de la formation supérieure. Pour l'instant, il est uniquement possible de recommander les compétences sur LinkedIn, mais nous sommes dans un mouvement significatif vers les badges et la certification par les MOOC. Pourquoi LinkedIn ne proposerait pas des briques de formation via Lynda avec une certification à la clé ? s'interroge le maître de conférences. Cela pourrait intéresser tout le monde, étudiants compris, à qui LinkedIn pourrait proposer un outil d'auto-diagnostic sur les besoins de formation." En étant présent d'un bout à l'autre de la chaîne, "LinkedIn pourrait ainsi devenir un opérateur de formation à part entière", prédit Sylvain Vacaresse.

L'orientation pour cible 

Scénario prophétique ou pas, une chose est certaine : LinkedIn entend prendre sa part dans l'aide à l'orientation des étudiants."Si on regarde l'évolution de la plateforme, LinkedIn est progressivement passé d'un ciblage sur les anciens, à travers la création en 2013 de groupes communautaires, à des outils très efficaces d'aide à l'orientation pour tous les étudiants comme le decision board", explique Sylvain Léauthier, webmaster éditorial, chargé des réseaux sociaux à l'université catholique de Lyon et auteur d'un blog sur ces sujets.


LinkedIn est passé d'un ciblage sur les anciens à des outils d'aide à l'orientation.
(S. Léauthier)

Pour LinkedIn, il s'agit de faire le trait d'union entre les entreprises et les étudiants. "Il existe aujourd'hui un fossé entre ce que les universités produisent en termes de connaissances et ce dont les entreprises ont besoin, explique Charles Hardy, porte-parole et responsable Europe pour l'éducation de LinkedIn. Nous aidons les établissements à rendre leurs étudiants attractifs en termes de compétences professionnelles, et proposons ainsi une cartographie économique des compétences mondiales pour les entreprises. Du côté des étudiants, nous voulons qu'ils sachent où aller pour accéder à tel ou tel métier. En suivant les carrières sur un cycle de vie, nous les aidons à s'orienter."

Vers un classement LinkedIn des établissements

LinkedIn pourrait bien aller au-delà. Un classement des universités en fonction des carrières des utilisateurs LinkedIn est déjà disponible pour les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni. Il classe les 25 meilleurs établissements selon huit grands domaines d'activité.

Tourné vers les débouchés, "ce palmarès pourrait bien séduire les étudiants davantage intéressés par les débouchés professionnels que par les revues à comité de lecture", prédit Sylvain Léauthier. Un tel palmarès est-il envisageable en France ? Sur le sujet, LinkedIn reste prudent.

"Ce classement se fait pour le moment à titre exploratoire aux USA et au Canada. Nous regardons actuellement si nous pouvons l'étendre, notamment en France", explique Charles Hardy. Toutefois, nuance-t-il, "pour qu'un classement soit signifiant, il nous faut davantage de membres pour certaines disciplines." Et donc plus d'inscrits.


Pour qu'un classement soit signifiant, il nous faut davantage de membres pour certaines disciplines.
(C. Hardy)

Un établissement a donc tout intérêt à s'intéresser de près à la présence en ligne de ses étudiants pour renforcer son image de marque, mais aussi pour figurer en bonne place dans ce classement, s'il devait apparaître en France. Aujourd'hui, les inscriptions sur LinkedIn se font une à une et à l'initiative du futur abonné... qui ne respecte pas forcément l'orthographe ou encore le nouveau nom de l'établissement, entraînant de fait une dilution du nombre d'abonnés pour l'école ou l'université.

"Un éventuel classement pourrait être un élément important pour l'université, mais nous ne pouvons pas faire grand-chose à part inciter nos étudiants à s'y inscrire", suggère Sylvain Léauthier. À l'université Paris-Dauphine par exemple, Henri Isaac, vice-président en charge du numérique, pousse pour une inscription systématique des nouveaux étudiants sur LinkedIn. 

des partenariats difficiles à nouer

C'est surtout l'immense récolte de données moissonnée par LinkedIn qui peut intéresser les universités. "Grâce au volume d'abonnés, LinkedIn est en mesure de fournir des indicateurs sur ce que produisent les établissements d'enseignement supérieur en termes de compétences", explique Henri Isaac.

"Leur force est de posséder des données que nous n'avons pas, et qui sont actualisées par les abonnés eux-mêmes, contrairement à nos bases d'établissements", précise Sylvain Léauthier.


Le système se développe et nous devons nous y adapter.  
(J.-F. Fiorina)


De son côté, le réseau pourrait améliorer sa force de frappe "en ayant accès aux bases de données des établissements du supérieur", avance Henri Isaac. Pourtant, aux dires des établissements, les tentatives de collaboration avec LinkedIn ne sont pas aisées.

"Nous avons essayé de travailler ensemble sur des partenariats, mais ils veulent appliquer leur modèle. J'ai le sentiment que le système se développe et que nous devons nous y adapter", expose Jean-François Fiorina, directeur adjoint de Grenoble école de management.

Le rouleau compresseur LinkedIn pourrait donc bien faire sa route tout seul. "En passant du diplôme à un système basé sur les compétences et la certification, LinkedIn a le pouvoir de faire évoluer le modèle économique de l'éducation, ou tout au moins de le déstabiliser", estime Sylvain Léauthier. Une prédiction partagée par Henri Isaac : "LinkedIn est une plateforme rentable, qui a peu de concurrents, et qui est très agile. Nous n'avons encore rien vu !"

Sur LinkedIn, la marque fait la différence
Fin mai 2015, l'agence Campus Communication a publié un classement des établissements présents sur LinkedIn. Paris 1 Panthéon-Sorbonne arrive en tête, avec près de 100 000 abonnés à sa page école, devant Paris-Sorbonne, Dauphine qui "se démarque clairement avec sept fois plus d'abonnés (près de 65 000) que d'étudiants", Nanterre et l'UPMC.

Les universités parisiennes sont donc très bien placées, notamment les universités aux notoriétés les plus développées : "les" Sorbonne, Dauphine et Nanterre qui fait dire à Édouard Gassin, directeur de l'agence nantaise, qu'il "existe une corrélation très forte entre la notoriété de la marque et sa place sur LinkedIn".

Parmi les écoles de management, HEC, l'Essec et l'ESCP-Europe caracolent en tête alors que du côté des écoles d'ingénieurs, l'Ensam, l'Insa de Lyon et Centrale arrivent dans le top 3.
Prochaine Learning Expedition EducPros dans la Silicon Valley
Linkedin fera partie des visites de la prochaine Learning expedition EducPros qui s'arrêtera à San Francisco et dans la Silicon Valley, du 1er au 6 novembre 2015. La délégation visitera également Stanford, Berkeley, Autodesk, Techshop, Coursera...

Véritable plongée au cœur de l'innovation et de l'écosystème de la côte Ouest, ce voyage d'études est l'occasion pour les participants de nouer de nouveaux partenariats et de faire émerger de nombreux projets.

Le programme complet

Morgane Taquet | Publié le