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Logement étudiant : comment les villes tentent de répondre à la pénurie

Vianney Loriquet Publié le
Logement étudiant : comment les villes tentent de répondre à la pénurie
A Lyon, où la moitié des étudiants sont issus d'une autre académie, la Mairie et la Région travaillent en collaboration pour soutenir le logement étudiant. // ©  Stephane Audras/REA
Les étudiants sont parmi les premiers touchés par la crise du logement. A l'occasion de la sortie du baromètre du logement de l'Etudiant, EducPros fait le point avec des élus qui expérimentent des solutions pour améliorer les conditions d’habitat de cette population. Tous avouent une forme d’impuissance et appellent à plus de régulation.

C'est une pénurie qui n'est pas près de s'arrêter. "Nous traversons une crise du logement européenne, avec une tension très forte", alerte Renaud Payre, vice-président à la métropole de Lyon en charge du logement. "Cette tension nous fait peur car 90% des étudiants se logent dans le parc privé".  

Les solutions pour parer au plus pressé

Comment, dans ce contexte, aider les étudiants à se loger ? Les collectivités tentent de trouver des réponses, souvent en finançant la construction de logements dédiés via les bailleurs sociaux.  

A Lyon, la métropole finance à hauteur de 8.000 euros par lit maximum les bailleurs pour les aider à créer des résidences, à condition que le logement soit pérenne. "Notre objectif est d’atteindre 10 logements sociaux dédiés pour 100 étudiants d’ici 2029", abonde le vice-président en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Jean-Michel Longueval.  

La métropole a passé un accord avec la Région pour répartir les efforts : la première subventionne les bailleurs locaux, la seconde aide directement le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) Au total, 6.000 logements doivent sortir de terre

La tension  est accrue par une demande importante d’étudiants en mobilité : sur Parcoursup, en 2024, 50% des admis à Lyon sont issus d’une autre académie.  

D’autres villes connaissent des difficultés similaires.  À La Rochelle par exemple, "60% des étudiants viennent d’ailleurs", estime Vincent Demester, vice-président de la communauté d’agglomération en charge de l’enseignement supérieur. 

Comme dans le Rhône, la collectivité charentaise a pris le parti de développer son offre de logement dédié en apportant des financements. Son parc social étudiant compte 2.700 lits, et devrait être porté à 2.930, avec deux résidences en cours de construction.  

Alternance et baisse démographique forcent à repenser le logement étudiant

La construction de résidences dédiées aux étudiants se heurtent toutefois à des évolutions structurelles de l’enseignement supérieur. Tout d'abord l'apprentissage, qui a modifié les usages et besoins en habitat de nombreux étudiants qui cherchent dorénavant un logement alterné.   

À Mulhouse, le conseiller en charge du supérieur, Alfred Jung, s'intéresse de près à la question sans avoir "encore trouvé de réponse". À Lyon, Renaud Payre confirme que "le développement de l'apprentissage a chamboulé notre modèle". La métropole a confié à l’un de ses bailleurs, une mission pour réfléchir à un immeuble co-géré pour des alternants.  

En outre, en raison de l’évolution démographique, les élus doivent "penser à la réversibilité des logements étudiants". "On réfléchit donc à des modèles de gestion du logement étudiant en colocation, on doit les inventer". Objectif : s’assurer qu’à horizon 2030 et plus, les résidences étudiantes puissent continuer à servir autrement. 

Sur le littoral, les résidences secondaires bouchent le marché

La Rochelle est une ville de  tourisme. Entre avril et août 2023, 153.000 personnes l’ont visitée, dont 90% de Français. Comme d’autres cités littorales, la part de résidences secondaires y explose : 12,5% du parc, qu’on retrouve régulièrement sur les sites de meublés touristiques comme AirBnB. "Comme Nice, Bayonne et Biarritz, on a voulu lutter contre ces pratiques en ramenant ces logements dans le parc locatif hors saison", explique Vincent Demester.  

A Nice, le dispositif déjà en vigueur depuis 2022. "Nous proposons de louer neuf mois de l'année à un étudiant, puis trois mois en logement touristique", détaille Anthony Borré, premier adjoint au maire. L’élu assure que cela aurait permis de mobiliser 150 logements.  

Dans la capitale des Alpes-Maritimes, les résidences secondaires constituent 21,5% du parc. La mairie explique vouloir mettre en place des quotas et applique "la taxe d’habitation maximale de 60%" aux propriétaires de ces logements. Toutefois, l’élu des Alpes-Maritimes mise surtout sur le logement dédié et les autres formes de cohabitation comme le logement intergénérationnel pour absorber la croissance rapide des étudiants (+ 26% en dix ans) dans l’unité urbaine.

L'inflation soutenue par la spéculation

La ville azuréenne a également la particularité d’être sur un territoire très recherché et enclavé. "Notre problème, c’est la spéculation foncière, que nous cherchons à encadrer", assure Anthony Borré.  

À 1.000 kilomètres de là, sur les bords de l’Atlantique, la lutte contre la spéculation bat également son plein. L’agglomération de La Rochelle a pris des mesures. Vincent Demester assure que "la mairie ne cèdera les biens publics, pour ne pas alimenter la spéculation. Nous  les louerons nous-même à un tarif plafonné".  

Autres lieux, autre contexte, même constat. A Paris, la Ville finance fortement la construction de résidences sociales pour le logement dédié, malgré la suppression des aides régionales depuis fin 2024. Mais le problème se situe dans le parc privé. 

La mairie parisienne fait face à une forme de synthèse des maux de ses voisines en région. Ici, les meublés touristiques illégaux ont été tant bien que mal estimés ; ils représenteraient entre 18.000 et 28.000 logements. Ici, l’inflation crève le plafond, sans aucune commune mesure avec le reste de la France : un studio étudiant est estimé à 900 euros en moyenne, c’est 250 de plus que la deuxième ville la plus chère.  

Des dispositifs d’encadrement bénéfiques, mais fragiles

L’encadrement des loyers a permis de limiter la casse, dans plusieurs grandes villes dont Paris et Lyon, assurent les élus. "Les étudiants sont particulièrement soutenus par ce dispositif puisque 80% des logements dépassant le plafond sont des petites surfaces, T1 ou T2", explique Barbara Gomes, conseillère déléguée en charge notamment de l’encadrement des loyers à la Ville de Paris. A Lyon, Renaud Payre tire le même constat : "l’encadrement a permis de plafonner les loyers de 15% des logements lors de son entrée en application, parmi lesquels une grande majorité de petites surfaces".  

Toutefois, les élus parisiens et lyonnais pointent un même danger. "Il y a tellement de demandeurs que toutes les pratiques frauduleuses sont possibles, avec toujours le même dénominateur : le logement est perçu comme du profit", dénonce Renaud Payre. Dans ces moments, il faut être extrêmement attentif à l'application du droit et informer le plus possible."

L’élu rhodanien décrit les deux cas les plus fréquents : "il y a le propriétaire qui ne respecte pas l’encadrement en tablant sur le fait que le locataire n’osera pas le signaler, et il y a les compléments de loyer abusifs". À Paris, les élus ont tenté de régler le premier cas en facilitant les démarches. "Vous n’avez qu’à faire le signalement sur le portail dédié et la mairie s’occupe du reste, elle met en demeure le propriétaire de vous restituer le trop payé".  

Vianney Loriquet | Publié le