Mobilisation des universités : les enseignants-chercheurs innovent dans leurs amphis

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Mobilisation des universités : les enseignants-chercheurs innovent dans leurs amphis
AG à la Sorbonne le 2 février 2009. // © 
La mobilisation des enseignants-chercheurs a rassemblé quelques milliers de manifestants le 5 février 2009 sur toute la France, à l'appel de l'intersyndicale de l'enseignement supérieur et de la recherche (Snesup, SNCS, Snasub, SNTRS, FERC-sup, CGT-INRA, SNPREES, Sud-Education, Sud-recherche, UNEF, SLR et SLU). Outre ces manifestations - la prochaine est prévue à Paris le 10 février -, le mouvement de grève des enseignants-chercheurs contre la réforme de leur statut prend de nouvelles formes.  

45 000 manifestants (selon le Snesup), étudiants, enseignants-chercheurs et personnels techniques et administratifs des universités ont défilé dans des cortèges mobilisés dans une vingtaine de villes. A Paris, celui de Jussieu au ministère de la recherche a rassemblé entre 15 000  et 20 000 personnes, celui de Toulouse 6000 personnes par exemple, selon l'organisation syndicale.

Pécresse chahutée à Strasbourg

Autre point névralgique : Strasbourg (1600 à 2000), où la ministre est venue inaugurer la nouvelle université unique dans la matinée. Une dizaine d'enseignants-chercheurs, qui remettaient une pétition avec 2200 signatures pour protester contre les réformes, ont chahuté le discours de la ministre dans le Palais universitaire strasbourgeois. Selon SLU, la quasi-totalité des universités - souvent  seulement quelques UFR ou départements -  suivent le mouvement avec le vote d'appels à la grève.

Des cours sur les raisons de la colère

Sur les campus, plusieurs enseignants-chercheurs ont, eux, choisi une approche pédagogique. Ils sont présents pendant leurs cours et réservent un moment – voire l’intégralité du cours – pour expliquer les raisons de leur mobilisation contre les réformes gouvernementales.  

Dimitri Houtcieff, professeur à la faculté de droit d’Evry, souhaite en effet « expliquer les raisons de la grève » aux étudiants. « L’objectif n’est pas de les rallier au mouvement mais de leur expliquer la réforme », précise le juriste, en prenant une demi-heure sur son cours de trois heures.

La plupart des enseignants de son département - une trentaine - ont suivi ce modus operandi. Jusqu’à aujourd’hui. « Nous avons décidé d’entrer dans des modalités plus dures ensuite en appelant à la grève totale », annonce-t-il.

Une enseignante raconte également, sur le blog de ce professeur de droit , qu’elle a proposé un débat à ses étudiants. Ou en tout cas au « tiers restant dans l'amphi après leur avoir annoncé que je ne ferai pas cours et proposé un débat », écrit-elle avec ironie. Certains professeurs de Paris 1, de Lille 1 ou encore de Paris 8, prennent eux aussi le temps de la discussion avec leurs étudiants.

EHESS : débats publics à la place des enseignements

Autre initiative, à l'EHESS cette fois. Un collectif de chercheurs (SLRU-EHESS) de la prestigieuse école de sciences humaines et sociales a lancé une série de rencontres publiques, intitulée « Changeons le programme » , à la place des cours prévus.  

Les enseignants-chercheurs qui le souhaitent remplacent ainsi leur séminaire par une séance thématique sur l’un des aspects des réformes en cours. Sous l’angle historique, international, européen, culturel, etc, une trentaine de débats et d'interventions sont ouverts au public du 2 au 6 février 2009. L’opération est reconduite la semaine suivante.

Marcel Gauchet argumente pendant deux heures

Marcel Gauchet a ainsi tenu une conférence mercredi 4 février 2009 autour du thème « La redéfinition du savoir sous le néo-libéralisme ». Deux heures - à regarder en podcast - durant lesquelles le célèbre philosophe a argumenté contre le programme de réformes gouvernementales dans les universités.

« Certains de nos collègues italiens nous ont ainsi expliqué comment cela se passe chez eux », raconte un membre du collectif, André Gunthert , chercheur et maître de conférences à l'EHESS, où il dirige le Laboratoire d'histoire visuelle contemporaine. « Nous sentons un véritable besoin d’informations et de discussions, note-t-il. « Exactement ce sur quoi le gouvernement a fait l’impasse ».

La gauche... et un député UMP critiquent les réformes

Par la voix de Jean-Paul Huchon cette fois-ci , le parti socialiste revient à la charge contre les réformes menées par Valérie Pécresse. « Il est temps d’écouter le monde universitaire », estime le président de la région Ile-de-France, qui dénonce « l’absence criante de concertation".

Plus surprenant, Daniel Fasquelle, député UMP (Pas-de-Calais) a demandé, le 4 février 2009 à la ministre de l'Enseignement supérieur, de « revoir son point de vue » sur la modification du statut des enseignants-chercheurs. Il se dit prêt à interpeller le Premier ministre et le président de la République. Craignant « trop de pouvoirs entre les mains des présidents d’université et le « risque de clientélisme », ce doyen de la faculté de droit de Boulogne-sur-mer (université du Littoral) estime l'entente avec le ministère possible, mais « il y a désaccord sur les moyens utilisés ». 

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