
La baisse de la démographie des 15-20 ans attendue pour 2029 conduit les villes à repenser leur stratégie d’attractivité. Certaines diversifient le type d’établissements qu’elles accueillent, misant sur le privé. D’autres se spécialisent pour devenir la référence dans un domaine de l’enseignement et la recherche.
Toutes parlent de l’enjeu de la coopération entre les collectivités, les régions et l'Etat, en passant par les acteurs du supérieur, des universités aux établissements privés.
Un étudiant sur quatre change d'académie lors de son entrée dans le supérieur
Les mobilités étudiantes interterritoriales se jouent en deux mouvements : à l'entrée dans le supérieur et au moment de l'entrée en master 1. Lors de Parcoursup, un étudiant sur quatre change d’académie.
Les mobilités à l'entrée dans le supérieur sont essentiellement intrarégionales. Elles suivent une logique d’attraction résumée comme suit : il existe des villes "dominantes" comme Nantes et des villes "dominées" à l'image de Saint-Nazaire, relèvent les auteurs d'une étude réalisée pour l'Avuf (Association des villes universitaires de France), en 2022.
A la croisée des chemins, des villes dites "intermédiaires", à l'instar d'Angers, sont à la fois "dominantes" de pôles estudiantins mineurs et "dominées", par ailleurs, par une ville plus importante.
Toutefois, dès Parcoursup, des exceptions notables dans ces flux majoritaires intra-académie apparaissent. Ils existent deux situations dans lesquelles les étudiants changent d'académie à ce moment-là :
Celui de la métropole étudiante très identifiée comme telle et attractive par nature, comme Lyon ou Lille, avec une offre de formation plus importante que la moyenne et des pôles d’excellence reconnus. Ces villes tirent par ailleurs leur épingle du jeu avec une offre de formations sélectives (CPGE, grandes écoles, PASS/LAS...) plus importante que la moyenne. À noter que Paris n'est pas dans ce cas : son taux d’admis issus d’autres académies est faible, ses formations post-bac étant occupées majoritairement par les nombreux nouveaux étudiants qui sortent de ses lycées.
Celui de la grande ville isolée, ou enclavée, à la croisée d’académies en moyenne plus rurales. On les retrouve notamment vers la Nouvelle-Aquitaine, avec La Rochelle et Limoges.
Mais, à plus petite échelle, plus d'un admis sur deux expérimente une mobilité
L’analyse des mobilités à l’échelle plus fine des zones d’emploi - ces espaces géographiques à l'intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, selon un découpage réalisé tous les dix ans par l'Insee - permet de mieux apprécier l’ampleur des mobilités intra-régionales et intra-académiques à l’entrée dans le supérieur.
Le Sies, dans une étude portant sur la rentrée 2022, dévoile les profils des admis présentant les plus grands taux de mobilité, selon le type de formation intégrée.
Là où un quart seulement des admis changeaient d’académie, plus d’un néo-bachelier sur deux (58%) change de zone d’emploi au moment de leur entrée dans le supérieur. Et ceux qui déménagent le plus et le plus loin sont les admis des grandes écoles.
Lors de l'entrée en master, les mobilités nationales s’accroissent, avec un étudiant sur deux changeant d’académie pour trouver la formation qui lui sied. La logique des flux entre villes "dominantes" et "dominées" reste applicable, avec un changement d’échelle.
Les étudiants se concentrent dans les villes comptant le plus de formations
Ces flux d'étudiants dirigés vers les villes concentrant déjà la majeure partie de la population d’un bassin, et donc la plus grande offre de formation, produisent des effets visibles au long terme dans l’évolution du nombre d’étudiants. La preuve en chiffres ci-dessous.
Bien souvent, c’est l’université qui porte la dynamique d’une ville sur le long terme, car elle concentre une grande part des étudiants d'un territoire, comme à Caen, où elle regroupe 70% des étudiants.
A contrario, l’exemple du Havre montre que d’autres villes misent au contraire sur l’installation d’établissements privés pour relancer la dynamique étudiante.
La coopération entre échelons institutionnels : Le Havre temoigne
Emilie Leproust-Houllier, directrice de l’attractivité du Havre Seine Métropole, assume le statut de "petit jeune" de sa collectivité dans le paysage des villes estudiantines. L'université a été fondée en 1984. Et, malgré un travail jugé pertinent par le Hcéres dans son rapport d'évaluation de 2022, elle ne rivalise pas avec ses voisines Caen et Rouen en nombre d’étudiants. La ville d’Edouard Philippe mise donc sur le développement d’une offre complémentaire à l’université, privée et publique.
Cela passe notamment par des projets conséquents difficiles, voire impossibles, à assumer seule pour une collectivité locale, pour lesquels le soutien de la région ou de l’État est essentiel. La directrice cite une "opération à plus de cent millions d’euros dans le cadre du contrat de plan état-région visant à construire un nouvel ensemble immobilier dans le campus".
Ce dernier a notamment vocation à abriter une antenne de l’école des Arts et Métiers. Dans l’idée, les futurs ingénieurs du Havre pourront participer à la redynamisation du territoire et bénéficier à la réindustrialisation. "Ce sont des compétences dont nous avons besoin", appuie Emilie Leproust-Houllier.
La coopération territoriale à travers la spécialisation : les propositions de Caen
A environ une heure de route, Caen peut s’appuyer sur un nombre d’étudiants en constante progression, trois fois supérieur à celui de son voisin havrais. Cela n’empêche pas Bertrand Cousin, conseiller à l’attractivité du président de Caen-la-mer, d’abonder dans le sens d’Emilie Leproust-Houllier sur l’importance de la coopération entre les strates institutionnelles pour l’installation de nouvelles écoles sur leur territoire. Il tient par ailleurs un discours similaire sur l’importance pour son territoire de se spécialiser à l’échelle de la région.
“On pourrait spécialiser certaines villes avec certaines disciplines, pour que la Normandie se présente avec des offres étudiantes très performantes”. Le conseiller met en garde contre le risque que tout le monde soit perdant en avançant en ordre désordonné face à la baisse démographique, avec un appel du pied à la Comue Normandie pour développer les coopérations à l’échelle des universités.
Mobilités étudiantes et attractivité des territoires universitaires
Les interventions des villes du Havre et de Caen sont tirées d'une conférence coorganisée par l'Etudiant avec l'Avuf (Association des villes universitaires de France), le 18 mars, en ligne et dédiée aux mobilités étudiantes et à l'attractivité des territoires universitaires.
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