Palmarès : derrière les portes des petits lycées privés

Isabelle Maradan Publié le
Palmarès : derrière les portes des petits lycées privés
Cour du collège-lycée Saint-Joseph à Nay (64) - ©Isabelle Maradan - mars 2013 // © 
Avec moins de 70 candidats au bac chaque année, des petits lycées d’enseignement général privés sous contrat se classent parmi les meilleurs dans les palmarès effectués par les médias, à partir des indicateurs publiés par le ministère de l’Éducation nationale. Sont-ils vraiment des lycées de rêve ? EducPros a enquêté derrière les portes de deux d'entre eux : Saint-Joseph à Nay (64) et Henri-Matisse à Montreuil (93).

Qu’ils baignent dans la verdure ou au cœur d’une cité, chaque année, des petits lycées privés sous contrat se distinguent pour avoir permis à tous leurs élèves de décrocher le bac – toujours moins d’une centaine. Ils peuvent également se prévaloir d’un bon indice de stabilité de la première à la terminale et d’une valeur ajoutée positive, amenant davantage d’élèves au bac que ne le prévoient les statistiques – établies notamment à partir de leur origine sociale et de leurs résultats au brevet.

Figurent-ils au tableau d’honneur parce qu’ils ne sont pas soumis à la carte scolaire et ne choisissent que de bons élèves ? Pas si simple.

parents investis

Les lycées Saint-Joseph à Nay (Pyrénées-Atlantiques) et Henri-Matisse à Montreuil (Seine-Saint-Denis), tous deux privés sous contrat, ont d'abord en commun de n’accueillir que des élèves que leurs parents ont souhaité y inscrire. "Beaucoup de parents modestes n’ayant pas fait d’études viennent nous voir pour donner cette chance à leur enfant", observe Pierrick Madinier, chef d’établissement et coordinateur de l’école-collège-lycée Henri-Matisse.

Pour les enseignants rencontrés dans ces établissements, cette démarche volontaire révèle un investissement et un souci des parents à l’égard du travail scolaire et de l’éducation de leur enfant. Une implication dont on sait qu’elle pèse lourd et parvient même à faire mentir les déterminismes sociaux.

suivi des élèves sur le long terme

Autre atout important, non loin des Pyrénées, comme en banlieue parisienne, au milieu des immeubles de la cité des Morillons, en zone urbaine sensible : la bonne connaissance de chaque élève. Les deux établissements ont du temps pour amener les futurs bacheliers généraux jusqu’au bac. Le montreuillois accueille ses élèves dès le cours préparatoire, puis en sixième. Le collège-lycée Saint-Joseph a sept ans au minimum pour diplomer les siens.

ENCADREMENT ET TRAVAIL REGULIER

Dès le collège, les journées avec seulement trois heures de cours et du temps pour traîner n’existent pas. Les emplois du temps sont conçus de manière à prendre en charge les élèves de 8 ou 9 heures le matin jusqu’à 17 heures le soir, et même vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour les internes de Saint-Joseph. Le rythme de travail est soutenu et impose une grande régularité.

Cours de maths en 1ere ES et L au lycée Henri-Matisse à Montreuil (93)

Bac General uniquement

Après le collège, tous les élèves pour qui le passage en seconde générale est validé peuvent poursuivre leur cursus dans ces lycées. "Sauf problème de comportement", nuance Yves Ginesta, directeur du collège-lycée Saint-Joseph, qui reconnaît n’accueillir et ne garder que "des élèves sages". En banlieue parisienne, Pierrick Madinier n’a pas cette exigence. Il croit en la capacité de son équipe à "canaliser des élèves qu’on dit agités". Ne préparer qu'aux bacs généraux exclut de fait les élèves s'orientant vers la voie technologique ou professionnelle.

Ambiance familiale

Avec trois classes par niveau de la seconde à la terminale, ces petits lycées offrent enfin une ambiance que parents, élèves et professeurs qualifient souvent de «familiale». À tel point que les adultes qui y travaillent sont nombreux à y scolariser leurs enfants.

Mais cette ambiance familiale peut finir par peser.  "Une partie des collégiens nous quittent en cours ou en fin de collège pour respirer un autre air, reconnait Pierrick Madinier. Surtout quand ils sont là depuis le cours préparatoire." Le revers de la médaille.


Palmarès 2013 : les raisons de la chute du lycée Saint-Joseph
S’il peut sembler plus facile d’obtenir 100% quand on présente une poignée de candidats au bac, l’échec de quelques-uns se fait fortement ressentir. Lors de la session 2012, trois des 41 candidats au bac du lycée général privé sous contrat Saint-Joseph à Nay (64) ne l’ont pas décroché.

Avec 81% de réussite en série ES [contre 91% attendus dans cette série pour un lycée comparable en France], «St-Jo Nay» ne fait plus partie des lycées pouvant se réjouir de figurer au top des palmarès. L’établissement se trouve même relégué dans la catégorie des «mauvais lycées» du palmarès établi par l’Etudiant à partir des indicateurs des lycées publiés par le ministère de l’Éducation nationale en mars 2013.

Mais l’élément qui pénalise le plus sévèrement l’établissement cette année, c’est la baisse de son indice de stabilité. Considéré comme le reflet de la capacité d’un établissement à garder ses élèves de la première au bac, il laisse entendre que St-Jo se débarrasserait tout simplement des élèves mettant en péril l’objectif des 100% au bac.

Si Yves Ginesta, le directeur, reconnaît avoir renvoyé un élève de première, c’est parce qu’«il avait insulté un professeur, et pas à cause de ses notes», assure-t-il. Un renvoi qui a entraîné le départ volontaire de la copine du jeune homme.

Trois autres élèves de première censés y passer le bac en 2012 ont également quitté Saint-Joseph. «Une interne, repartie passer son bac sur la Côte basque où elle réside. Un gamin, qui avait 8 de moyenne en première S et s’est réorienté en première technologique. Une élève de première L, dont la maternité a interrompu la scolarité», détaille le chef d’établissement.

Le renvoi et les quatre départs volontaires pèsent proportionnellement plus lourd sur les statistiques d’un petit lycée que d’un gros. Des histoires personnelles, celles de lycéens, que les données chiffrées ne racontent pas.

Isabelle Maradan | Publié le