Processus de Bologne : le mythe de la "success story"

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Quel bilan tirer du processus de Bologne, dont les 10 ans ont été célébrés fin avril 2009 à Louvain ? Derrière la grand-messe politique fêtant le succès de Bologne, la réalité est plus contrastée, comme le révèle l’enquête « Développements du processus de Bologne ». Ce document réalisé par Eurydice est riche d’enseignements sur la réelle avancée de l’harmonisation européenne des systèmes d’enseignement supérieur. Différents modèles coexistent avec de grandes variations d’un pays à l’autre. De fait, on est encore loin des objectifs évoqués par les fondateurs lors de la déclaration de la Sorbonne en 1998.



Organisation en trois cycles : trois modèles.

Si l’organisation en trois cycles est « théoriquement complètement introduite » dans les 46 pays participants, des exceptions pour certaines filières professionnelles sont recensées, comme l’architecture, la médecine ou l’ingénierie. Surtout, le modèle LMD ne domine que dans 19 pays quand 11 autres ont privilégié un premier cycle en quatre ans. Au total, au moins trois modèles se juxtaposent dans la zone européenne, et dans la moitié des pays du processus, il n’existe pas de schéma dominant mais des combinaisons variées. « Certes, la diversité est plus grande que prévue, mais ce n’est pas forcément problématique, analyse David Crosier, l’un des deux auteurs de l’enquête. Il ne faut pas se focaliser sur le nombre d’années, mais sur les compétences acquises. Le principal challenge à l’avenir est de travailler sur le profil des différentes qualifications à atteindre. »

Crédits ECTS : cinq cas de figure

En matière de crédits ECTS, si le système est largement mis en place, il existe une grande variété de définitions de ce que mesure un crédit. Ceux-ci devaient au départ permettre de comparer le contenu des formations, de transférer les séjours de formation d’un pays à l’autre et, au final, de faciliter les échanges d’étudiants. Plusieurs modèles de définition des crédits coexistent et les pratiques sont loin d’être harmonisées. Le rapport d’Eurydice distingue pas moins de cinq cas de figure, suivant que le crédit est mesuré en fonction de la charge de travail de l’étudiant, du nombre d’heures de cours en présentiel ou encore des acquis de la formation. À noter enfin qu’un groupe de 6 pays ont conservé leur système national de crédits en parallèle des ECTS.

Mobilité et supplément au diplôme : à revoir

Même diversité de situations s’agissant du supplément au diplôme. « Même dans les pays où il a été largement introduit, seul un nombre limité d’entre eux ont instauré des systèmes d’évaluation pour déterminer leur efficacité auprès des institutions et des employeurs. » Quant à la mesure de la mobilité, les auteurs soulignent l’absence de données statistiques fiables. « Aussi surprenant que cela puisse paraître, il reste énormément de travail à faire pour avoir des chiffres comparables d’un pays à un autre, relève David Crosier. Les données d’Eurostat sur les étudiants étrangers ne nous permettent pas de savoir si les changements structurels ont un impact positif ou négatif sur la mobilité. »

Le mythe d’une européanisation accomplie

« Le processus de Bologne ne concorde pas avec ce qui était annoncé en 1999, écrit de son côté la sociologue Sarah Croché, chercheuse aux facultés catholiques de Mons. Il a produit une diversité de réformes, alors qu’il devait formater les systèmes sur un même modèle dans l’intention explicite de créer un espace européen de l’enseignement supérieur plus attractif. Ce dernier n’est pas encore une réalité tangible, même si les acteurs qui poursuivent ardemment sa construction entretiennent le mythe d’une européanisation accomplie de l’enseignement supérieur. »

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