Jean-Pierre Choulet (DSI de l'Essec) : "Le learning center fait du campus un lieu incontournable"

Propos recueillis par Caroline Franc
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Inauguré en 2008 et comptabilisant 165.000 visiteurs par an, le learning center de l'ESSEC est fréquemment cité en exemple. Pour Jean-Pierre Choulet, directeur du pôle systèmes d'information de l'école, ce succès s’appuie sur l'équilibre entretenu entre la dimension sociale du lieu et celle plus traditionnelle d'une bibliothèque ultra-moderne.

Comment et pourquoi l'ESSEC a-t-elle décidé de se doter d'un learning center ?

Historiquement, l'ESSEC a toujours eu une bibliothèque remarquable, cela fait partie de sa culture. Dans les années 2000, la responsable de la bibliothèque, qui est aujourd'hui partie, a eu l’idée géniale d'intégrer cet espace au sein de ma direction, de façon à décloisonner l'innovation, la pédagogie et les services d'information. C'est à partir de ce moment que nous avons amorcé la mutation de notre bibliothèque en learning center.

Nous sommes donc vraiment partis d'une bibliothèque, que nous avons petit à petit modernisée et à laquelle nous avons ajouté des services d'accompagnement, de coaching, d'aide à la recherche documentaire, etc. Tout cela sous la houlette d'une seule équipe. Nous avons pu, parallèlement, assez vite lancer le projet de rénovation des lieux proprement dits, avec une extension dans un projet architectural plus vaste.

Aujourd'hui, le learning center, c'est 3.000 m2 dans un espace convivial, dans lequel des «bulles» sont à la disposition des étudiants pour leurs travaux collaboratifs. Les étudiants y ont un accès direct à l'information en ligne, mais également la possibilité bien sûr d'emprunter des livres.

Nous avons ajouté des services d'accompagnement, de coaching, d'aide à la recherche documentaire

Qu'est-ce qui fait l'essence d'un learning center selon vous ? Qu'est-ce qui le différencie justement d'une bibliothèque ? Est-ce simplement une question de sémantique ?

Non, ça n'est pas qu'une question de vocabulaire. Notre learning center est situé à cinquante mètres de la cafétéria, il en a un peu hérité l'esprit, c'est un lieu de rencontres, où le lien se crée. D'ailleurs, l'un de mes rêves est de supprimer la barrière qui subsiste entre ces deux espaces pour également les décloisonner. Mais d'ores et déjà, il y a une circulation naturelle entre ces deux lieux. Je dirais que ce qui en fait également la singularité et le succès, c'est la variété des profils d'utilisateurs qu'on y trouve et leur dimension cosmopolite [22% des étudiants de l'ESSEC sont étrangers], mais aussi des services proposés. Pour y parvenir, se doter d'une équipe solide et investie est capital. Vingt-trois personnes sont dédiées à cet espace, dont dix-huit affectées au lieu et cinq «ingénieurs pédagogiques» qui interviennent lors des cours pour faire en quelque sorte le lien entre le learning center et les enseignements.

À propos de ce lien justement, avez-vous le sentiment que l'existence de ce lieu et les services qu'il propose ont fait évoluer les pratiques pédagogiques ?

Il faut être réaliste, c'est plus l'offre de services dématérialisés proposés par le learning center qui fait évoluer les pratiques pédagogiques des enseignants que le lieu lui-même. Cela dit, cette année, un directeur de programme nous a contactés pour voir dans quelle mesure intégrer le learning center dans ses cours, en y délocalisant une partie de son programme. Mais cela reste pour l'instant une initiative individuelle et ponctuelle. En revanche, le lieu joue un véritable rôle entre les cours, grâce aux services qu'il met à disposition des étudiants, comme le coaching aux quizz et l'aide à l'employabilité. Mais, d'une manière générale, c'est le learning center qui vient dans les cours plus que l'inverse.

Comment expliquez-vous l'engouement actuel pour les learning centers ? Est-ce une mode selon vous, ou cela répond-il à une vraie demande des étudiants et enseignants ?

Je crois que l'engouement actuel pour les learning centers vient du fait que paradoxalement il n'y a jamais eu autant de possibilités d'accéder à l'information en ligne. Cette diffusion des savoirs à distance est très importante et remplit un rôle social, il n'est pas question de la dénigrer. Mais elle pose la question pour les écoles et les universités de la façon de se différencier et de rester un lieu incontournable.

Le learning center répond selon moi à cette ambition de faire de la présence sur le campus une expérience qui n'a pas d'équivalent

Le learning center répond selon moi à cette ambition de faire de la présence sur le campus une expérience qui n'a pas d'équivalent. À l'ESSEC, le learning center se situe au cœur du campus, au sens propre. Il est difficile d'aller d'un endroit à l'autre du campus sans le traverser, c'est aussi ce qui en fait le succès. Pour oser une comparaison, le learning center est au campus ce que les centres commerciaux sont aux villes : on n'y va pas forcément pour consommer.


Propos recueillis par Caroline Franc | Publié le