Université : portrait-robot du président de Comue

Morgane Taquet Publié le
Université : portrait-robot du président de Comue
Parmi les présidents de Comue, Pascal Olivard, Thierry Tuot, Vincent Hoffmann-Martinot, Anne-Sophie Barthez, Mohamed Ourak, Pierre-André Jouvet, Thierry Coulhon et Loïc Vaillant. // ©  EducPros
Personnalité régionale ou nationale de l'enseignement supérieur, le président de Comue est un universitaire scientifique, souvent plus jeune qu'un président d'université. Analyse des profils de ces présidents très politiques.

Si le président d'université est un homme blanc, plutôt âgé, le président de Comue (Communauté d'universités et d'établissements) lui ressemble. Personnalité reconnue de l'enseignement supérieur au niveau national ou très ancré dans sa région, le président de Comue est à l'image de la diversité de ces nouvelles structures, qu'elles soient préfusionnelles, confédérales ou régionales.

Après une période d'instabilité, les présidents de Comue sont désormais quasiment tous élus, à l'exception d'Emmanuel Roux, administrateur provisoire de Languedoc-Roussillon Universités depuis l'été 2015. Officiellement, les 21 présidents (dont neuf en Île-de-France) ne sont arrivés que très récemment en fonction : 14 présidents sur 21 ont été élus depuis un an, dont huit depuis le début d'année 2016.

Sur le papier, seul Jean-Yves Mérindol a été réélu dans ses fonctions à la tête de la Comue Université Sorbonne-Paris-Cité, mais, en réalité, ils sont plusieurs à avoir assuré la présidence du Pres (Pôle de recherche et d'enseignement supérieur, qui préexistait à la Comue, structure créée par la loi ESR de juillet 2013).

DES PROFILS SCIENTIFIQUES

Comme pour les présidents d'université, les présidents de Comue sont majoritairement des scientifiques. Près de neuf présidents sur dix sont issus des sciences dures et de droit, économie, gestion, contre 12 % de profils médicaux. Aucun président n'a accompli un cursus de sciences humaines.

Des scientifiques surreprésentés

Ils ont majoritairement effectué leurs études à l'université, mais ils sont plusieurs à cumuler les diplômes universitaires et d'écoles. On compte trois diplômés de d'IEP (Thierry Tuot à Sorbonne Universités, Vincent Hoffmann-Martinot à la Communauté d'universités et d'établissements d'Aquitaine, Philippe Raimbault à l'Université fédérale Toulouse-Midi-Pyrénées), trois diplômés d'Écoles normales supérieures ((Jean-Yves Mérindol à l'USPC, Philippe Tchamitchian à Paris-Est, Alain Rivière à l'Institut polytechnique du Grand Paris), deux diplômés d'écoles d'ingénieurs (Jean-Luc Delpeuch à Hésam et Gilles Bloch à Paris-Saclay) et un chercheur du CNRS (Jean-Marc Gambaudo à Nice).

Des présidents pas forcément issus du sérail local

À la différence des présidents d'université cependant, les présidents de Comue n'ont pas tous de lien direct avec une école ou une université de la Comue. Un sur cinq n'a jamais exercé de fonctions dans un des établissements membres du regroupement. Près de la moitié ont été présidents ou directeurs et 35 % ont exercé des postes à la direction ou en tant que vice-président.

Des présidents aux carrières variées

Cette tendance est claire à Paris et en région Île-de-France : Jean-Yves Mérindol – qui quittera ses fonctions à Sorbonne-Paris-Cité le 14 septembre – Thierry Coulhon, à PSL (Paris Sciences et Lettres), ou encore Gilles Bloch, à Saclay, n'ont pas dirigé des établissements de leur Comue.

Une trajectoire totalement assumée par Thierry Tuot, conseiller d'État et président de Sorbonne Universités. "Je n'ai jamais eu aucune fonction dans un des établissements, l'on ne pouvait pas m'accuser de rouler pour quelqu'un", avance le président élu à la tête du Pres en septembre 2013.

Son CV est impressionnant. Diplômé de Sciences Po et de l'ENA, le haut fonctionnaire, spécialiste reconnu de l'immigration, a également donné des cours dans plusieurs universités et grandes écoles. Pourquoi alors prendre la présidence d'une Comue ?  Thierry Tuot a surtout à son actif l'expérience de la fusion d'établissements avec la création de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire). Et son objectif à Sorbonne Universités est clair : la fusion des universités Paris 4 et Paris 6.

Thierry Tuot se voit ainsi dans une fonction de transition. "Mon rôle est d'entraîner et de supprimer les tensions et les frictions pouvant exister. Je resterai aussi longtemps que ma présence sera plus utile que mon absence... Mon succès sera donc mon départ, insiste-t-il. Même si j'espère qu'on me laissera un petit poste sur un strapontin dans un comité d'orientation."

Des présidents très politiques

En région, en revanche, les présidents ont tous exercé des fonctions dans un des établissements de la Comue. À l'image de Loïc Vaillant, pur produit du milieu universitaire de la région Centre. Après des études de médecine à Paris 6, il devient chef de clinique des universités de Tours, puis professeur avant d'assumer des responsabilités plus politiques en tant que vice-président. Le docteur en dermatologie assume également deux mandats à la tête de l'université de Tours.

Alors qu'il dirige le Pres depuis 2008, le président poursuit la construction de l'ensemble, avec la création de la Comue début 2016. "Cette fonction s'inscrit dans la continuité de ce que l'on fait dans les universités. Les compétences nécessaires sont très semblables, dans les deux cas, il faut être très politique. Mais le président de Comue est moins un gestionnaire, moins dans une stratégie financière, et davantage dans le montage de grands projets collaboratifs. À mi-chemin entre un président d'université 'classique' et un directeur d'une grosse unité de recherche. Quelque part, c'est une façon de revenir à la science !" s'amuse-t-il.

Des hommes et une femme

Un avis partagé par Anne-Sophie Barthez, présidente de la discrète Comue Paris-Seine, qui regroupe l'université de Cergy, l'Essec et plusieurs écoles d'ingénieurs. "Je n'ai que les belles questions qui se posent, je ne m'occupe que des axes ultra-stratégiques, les projets très transformants", s'enthousiasme-t-elle.

Doyenne de la fac de droit, vice-présidente du conseil d'administration, puis vice-présidente "très politique", en charge du développement stratégique, Anne-Sophie Barthez a effectué toute sa carrière à l'université de Cergy-Pontoise. Pourtant, la présidente de Paris-Seine s'est engagée dans la Comue un peu par hasard. "En octobre 2012, les deux présidentes Françoise Moulin-Civil et Sylvie Faucheux ont été nommées rectrices et l'UVSQ a annoncé son départ du Pres... Cette configuration un peu catastrophique m'a amusée, j'y suis allée !"

infographie présidents de Comues / âge moyen

La professeure de droit privé est la seule femme présidente d'une Comue sur les 21 existantes. À 44 ans, elle est aussi une des plus jeunes. Comme pour les présidents d'université, la moyenne d'âge s'établit à 55 ans. En revanche, on note une proportion plus forte de profils de moins de 50 ans que chez les présidents d'université : si un quart d'entre eux ont plus de 60 ans, ils sont 30 % à se situer dans la tranche 41-50 ans. Un gage d'avenir pour ces superstructures ?

Les biographies des présidents

- Jean-Yves Mérindol, Sorbonne-Paris-Cité, 61 ans, réélu le 8 avril 2015
- Thierry Tuot, Sorbonne Universités, 55 ans, élu le 6 septembre 2013
- Thierry Coulhon, Paris Sciences et Lettres, 58 ans, élu le 10 septembre 2015
- Jean-Luc Delpeuch, Hésam, 57 ans, élu le 2 février 2016
- Philippe Tchamitchian, Paris-Est, 59 ans, élu le 2 mai 2016
- Anne-Sophie Barthez, Paris-Seine, 44 ans, élue le 14 septembre 2015 (présidente du Pres depuis 2012)
- Alain Rivière, Institut polytechnique du Grand Paris, 59 ans, élu en avril 2012
- Gilles Bloch, Paris-Saclay, 55 ans, élu le 10 juin 2015
- Pierre-André Jouvet, Paris-Lumières, 50 ans, élu le 28 septembre 2015
- Lamri Adoui, Normandie Université, 47 ans, élu le 8 juillet 2015
- Pascal Olivard, Université Bretagne-Loire, 50 ans, élu le 25 avril 2016 (président du Pres depuis 2012)
- Patrick Lévy, Université de Grenoble-Alpes, 62 ans, élu le 21 décembre 2015
- Emmanuel Roux, Languedoc-Roussillon Universités, 43 ans, administrateur provisoire depuis le 13 juillet 2015
- Khaled Bouabdallah, Université de Lyon, 54 ans, élu le 10 juillet 2015 (président du Pres depuis 2013)
- Jean-Marc Gambaudo, Université de Côte d'Azur, 59 ans, élu le 28 septembre 2015
- Nicolas Chaillet, Université Bourgogne-Franche-Comté, 49 ans, élu en avril 2016
- Vincent Hoffmann-Martinot, Comue d'Aquitaine, 58 ans, élu le 9 décembre 2015
- Jacques Meyer, Université de Champagne, 66 ans, élu le 14 mars 2016
- Philippe Raimbault, Université fédérale de Toulouse-Midi-Pyrénées, 44 ans, élu le 1er juillet 2016
- Loïc Vaillant, Université confédérale Léonard-de-Vinci, 61 ans, élu le 7 avril 2016 (président du Pres depuis 2008)
- Mohamed Ourak, Lille-Nord-de-France, 63 ans, élu le 1er février 2016
Morgane Taquet | Publié le