Relations avec les entreprises : comment mobiliser les enseignants

Jean Chabod-Serieis Publié le
Ils sont souvent les mieux placés pour faire le lien entre étudiants et futurs recruteurs. Cependant, un certain nombre d’enseignants – notamment à l’université – rechigneraient encore à "faire entrer le loup" dans leurs formations. Des initiatives peuvent pourtant faciliter le dialogue.

"On rêve que les enseignants s'impliquent davantage, c'est ce qui fonctionne le mieux." La supplique est signée Emmanuelle Born, chargée d'insertion professionnelle au service stage-emploi de l'université de Franche-Comté (17.000 étudiants, Doubs). "Les informations sur l'entreprise que reçoivent les étudiants sont émises par les services centraux, elles sont donc peu personnalisées. Or, un étudiant ne se sent concerné que par sa formation, qui est incarnée par l'enseignant ; si l'enseignant ne s'implique pas, l'étudiant ne ressent pas d'appartenance à son cursus ou à l'université."
C'est la grande difficulté des universités et de certaines écoles en France : mobiliser non pas la direction – déjà convaincue – mais les enseignants dans leurs relations avec le monde économique, un peu comme savent le faire les universités américaines où les professors sont les véritables VRP de leur établissement.

Une étude parue en avril 2012 et menée par l'IMS-Entreprendre pour la cité – une fondation regroupant 230 entreprises "engagées dans des démarches de responsabilité sociétale" – s'est intéressée de près à ce sujet. Elle révèle notamment que les enseignants-chercheurs (31,1%) et les responsables d'UFR (29,7%) font partie des principaux points d'entrée cités par les entreprises (après le service relations entreprises à 73%). Le service dédié à l'insertion professionnelle (BAIP ou SUIO) n'arrive qu'en quatrième position (21,6%).
Les enseignants sont donc bien identifiés comme des interlocuteurs de choix par les entreprises. Logique quand on sait qu'ils sont plus proches du terrain que les services d'orientation et d'insertion professionnelle mais aussi mieux placés pour passer l'information auprès des étudiants, valoriser la recherche en direction des entreprises et orienter les recruteurs vers les étudiants et les doctorants.

Le problème, c'est que 85,7% des universités déclarent "avoir des difficultés à convaincre en interne". Autrement dit les enseignants. Ce qui, conclut l'étude, "représente un frein pour le développement de partenariats". "Malgré toutes les initiatives mises en œuvre, y explique une responsable de chez Danone, la proportion de recrutement des étudiants issus de l'université n'évolue pas assez rapidement."

Le clou est enfoncé par un rapport du Sénat remis en mars 2013, qui dresse un bilan de l'autonomie des universités depuis la loi LRU. Après avoir confirmé que "la connaissance des milieux professionnels et l'orientation relèvent plus de l'inter­vention des enseignants qui, pourtant, sont moins bien formés", les rapporteurs – Dominique Gillot (PS) et Ambroise Dupont (UMP) – ajoutent que "peu d'enseignants-chercheurs ont pris pleinement conscience du fait que les étudiants ont pour objectif ­prioritaire d'obtenir un emploi" alors que la loi du 26 janvier 1984 prévoyait déjà que les enseignements supérieurs seraient organisés en liaison avec les milieux professionnels.

Pour les rapporteurs, la mission est encore mal cernée – voire pas du tout reconnue – par le personnel enseignant. Certains établissements "pensent encore vivre dans un âge d'or de l'uni­versité, où l'orientation et l'insertion professionnelle sont loin de faire partie de l'état d'esprit de la communauté éducative".


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