Salaire, sens au travail… qu’attendent les jeunes diplômés des entreprises ?

Etienne Gless Publié le
Salaire, sens au travail… qu’attendent les jeunes diplômés des entreprises ?
En 2022, la rémunération est le premier critère de choix d'un employeur pour les étudiants et jeunes diplômés, selon un sondage Toluna Harris interactive auprès de plus de 10.000 étudiants et jeunes diplômés pour l’Etudiant et Epoka. // ©  Standret/Adobe stock
Pour attirer étudiants et jeunes diplômés de grandes écoles et universités, les entreprises doivent proposer des rémunérations attractives, un cadre de travail agréable et des missions utiles, en phase avec les grands enjeux du moment. C’est l’enseignement principal du sondage Toluna Harris interactive auprès de plus de 10.000 étudiants et jeunes diplômés pour l’Etudiant et Epoka, source du classement 2022-2023 des entreprises préférées des étudiants et jeunes diplômés.

En 2022, être bien payé est devenu le critère d’attractivité numéro 1 des étudiants et jeunes diplômés de grandes écoles pour travailler dans une entreprise. "Le salaire est pour la première fois en dix ans d’étude de loin le premier critère de choix d’une entreprise, constate Alain Damond, directeur associé chargé de la marque employeur chez l'agence Epoka. Le sens arrive en deuxième position et la RSE [responsabilité sociale des entreprises] loin derrière…"

La rémunération, premier critère de choix d'un employeur chez les jeunes

Et de fait, 83% des étudiants et jeunes diplômés de grandes écoles et universités interrogés par Toluna Harris interactive placent la rémunération et les avantages sociaux comme leur premier critère de choix d'une entreprise. Avant même l’intérêt du travail et des projets proposés (73%).

En 2021, ces deux critères étaient à égalité. "Lors d’une embauche la rémunération reste le premier sujet de préoccupation et c’est bien normal en période d'inflation, estime aussi Benoît Serre, DRH du groupe L'Oréal et vice-président de l’Association nationale des DRH (ANDRH). J’ai beaucoup entendu que ce serait le sens, l’engagement environnemental… Ces préoccupations sont vraies mais elles arrivent après."

Lors d'une embauche la rémunération reste le premier sujet de préoccupation et c’est bien normal en période d'inflation. (B. Serre, L'Oréal)

Deux éléments de conjoncture peuvent expliquer cette importance accrue donnée à la rémunération : le plein emploi sur le marché cadres et l'inflation. Sûrs de leur valeur, les jeunes diplômés de grandes écoles de commerce comme d’ingénieurs comptent bien monnayer cher leurs connaissances et compétences.

"Nous avons besoin de davantage de jeunes formés à bac+5 et l’appareil de formation a du mal à suivre, pointe de son côté Laurent Giovachini, directeur général adjoint de Sopra-Steria et président de la fédération Syntec. Rien que dans la filière numérique, nous pourrions embaucher 10.000 ingénieurs de plus par an."

Fait écho à une hausse réelle des salaires des jeunes diplômés à bac+5

Et la hausse des salaires des jeunes diplômés à bac+5 a déjà démarré. "Les rémunérations ont beaucoup augmenté sur certaines fonctions chez les débutants en sortie d’école, constate ainsi Lamia Dacquet, consultante au cabinet de recrutement Page Personnel. Pour un contrôleur de gestion débutant, le salaire annuel tournait autour de 35.000 à 40.000 euros brut annuel avant le Covid-19 ; en sortie de la crise sanitaire, on tourne plutôt autour de 40.000 à 45.000 euros. Un chef de chantier, un conducteur de travaux qui était rémunéré 30.000 à 35.000 euros sera désormais recruté entre 38 et 40.000 euros."

Deuxième facteur expliquant le retour de la préoccupation salariale au premier plan, l’inflation annuelle à deux chiffres. "Les jeunes se montrent très inquiets par rapport à une inflation galopante. C’est quelque chose d'inédit pour eux et que nous n’avons pas connu depuis quarante ans", constate Bruno Pavie, directeur des ressources humaines du groupe de BTP NGE.

Un bon salaire doit être couplé à de bonnes conditions de travail

Mais le sondage met aussi en lien la rémunération et de bonnes conditions de travail. Dans l'esprit des étudiants et jeunes diplômés d'universités et de grandes écoles, un emploi de qualité offre un bon salaire et de bonnes conditions de travail. Ces deux critères sont essentiels pour 60% des sondés.

Par ailleurs, depuis la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, les jeunes interrogés donnent plus d'importance à deux critères d’attractivité. Les conditions de travail et la flexibilité des horaires et de l'organisation du travail sont importantes pour respectivement 68% des jeunes interrogés. La possibilité de télétravailler — au moins deux jours par semaine — est un "plus" pour 51% des étudiants et jeunes diplômés. Le télétravail est un critère essentiel de choix d'une entreprise pour 40% des jeunes diplômés d'école de commerce contre 35% de ceux de l'université et 30% des jeunes ingénieurs.

En matière d'organisation du travail, les jeunes diplômés réclament de la flexibilité. (B. Pavie, BTP NGE)

Et plus de 70% des étudiants et jeunes diplômés sondés aimeraient d'ailleurs voir figurer dans les offres d'emploi la politique des entreprises en matière de télétravail. "Quant à l'organisation du travail, les jeunes diplômés réclament de la flexibilité, décrypte Bruno Pavie. Ils nous questionnent sur les possibilités de télétravail. Ils veulent savoir s’ils devront travailler dans un open space, un bureau partagé ou un bureau individuel. Ce sont des questions que l’on n’avait pas en entretien il y a trois ans avant le premier confinement."


Classement 2022-2023 des entreprises préférées des étudiants et jeunes diplômés

Le classement 2022-2023 des entreprises considérées comme de bons employeurs par les étudiants et jeunes diplômés montre un rebond des secteurs industriel et de l'aéronautique. Ce que confirme Mathieu Gabai, président d'Epoka, pour qui "l’industrie et l’aéronautique plus spécifiquement sont les grands gagnants cette année".

Sur les 30 entreprises qui ont le plus gagné en attractivité depuis un an, sept appartiennent au monde industriel, dont Airbus groupe, Ariane, Alstorm ou encore Arcelor Mittal.

À l'inverse, "l’audit et l’agroalimentaire perdent beaucoup de places et retrouvent leur position d’avant la crise sanitaire", note le président d'Epoka. Parmi les 30 entreprises qui perdent en attractivité, 11 viennent de l'agro-alimentaire — dont Danone, Nestlé et Unilever. L'audit et le conseil séduisent aussi moins les jeunes.

Retrouvez tout le détail du classement et les entreprises préférées des étudiants et jeunes diplômés comme employeurs

Des jeunes diplômés en quête de sens

Au-delà de ces aspirations, 61% des jeunes diplômés interrogés sont aussi en quête de sens dans leur métier, du sens pour eux-mêmes mais aussi pour la société. Le critère du sens figure en deuxième position pour les élèves et jeunes diplômés d'école d'ingénieurs, en quatrième place pour les diplômés d'université et en cinquième pour les futurs et jeunes managers.

"Les jeunes diplômés sont plus nombreux à nous interroger sur nos engagements et veulent avoir un impact positif sur la société à travers leur travail, analyse Maylis Danné, directrice talents et engagement chez Nestlé France. In fine, ils souhaitent rejoindre des entreprises dont la raison d’être est en phase avec leurs valeurs."

Constat partagé par Laurent Giovachini : "Les entreprises doivent proposer aux étudiants et jeunes diplômés, non seulement des rémunérations attractives et un cadre de travail agréable, mais des missions qui ont du sens par rapport aux grands enjeux actuels : la transition écologique, la réindustrialisation, la souveraineté française et européenne", assure le président de la fédération Syntec.

La RSE, un critère qui prend de l'ampleur

Les questions de transition écologique et de décarbonation de l'économie deviennent plus importantes pour les diplômés. La RSE (responsabilité sociale des entreprises) est le critère qui a le plus progressé dans le sondage mené par Toluna Harris interactive. Même s'il ne figure pas dans le Top 5 des critères d'attractivité, la tendance est bien là. "Dans les prochains mois, les dirigeants d’entreprises vont devoir mieux appréhender les aspirations environnementales des jeunes diplômés", prévient ainsi Isabelle Bastide, présidente du cabinet de recrutement Page Group France.

Selon elle, ces aspirations s'expriment à "deux niveaux". Les jeunes diplômés souhaitent rejoindre une entreprise engagée dans la transition et ils s'intéressent aussi aux nouveaux métiers liés à la transition écologique. Cette tendance est plus forte pour les étudiants et diplômés d'écoles d'ingénieurs, dont 58% estiment que le critère de la RSE est important. "La RSE tient une place importante chez les jeunes diplômés", relève ainsi Maylis Danné.

La place première accordée cette année à la rémunération reflète aussi cette quête d'un emploi de qualité, d'un métier utile et qui a du sens. Dans une étude parue en 2022 sur les critères d'un bon job, l'institut Aspen en mentionne trois : un "good job" est celui qui offre tout à la fois un bon salaire, la possibilité de gagner en compétence et d'évoluer et un management respectueux qui encourage la prise de parole. Tout le contraire des "bullshits jobs" sans intérêt pour soi et la collectivité mais bien rémunérés !

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