Sélection à l'entrée de l'université : comment ça se passe chez nos voisins européens ?

Aurore Abdoul-Maninroudine Publié le
Sélection à l'entrée de l'université : comment ça se passe chez nos voisins européens ?
Notes du bac, épreuves facultatives, entretien... Chacun de nos voisins européens a mis en place son système pour sélectionner les étudiants à l'entrée de l'université. // ©  plainpicture/Stephen Shepherd
En Allemagne, en Espagne, en Italie ou au Royaume-Uni, la liberté de sélectionner est la norme. Quels systèmes les pays voisins de la France ont-ils mis en place pour gérer l'accès à l'enseignement supérieur ? Tour d'horizon.

Alors que la France s'interroge sur les modalités d'accès à l'enseignement supérieur, en vue d'une réforme qui passera par une nouvelle plate-forme APB, nos voisins européens ont résolu la question depuis longtemps… souvent par une sélection, plus ou moins forte selon les systèmes.

Au Royaume-Uni, une plate-forme de type APB

Au Royaume-Uni, les universités sont libres de choisir leurs étudiants dès le niveau "undergraduate", l'équivalent de la licence. Cette sélection se fait à partir du dossier scolaire, mais également d'une lettre de motivation, ou "personal statement", d'une lettre de recommandation d'un enseignant ou d'un tuteur et parfois même d'un entretien pour certaines universités.

Les candidatures sont centralisées sur une plate-forme de type APB appelée UCAS (Universities and Colleges Admissions Service), à partir de laquelle les étudiants peuvent postuler pour cinq universités au plus. S'agissant du premier cycle, les frais de scolarité sont par ailleurs plafonnés à… 12.000 euros !

En Allemagne, une sélection en amont de l'enseignement supérieur

En Allemagne, à l'exception des études de médecine dont l'accès est géré par un organisme national, les universités sont libres d'instaurer, pour chaque filière, une sélection à l'entrée de la première année. De fait, "en raison d'un afflux d'étudiants au cours des dernières années, l'accès à l'enseignement supérieur est de plus en plus sélectif et l'obtention de l''Abitur', l'équivalent du baccalauréat, ne suffit plus dans bien des cas", assure Kilian Quenstedt, responsable du service d'information du DAAD, l'organe de représentation de l'enseignement supérieur allemand en France.

Quand elles sélectionnent, les universités allemandes le font à partir d'un critère simple : "la moyenne générale obtenue à l'Abitur", précise-t-il. Si un établissement propose 200 places en droit, il prendra ainsi les 200 meilleurs dossiers et la note obtenue par le dernier candidat admis sera publiée à titre d'information pour les futurs bacheliers. Cette note est appelée en Allemagne le "numerus clausus".

En raison d'un afflux d'étudiants au cours des dernières années, l'accès à l'enseignement supérieur est de plus en plus sélectif et l'obtention de l'Abitur ne suffit plus dans bien des cas.
(K. Quenstedt)

Les universités ne regardent pas, en revanche, le profil du bachelier : "Contrairement à la France, où existent les filières L, S ou ES, nous avons un seul bac en Allemagne, explique le responsable du service d'information. Au cours des deux dernières années du lycée, les jeunes Allemands peuvent ainsi choisir deux matières à approfondir mais cela ne préjuge en rien de leurs études supérieures." Un lycéen ayant opté pour les mathématiques comme spécialité au lycée pourra donc s'inscrire en lettres à l'université ou l'inverse ; seule sa moyenne générale aura un impact au moment des inscriptions.

"Le système peut fonctionner ainsi car seuls 55 % d'une génération obtiennent l'Abitur en Allemagne à l'issue du 'Gymnasium' [l'équivalent du lycée]", contre 80 % en France, relève Kilian Quenstedt. Les jeunes suivant des formations plus pratiques au sein des "Hautpschule" ou "Realschule" ne peuvent pas s'inscrire à l'université et n'ont accès qu'à des formations professionnelles, souvent en trois ans et en alternance. En Allemagne, la principale sélection se fait, en réalité, bien en amont de l'enseignement supérieur.

En Espagne, une note globale et des épreuves de moins en moins facultatives

En Espagne également, la sélection est de mise à l'entrée de l'enseignement supérieur, pour les universités publiques comme privées. Dans le public, elle s'opère via une note globale calculée à partir des scores obtenus au baccalauréat, d'une part, et à la "selectividad" (l'évaluation pour l'accès à l'université), d'autre part. Pour s'inscrire à l'université, les étudiants doivent obtenir, au total, au moins 5 sur 10.

Mais ce n'est pas tout ! À l'entrée de certaines filières très attractives, comme la médecine, l'odontologie ou encore l'ingénierie, ont été mises en place "des épreuves facultatives de compétences spécifiques", qui permettent aux étudiants de gagner des points supplémentaires et donc d'améliorer leur note globale, détaille le service Éducation de l'ambassade d'Espagne en France.

À la rentrée 2017, à l'université de Madrid, la note minimale à l'entrée des études de médecine était de 12 sur 10.

Malgré leur nom, ces épreuves sont en réalité loin d'être facultatives puisque dans les cursus les plus demandés la note minimale d'admission est supérieure à 10 sur 10. Autrement dit, tous les étudiants admis ont passé les épreuves facultatives et obtenu des points supplémentaires. À la rentrée 2017, à l'université de Madrid, la note minimale à l'entrée des études de médecine était ainsi de 12 sur 10. Ces épreuves sont par ailleurs conçues pour chaque filière à l'échelle des communautés autonomes, l'équivalent des régions françaises.

Pour les universités privées, s'ajoute souvent un entretien oral. Les droits d'inscription oscillent entre 5.000 et 10.000 euros par année universitaire dans le privé, contre 900 à 2.000 euros dans le public.

En Italie, une sélection plus lâche


En Italie enfin, si les universités sont également libres de sélectionner, l'obtention de l'équivalent du baccalauréat permet d'accéder à un grand nombre de filières. Un numerus clausus existe toutefois pour certaines, principalement dans les études médicales (médecine, odontologie, chirurgie, études vétérinaires), mais également en architecture. L'admission dans ces cursus est subordonnée à un concours national.

Dans d'autres formations encore, le nombre de places disponibles est limité et l'inscription conditionnée à la réussite d'un examen d'entrée ou d'un test d'aptitude élaboré par l'université. C'est le cas, par exemple, pour les cursus artistiques ou certaines "spécialités" propres à chaque université.

Autant d'exemples qui, tout en donnant une idée de ce qui se fait ailleurs, ne préjugent en rien des futures modalités d'accès aux universités françaises. Nul doute que les acteurs de la concertation en cours sauront faire preuve d'imagination pour créer une voie encore différente et s'adapter aux spécificités du système français.

Quel est le pourcentage de diplômés de l'enseignement supérieur dans les pays étudiés ?

D'après l'objectif fixé par l'Union européenne à l'horizon 2020, la proportion des personnes âgées de 30 à 34 ans diplômées de l'enseignement supérieur et résidant dans les différents pays devrait être d'au moins 40 %.

Selon les chiffres publiés en 2016 par l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), il est en réalité de :
- 24 % en Italie ;
- 31 % en Allemagne ;
- 42 % en Espagne ;
- 44 % en France ;
- 48 % au Royaume-Uni.

Ces chiffres "ne reflète[nt] pas toujours la performance" des systèmes éducatifs nationaux, précise néanmoins l'OCDE, puisque "le 'brain gain/drain' [le gain ou la fuite de cerveaux] influence ce taux à la hausse ou à la baisse, selon que le pays accueille l'individu déjà formé ou bien le forme et le voit émigrer". Par ailleurs, le faible taux observé en Allemagne s'explique par la forte attractivité des formations professionnelles.

Aurore Abdoul-Maninroudine | Publié le