Sigem 2016 : Les écoles de commerce à l’épreuve des choix des élèves de prépa

Baptiste Legout Publié le
Sigem 2016 : Les écoles de commerce à l’épreuve des choix des élèves de prépa
En 2015, l'ESC Rennes a connu une belle progression en termes d'attractivité. // ©  Etienne Gless
Remplir ou augmenter le niveau. Tel est le dilemme des écoles de commerce au moment des concours d’entrée pour les élèves de prépa. Sur la base des résultats 2015 au système d’affectation Sigem, EducPros analyse les enjeux de la session 2016 pour les écoles, selon leur place dans la hiérarchie.

HEC, Essec, ESCP Europe, EM Lyon, Edhec... Le positionnement des cinq écoles préférées des préparationnaires semble gravé dans le marbre depuis des années. Une tendance bien partie pour durer : en 2015, HEC a remporté 99% de ses duels avec l'Essec, qui a remporté 93% des siens avec l'ESCP Europe. Cela signifie que, pour 100 étudiants admis à la fois à HEC et à l'Essec et ayant fait le choix d'intégrer l'une ou l'autre, 99 ont préféré la première.

Résultats Sigem 2015

Cette hiérarchie figée s'explique principalement par la très forte réputation de ces formations ainsi que par les "palmarès" des classes prépas, évaluant ces dernières sur les capacités à placer leurs élèves dans les "meilleures" business schools.

Mais ces nets écarts ne se retrouvent que dans le peloton de tête. D'autres établissements voient leur cote évoluer avec le temps. Alors qu'en 2011, Audencia (6e du Sigem) gagnait 93% de ses duels face à Grenoble École de management (GEM), par exemple, ce taux est tombé à 65% seulement en 2015.

Élitisme vs taille critique

Les écoles mettent alors en place des stratégies. Intimement liés, la barre d'admissibilité et le nombre de places s'influencent mutuellement. Plus une école veut se montrer sélective, plus sa barre sera élevée, au risque de ne pas remplir. Augmenter son nombre de places impose donc de ne pas être trop élitiste.

C'est le choix qu'a fait GEM cette année, en augmentant sa capacité d'accueil de 25 places, dans le but de se rapprocher de la taille critique. "À l'avenir, les écoles de première division seront celles affichant entre 8.000 et 10.000 étudiants, tous programmes confondus. Recruter plus d'étudiants de prépa année après année nous permet de continuer à nous développer", précise Jean-François Fiorina, son directeur adjoint.

Skema et Rennes font bouger les lignes

Influencés par les palmarès, les accréditations, les fusions et les dynamiques, les candidats de 2015 n'ont pas toujours fait les mêmes choix que leurs homologues en 2011. En termes de progression, deux établissements sortent du lot : Skema et l'ESC Rennes.

Alors qu'il y a cinq ans, elle peinait à concurrencer les ESC ayant donné naissance à Kedge (Bordeaux École de Management et Euromed Marseille) et Néoma (Reims Management School et Rouen Business School), en 2015, Skema a remporté 77% de ses duels face à la première et elle talonne la seconde.

Pour Patrice Houdayer, son directeur des programmes, l'explication est à mettre sur le compte du positionnement pédagogique choisi avec ses équipes : "Grâce à nos campus en Europe, aux États-Unis, au Brésil et en Asie, nous donnons la possibilité à nos étudiants de choisir, semestre par semestre, l'endroit du monde où ils étudieront. C'est quelque chose d'important pour eux."

Même dynamique pour l'ESC Rennes. Distancée par Télécom EM, l'ESC Montpellier et l'EM Strasbourg en 2013, l'école bretonne a gagné ses duels face à ces trois établissements en 2015, souvent avec une marge confortable.

Si l'obtention de l'accréditation Equis en 2014 a joué positivement – elle est très regardée par les élèves de prépa –, elle n'est pas le seul élément expliquant cette forte progression. Olivier Aptel, directeur général de l'ESC Rennes, rappelle : "Nous avons fortement investi dans la recherche et proposons une offre différenciante avec 86% de professeurs non français."

L'ESC Rennes de 2016 n'a rien à voir avec l'ESC Rennes de 2010. (O. Aptel)


Le positionnement géographique compte aussi. "Ce n'est pas une punition pour un étudiant que de venir à Rennes", observe Olivier Aptel. "C'est plus difficile quand votre école est située dans un territoire un peu moins sexy."

Pour ces deux business schools, les résultats de la session 2016 seront scrutés à la loupe. Pour Skema, l'objectif est surtout de stabiliser le niveau, quitte à ne pas augmenter la barre d'admissibilité. "En 2015, nous avons eu la même posture de sélectivité qu'en 2014, en fonction du profil de nos candidats et de leurs résultats", souligne Patrice Houdayer.

Du côté de Rennes, Olivier Aptel exprime son souhait d'attirer plus d'étudiants, sans pour autant avoir les yeux plus gros que le ventre : "Selon les années, nous ouvrons entre 10 et 50 places supplémentaires. Il n'y a pas de raison que notre progression ne se poursuive pas, même si nous sommes tributaires d'une vision très décalée dans le temps de la part des prescripteurs, notamment des professeurs de prépa. L'ESC Rennes de 2016 n'a rien à voir avec l'ESC Rennes de 2010."

Le risque de ne pas remplir

À partir du milieu de tableau, les écarts et la hiérarchie sont bien plus volatiles. Si certaines formations s'en tirent bien, toutes n'arrivent pas à remplir leurs promotions, malgré l'augmentation constante du nombre de candidats. (10.434 candidats en 2016, contre 10.299 candidats en 2015).

En cause, notamment, l'augmentation globale du nombre de places (7.725 places en 2016, contre 7.580 en 2015), dictée principalement par les grosses écuries. Cette année, l'EM Lyon, Audencia et Grenoble EM se proposent d'accueillir respectivement 50, 40 et 30 étudiants de plus qu'en 2015.

L'ESC La Rochelle a ainsi ajusté son nombre de places à la baisse (105 contre 110 places l'année précédente). Un choix qui ne l'empêche pas de consolider par ailleurs sa barre d'admissibilité. Directeur du développement de l'école, Maxime Gambini nous l'affirme : "Nous préférons améliorer notre sélectivité, au risque de ne pas remplir complètement. Avec notre bon recrutement en AST (admissions sur titre) et notre large portefeuille de programmes, nous ne sommes pas exclusivement dépendants des prépas."

Aujourd'hui, l'enjeu, c'est le taux d'évaporation. Les prépas subissent la concurrence des formations étrangères, des filières universitaires et des écoles postbac recrutant en admission sur titres (P. Houdayer)

Une évolution des comportements

Reste que le danger de se retrouver à la rentrée avec des promotions réduites est bien présent. Pour Patrice Houdayer, plus que le grand nombre de places proposées (inférieur au nombre de candidats), c'est l'évolution des comportements des étudiants qui représente un risque : "Aujourd'hui, l'enjeu, c'est le taux d'évaporation, dû aux choix des candidats ne pas rejoindre une école alors qu'ils y ont été admis. Les prépas subissent la concurrence des formations étrangères, des filières universitaires et des écoles postbac recrutant en AST (admission sur titres)."

Un avis partagé par Jean-François Fiorina : "La hausse du nombre d'étudiants choisissant de cuber pour obtenir une meilleure école couplée à l'obligation d'une double inscription des élèves de prépas à l'université risquent d'accélérer les difficultés de remplissage pour un grand nombre d'ESC." Résultats des courses en juillet.

Classement Sigem, mode d'emploi
Tous les ans, le système d'affection Sigem publie ses statistiques sur le choix des élèves de prépas candidats aux banques d'épreuves de la BCE (Banque commune d'épreuves) et d'Ecricome.
En résulte un palmarès basé sur le nombre de "duels" gagnés et perdus par les écoles. Une formation est désignée gagnante quand elle remporte plus de 50% des co-admis aux deux écoles ayant fait le choix d'en intégrer l'une ou l'autre (sont exclus des duels entre deux écoles les co-admis ayant fait le choix d'en intégrer une troisième). Quand HEC remporte 99% de ses duels face à l'ESSEC, il faut comprendre que 99% des co-admis à HEC et à l'Essec ayant fait le choix d'intégrer l'une ou l'autre ont choisi HEC.

Baptiste Legout | Publié le