Les sportifs de haut niveau, des étudiants en or

Assia Hamdi Publié le
Les sportifs de haut niveau, des étudiants en or
A Rio, 400 sportifs représenteront la France lors des Jeux Olympiques, du 5 au 21 août 2016. // ©  Marta Nasciment - REA
Si accueillir des sportifs de haut niveau exige souplesse et adaptabilité de la part des écoles et universités, ces derniers s’y retrouvent, notamment en termes de visibilité. Retour sur ces échanges gagnant-gagnant, à l’occasion des Jeux olympiques d’été, qui se dérouleront à Rio du 5 au 21 août 2016.

Cet été, près de 400 sportifs français vont être au centre de toutes les attentions. Ils représenteront la France aux Jeux olympiques de Rio, dans une délégation nationale la plus fournie de son histoire. Parmi ces athlètes candidats à l'or olympique, certains sont étudiants. 26 % des sportifs de haut niveau (SHN) sont inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur, selon une enquête réalisée par les fédérations sportives.

Pour les établissements, accueillir ce public particulier revient à effectuer un exercice de haute voltige : il faut suivre et accompagner les étudiants, les aider à concilier cours et entraînements... Si cela exige une organisation carrée et des moyens humains conséquents, certains écoles et universités ont tout de même fait de l'accueil des SHN un véritable axe stratégique.

Car la visibilité médiatique offerte à l'établissement, tout comme les retombées en termes de partenariats, transforment l'investissement consenti en véritable retour gagnant.

L'Insa Lyon fait figure de pionnière et forme aujourd'hui 175 sportifs. Dès la fin des années 1970, les enseignants de l'école d'ingénieurs ont proposé au directeur de l'établissement de créer une section sport-études. "Tout de suite, le projet a suscité un grand enthousiasme, raconte Michel Bouvard, directeur de la section sport de haut niveau de l'école. Depuis, une douzaine de personnes sont chargées de l'encadrement des étudiants-sportifs, auxquelles s'ajoutent une vingtaine d'élèves du cycle ingénieur, qui proposent du tutorat, et les enseignants, qui donnent des cours de soutien.

un accompagnement qui attire les meilleurs profils

Pour anticiper les échéances sportives et organiser au mieux les emplois du temps des sportifs, les équipes pédagogiques doivent redoubler d'efforts. Certains établissements font le choix d'un accompagnement personnalisé au sein du cursus classique. D'autres, à l'image de Paris-Dauphine, créent des parcours dédiés.

Chaque année, l'université accueille une trentaine de sportifs et artistes dans le cadre de sa formation de premier cycle appelée Talents. Dans ce cursus aménagé, les athlètes et artistes suivent le même programme de cours, à l'exception des options qui valorisent leur choix sportif ou artistique. "Ces étudiants sont appréciés des enseignants, constate Paul Deshays, responsable du programme. Ils ont une maturité, une rigueur et une responsabilité différentes de celles de l'étudiant lambda. Les enseignants trouvent ces élèves géniaux !"

EMLV - Sportifs de haut niveau

Revers – positif – de la médaille, ces accompagnements personnalisés attirent les sportifs et permettent aux écoles de renforcer leur sélectivité. "L'encadrement offert aux SHN attire, dans des disciplines variées, des étudiants au niveau académique de plus en plus élevé", observe Emmanuelle Zanders, responsable du suivi des sportifs de haut niveau au sein de Grenoble INP. L'établissement, qui regroupe six écoles d'ingénieurs, recrute d'abord les sportifs en fonction de leur niveau scolaire, puis les départage en analysant leur niveau sportif.

Certains établissements font le choix d'un accompagnement personnalisé au sein du cursus classique. D'autres créent des parcours dédiés.

à chaque médaille, coup de projecteur sur l'établissement

En mettant en valeur leurs étudiants sportifs, les écoles cherchent aussi à faire leur autopromotion. Chaque année, au mois de juin, Grenoble INP récompense ses étudiants-athlètes sur leurs résultats universitaires et sportifs. "Ce sont des ambassadeurs de l'établissement. Lorsqu'ils se distinguent ou réalisent de bons résultats sportifs ou scolaires, cela profite à notre école", justifie Emmanuelle Zanders.

À Dauphine, le champion de kickboxing Cyril Benzaquen, étudiant en master 2 et passé par le parcours Dauphine Talents, a organisé en novembre 2015 le Dauphine Boxing Tour. Dans le grand amphithéâtre de l'établissement, transformé en arène de boxe pour l'occasion, il a décroché son titre de champion du monde devant 1.500 personnes. "Ce sont des moments particuliers, se félicite Paul Deshays. Le grand amphi de Dauphine a l'habitude de recevoir beaucoup de monde pour des cours ou des conférences mais c'était la première fois qu'il servait à un usage sportif."

Une fois diplômés, les étudiants peuvent continuer de défendre les couleurs de leur école. L'Insa Lyon a ainsi créé une amicale des anciens sportifs de haut niveau, l'AM'S. Son objectif est de développer des relations entre les anciens, sur les plans professionnel et convivial. Parmi les parrains de l'association, François Gabart, skipper professionnel. "Même diplômé, il envoie encore des thèmes de projets de fin d'études sur la voile à son département d'origine", se félicite Michel Bouvard.

Des entreprises prêtes à financer les sportifs

Les sportifs de haut niveau permettent aussi aux écoles de décrocher de nouveaux partenariats industriels. Un avantage non négligeable pour trouver de nouvelles sources de financement et enrichir leur réseau.

À Grenoble INP, une trentaine de mécènes industriels, dont ED et Schneider Electric, soutiennent chaque année 15 étudiants sportifs sélectionnés sur leur projet et leur motivation, dans le cadre de la Fondation partenariale Grenoble INP. "Nous disposons chaque année d'une enveloppe minimale de 25.000 € pour les étudiants-sportifs", affirme Valérie Bonnardel, directrice de la fondation.

Grâce à ce soutien financier, Cléa Martinez, étudiante en deuxième année à Grenoble INP-Ensimag et skieuse de vitesse, a pu se rendre en Suède à la mi-avril 2016 pour une compétition comptant pour la Coupe du monde. "Grâce à cette course, Cléa a terminé la saison en tête du classement général", précise Valérie Bonnardel.

À l'INP de Grenoble, une trentaine de mécènes industriels, dont ED et Schneider Electric, soutiennent chaque année 15 étudiants-sportifs sélectionnés sur leur projet et leur motivation.

Si l'accompagnement financier d'étudiants est une première étape dans le partenariat, l'objectif des établissements est de pérenniser ces échanges. "Il y a trois ans un étudiant karatéka talentueux a été repéré lors d'un concours de vente par l'entreprise informatique Oracle, se souvient Anthony Manchado, responsable du département des sports à l'EMLV-École de management Paris-la Défense. Depuis son stage chez Oracle en Irlande, nous y envoyons chaque année des étudiants."

"Les entreprises sont demandeuses de sportifs de haut niveau, confirme Michel Bouvard, de l'Insa Lyon. Ils apportent une plus-value incontestable : ils sont spécialistes de la compétition, de la gestion et de l'autonomie." Une analyse partagée par Philippe Wagner, directeur adjoint de l'EMLV. "Un sportif a cultivé la rigueur et la détermination pendant des années. Il aura donc plus de facilité qu'un autre étudiant à s'insérer sur le marché du travail."

Étudiants et sportifs : priorité à la liste du ministère des Sports
Depuis 1982, la qualité de "sportif de haut niveau" s'obtient par l'inscription sur la liste des sportifs de haut niveau arrêtée par le ministre chargé des Sports. En 2014, 6.900 sportifs étaient inscrits sur la liste, toutes catégories confondues (élite, seniors, jeunes).

L'âge médian de l'ensemble des sportifs de haut niveau est de 22 ans. La fédération qui compte le plus de SHN est la Fédération de judo-jujitsu, devant celle de cyclisme.

Pour sélectionner les candidats, les établissements se réfèrent en premier lieu à la liste du ministère. Certains élargissent le spectre aux "sportifs de niveau national" et aux "sportifs de bon niveau universitaire".

Assia Hamdi | Publié le