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Taxe d'apprentissage : la plateforme SOLTéA suscite toujours des réserves dans les établissements du supérieur

Sarah Nafti Publié le
Taxe d'apprentissage : la plateforme SOLTéA suscite toujours des réserves dans les établissements du supérieur
Cette année, la répartition du versement de la taxe d'apprentissage est prévue en deux séquences, avec un premier versement en octobre et un deuxième en novembre. // ©  Adobe Stock/Pormezz
La mise en place de SOLTéA, en 2023, a bouleversé le versement de la taxe d'apprentissage pour les établissements. Ils redoutent une baisse de leurs revenus, malgré des améliorations après les couacs survenus pour la première collecte.

En 2023, la plateforme SOLTéA a été mise en place, avec pour objectif de répartir les fonds de la taxe d'apprentissage tout en simplifiant les démarches pour les entreprises. Mais elle a connu une première collecte difficile.

En effet, la réforme de la déclaration a impacté la répartition, qui se fait en deux temps. En amont de SOLTéA, les entreprises sont prélevées par l'Urssaf du montant de leur taxe d'apprentissage à répartir. Elles ne versent plus directement aux établissements : pour cela, elles doivent procéder à une déclaration sociale nominative (DSN).

Des impacts sur la répartition

En 2023, du côté des établissements bénéficiaires, Thomas Vilcot, directeur des partenariats entreprises de Grenoble EM rappelle que "les virements, du fait des anomalies, ont duré jusqu'en juillet 2024".

Lors de cette première année de SOLTéA, certains établissements avaient vu une chute de leurs reversements de la taxe d'apprentissage. Pour compenser, l'État leur avait réparti la partie non fléchée des fonds.

Depuis, "les employeurs ont pris la main, constate de son côté Ségolène Bélanger, responsable du service Produits à la Caisse des dépôts, qui gère la plateforme. Et nous observons moins d'erreurs déclaratives, ce qui contribue à la fiabilisation du fonds du solde de la taxe d'apprentissage".

Plus de 80% des établissements recensés sur SOLTéA ont été visés par un fléchage en 2024, "soit près de 10.000 après le premier virement". Cette année, "45% du fonds a été versé aux établissements dès le 1er versement, soit 219 millions d'euros, contre 18% en 2023".

"Le parcours employeur, une fois connecté, a plutôt bien fonctionné, remarque, Ségolène Bélanger. L'action était assez simple pour répartir en quelques clics grâce au moteur de recherche puis le versement était automatique."

Une visibilité amoindrie sur le montant des versements

Auparavant, les entreprises versaient directement les fonds aux écoles, qui devaient leur éditer un reçu dit "libératoire". Avec SOLTéA, le pilotage "est beaucoup plus incertain", car si "on sait qu'une entreprise nous a affecté une partie de sa taxe, on ne sait pas combien cela représente avant de percevoir", remarque Thomas Vilcot.

"Nous devons estimer par pourcentage, et non par montant, ce que nous souhaitons verser à chaque établissement, explique Patrick Peysson en charge de l'alternance pour Auchan Retail France. Or, une entreprise comme Auchan Retail France a de nombreuses sociétés. Nous devons donc calculer pour chacune quel pourcentage verser." La plateforme a intégré cette année de nouvelles fonctionnalités pour simplifier la vie des entreprises qui ont plusieurs sites et différents Siret.

"Affecter une somme en euros nous permettrait une meilleure visibilité", ajoute Patrick Peysson. Parmi les améliorations apportées en 2024, les intentions de fléchage sont désormais visibles par les établissements avant la clôture de la phase de versement, mais elles ne comportent pas la somme totale prévue en euros.

Pas de contrainte de fléchage pour les entreprises

L'inquiétude des écoles porte également sur le fait que l'entreprise, une fois la taxe prélevée par l'Urssaf, s'est acquittée de son obligation fiscale et n'est pas contrainte à répartir sur SOLTéA.

"Pour une entreprise comme Auchan Retail France, la question ne se pose pas. Nous valorisons la relation que nous avons avec les établissements tout au long de l'année et nous avons les ressources pour nous en occuper. Mais des TPE ou PME peuvent très bien décider qu'elles n'ont pas le temps et s'abstenir", relève Patrick Peysson, qui reconnait que le fait "de ne plus avoir à aller chercher les reçus libératoires" est une simplification importante pour l'entreprise.

"Les écoles travaillent beaucoup avec le tissu économique local, complète Thomas Vilcot. Nous avons perdu beaucoup de petits verseurs, comme les commerces.

On a perdu en fluidité. Or, la campagne de la taxe d'apprentissage était jusque-là un moment important dans la rencontre avec les entreprises (S. Louët, responsable partenariats entreprises de l'Essca)

Selon lui, la mise en place d'un intermédiaire affecte la relation des écoles aux entreprises. À la demande des établissements, une partie contact a été ajoutée cette année, afin de savoir à quelle personne s'adresser au sein de l'entreprise, notamment pour les remerciements, "mais ils ne sont pas systématiquement affichés".

"On a perdu en fluidité, estime Sébastien Louët, responsable partenariats entreprises de l'Essca. Or, la campagne de la taxe d'apprentissage était jusque-là un moment important dans la rencontre avec les entreprises."

Une plateforme qui entraîne des frais

De plus, sur la somme qui leur est affectée par l'entreprise, les établissements percevront environ 4% de moins, afin de régler les frais de gestion de SOLTéA.

Des frais "opaques", selon Sébastien Louët. "Nous sommes très attentifs aux écarts entre les promesses et les virements reçus, car nous trouvons encore des erreurs. Et cela demande un travail de vérification fastidieux".

Un solde "mieux réparti"

À la Caisse des dépôts, Ségolène Bélanger affirme que "Soltéa assure plus de transparence sur la collecte et sur le devenir du solde de la taxe d'apprentissage".

De plus, "la plateforme permet de rendre plus visible le panel d'établissements éligibles, grâce au moteur de recherche, que ceux que les entreprises connaissent par leurs partenariats habituels."

Le solde est ainsi "mieux réparti", mais cela explique également pourquoi "certains établissements ont moins perçu que les années précédentes".

Des améliorations pour 2024 et 2025

Des améliorations ont été apportées en 2024. "La plateforme a évolué dans ses fonctionnalités et les équipes de la Caisse des Dépôts, qui gère SOLTéA, ont été très à l'écoute", constate Thomas Vilcot,

En 2025, les établissements pourront également gérer directement sur la plateforme le contrôle de leurs données et demander en ligne le renouvellement de leur habilitation. Toute la partie instruction y sera gérée.

Thomas Vilcot reconnaît que "l'outil progresse" mais "cela reste un système qui crée de la complexité et nous oblige à piloter à vue".

La question du calendrier demeure

Thomas Vilcot note également qu'il reste la question du calendrier. "Jusqu'en 2022, les fonds étaient affectés au 31 mai", rappelle-t-il.

Cette année, la répartition est prévue en deux séquences, avec un premier versement en octobre et un deuxième qui a lieu en novembre (finalement décalés par un arrêté du 8 novembre). Un "glissement" qui n'est pas sans conséquences pour la trésorerie des établissements.

"C'est un gros point noir, notamment pour les établissements publics, qui doivent prévoir leurs investissements pédagogiques avant la fin de l'année, détaille Isabelle Pottier, déléguée générale d'AGIRES Développement, réseau de 100 établissements du supérieur. Or, ils font des projections de budgets avant de connaître la somme exacte qu'ils percevront au titre de la taxe d'apprentissage."

En outre, le calendrier "est instable", car il a été prolongé "en cours de route" ce qui crée "un manque de visibilité", juge Thomas Vilcot.

"Les trois directions - ministère de l'Enseignement supérieur, de l'Éducation nationale et DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) - ont décidé de prolonger la campagne de répartition pour laisser davantage de temps aux entreprises pour finaliser leurs choix de fléchage", explique Ségolène Bélanger.

Le reliquat doit viser prioritairement les établissements qui forment aux métiers en tension, et compenser les déséquilibres régionaux. Mais le décret qui doit déterminer cette affectation n'est toujours pas paru, alors que la campagne se termine en novembre.

"L'Essca, qui a plusieurs sites en France, ne sait toujours pas si elle pourra percevoir une partie de cette somme à ce titre", regrette Sébastien Louët, responsable partenariats entreprises de l'école.

Sarah Nafti | Publié le