Universités britanniques : leur autonomie en 5 points

De notre correspondante à Londres, Élisabeth Blanchet Publié le
Universités britanniques : leur autonomie en 5 points
L'université d'Oxford - © Stephen Finn // ©  Stephen Finn
L'autonomie des universités dépend en grande partie de leur mode de gouvernance. Le colloque de l'association européenne des universités (EUA), qui se tient du 27 au 29 mars à Barcelone, revient sur cette question fondamentale à l'heure de la mise en oeuvre de la loi LRU. A cette occasion, EducPros vous propose une série de reportages chez nos voisins européens, en commençant par les Anglais. Les universités britanniques constituent une source d'inspiration mais aussi de méfiance pour leurs homologues européennes.

Tout en restant des institutions d’État, les universités britanniques sont autonomes dans leur gestion, dans le choix des contenus de leurs programmes, mais aussi dans le recrutement des enseignants, chercheurs et étudiants. De quoi faire rêver plus d'un président d'université française...

1. Le vice-chancelier, un véritable chef d'entreprise garant de la stratégie de l'université


À la tête de chaque université britannique siège un vice-chancelier. Son rôle tient plus du chef d’entreprise que du doyen ou du président d’université à la française. Les universités ont chacune leurs propres statuts. En fonction de ces derniers, les vice-chanceliers sont plus ou moins libres de décider de l’emploi du budget, des plans stratégiques de la recherche et de l’enseignement, et de l’autonomie des départements. Comment sont-ils recrutés ? Certaines universités passent des annonces dans des journaux spécialisés comme le Times Higher Education (THE) ou le supplément « Education » du Guardian. D’autres utilisent des chasseurs de têtes. Enfin, le recrutement peut aussi s’effectuer en interne. C’est le cas de l’université de Nottingham.

« Chez nous, explique Catherine Goetze, professeur en sciences politiques et actuellement directrice du département des relations internationales à l’université de Ningbo en Chine, c’est un organisme interne qu’on appelle le sénat qui nomme le vice-chancelier. Il est composé des chefs de département et de personnalités du secteur privé. Parmi les critères importants : le fait que la personne connaisse bien l’université, qu’elle ait aussi déjà géré des projets de recherche conséquents et qu’elle ait réussi à faire entrer beaucoup d’argent dans son université. »

2. Des départements très autonomes

Chaque année, les vice-chanceliers établissent un plan stratégique avec les responsables des départements de leur université. Les budgets de ces derniers figurent dans ce plan. Au niveau des départements, l’autonomie est également très importante, à condition qu’elle reste dans le cadre des statuts de l’université.

Les départements gèrent leurs budgets eux-mêmes, les enseignants décident des contenus de leurs programmes, de la manière dont ils veulent enseigner (séminaires, cours magistraux...). De même, les chercheurs décident, tout en se concertant, de la façon dont ils souhaitent faire évoluer leur recherche.

3. Des procédures de recrutement souples

Le recrutement des enseignants et chercheurs s’effectue aussi au sein de chaque département. La procédure est beaucoup plus souple qu’en France et passe généralement par les annonces du THE et du Guardian. « Par exemple, si une dizaine d’étudiants désirent suivre des cours sur le Moyen-Orient en master, nous devons embaucher un enseignant spécialisé. En fonction de notre budget, nous embaucherons un professeur, un maître de conférences ou un ATER pour la durée que nous voulons », explique Catherine Goetze. S’agissant des salaires des enseignants, chaque université les fixe dans son plan annuel stratégique. Il existe sur le plan national un organisme, la UCEA (Universities and Colleges Employers Association) , sorte de « Medef des universités », à laquelle ces dernières adhèrent toutes. Le rôle de la UCEA est de guider les universités sur les questions d’emploi et de salaires.

4. Le choix de ses étudiants

Les universités britanniques sont également libres de sélectionner leurs étudiants selon leurs propres critères. Les plus prestigieuses comme Oxford et Cambridge mettent la barre très haut en demandant à leurs futures recrues de très bons résultats à leur A-level. D’autres établiront des critères tels que l’origine sociale, dans une dynamique de démocratisation de l’accès à l’université.

5. L’évaluation pour corrolaire à l'autonomie

Cependant, les universités britanniques sont autonomes jusqu’à un certain point. L’État, à travers différents organismes, effectue un contrôle de la qualité de l’enseignement et de la recherche assez poussé et fastidieux pour les universités. Des résultats de ces évaluations dépend l’allocation des fonds étatiques aux universités qui représentent toujours une part importante de leur budget (61 % en 2002-2003). La QAAHE (Quality assurance agency for higher education) apprécie la qualité de l’enseignement et le Research Assessment Exercise celle de la recherche. Quant aux universités, elles ont souvent leurs propres agences de qualité. Aux audits internes sont également impliqués étudiants et médias. Ceux-ci publient chaque année des classements des universités. Même si ces dernières sont encouragées à trouver des fonds auprès d’entreprises et de fondations en développant notamment des business parks sur leurs campus, « les fonds octroyés par l’État aux universités restent majeurs et constituent le nerf de la guerre du système », constate Catherine Goetze.

Les universités britanniques en chiffres
* 116 universités * 2 362 815 étudiants (2006-2007) * 96 000 universitaires (2003) à temps plein et 38 000 à temps partiel * 15,6 milliards de livres, c'est le revenu global des universités(22,8 milliards d’euros en 2002-2003 : 61 % provenaient du gouvernement, 18 % de dons et autres, et environ 10 % des frais de scolarité (aujourd’hui, ils représentent environ 17 %). Sources : Higher Education Statistics Agency www.hesa.ac.uk

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