A-C. Monneret (EdTech France) : "Depuis le Covid, les EdTech sont un secteur attractif"

Amélie Petitdemange Publié le
A-C. Monneret (EdTech France) : "Depuis le Covid, les EdTech sont un secteur attractif"
Adobe EdTech // ©  Eakrin
La crise sanitaire a eu un impact direct sur les établissements du supérieur avec comme conséquence l'essor de l'usage des EdTech. Mais la crise a aussi mis en lumière la fracture entre grandes écoles et universités notamment en matière de financement. Anne-Charlotte Monneret, directrice générale d'EdTech France dresse les enjeux de ce secteur à l'aune de la pandémie.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur les EdTech en France ? Quelles leçons avez-vous tirées ?

La crise a eu un impact économique très hétérogène sur l’industrie EdTech. Pour la moitié des acteurs, elle a été plutôt bénéfique, et pour l’autre moitié elle a été vraiment délétère. Cela dépend notamment de l’endroit où étaient utilisées leurs solutions : dans les salles de classe, dans les universités ou dans les organismes de formation. Si les outils nécessitaient le présentiel, logiquement, la fermeture obligatoire a été très dure, mais si les solutions étaient conçues pour du 100% à distance, ça a été très riche.

Anne Charlotte Monneret directrice générale EdTech France
Anne Charlotte Monneret directrice générale EdTech France © Photo fournie par le témoin

Il y a aussi eu un impact culturel non négligeable. Un verrou a sauté sur la capacité du public à travailler avec le privé, notamment du côté des universités qui ont collaboré de manière très réactive avec des entreprises EdTech. Elles ont fermé du jour au lendemain et se sont demandé comment faire pour continuer à donner les cours, à transmettre les notes, à gérer les recrutements des futurs étudiants… Elles se sont alors tournées vers des start-up. Cette transformation numérique était déjà amorcée au sein de très nombreux établissements, mais elle s'est accélérée avec la crise.

Cette pandémie nous a aussi fait comprendre que le tout distanciel ou le tout présentiel ne sont pas les meilleures configurations. Le tout numérique a été très mal vécu, côté enseignants, personnels de direction, et étudiants, et laisse encore des traces psychologiques aujourd’hui. Quant au tout présentiel, il appartient "au monde d’avant" : la formation doit tirer partie des nouvelles modalités d’enseignement apportées par le numérique et enseigner aux jeunes les outils qu’ils utiliseront dans le monde professionnel de demain. La solution semble être un modèle hybride, où on prend le positif du présentiel et le positif du distanciel.

Vous évoquez la collaboration entre des universités et des start-up. Avez-vous des exemples concrets de nouvelles technologies au service de l’éducation ?

Les établissements du supérieur, publics et privés, travaillent avec de nombreux acteurs EdTech, qui correspondent à toutes les briques pédagogiques et administratives de la vie d’un établissement comme TestWe ou Theia pour le passage des examens à distance. Vous avez aussi des start-up qui ont créé des applications et plateformes qui réunissent en ligne les différents aspects de la vie d’un étudiant, ou d'autres, comme UbiCast pour la gestion des cours en distanciel en format vidéo. La délivrance de diplômes électroniques a aussi bondi avec des acteurs comme CVTrust, ou BC Diploma.

Les universités ont collaboré de manière très réactive avec des entreprises EdTech.

En fait, tous les pans de la scolarité se digitalisent. C’est aussi ce que demande la jeunesse d’aujourd’hui et cela permet de s’adapter de manière plus efficace à la vie quotidienne des étudiants. Cela dit, les écoles, les universités et les étudiants sont unanimes sur le fait qu’il faut du présentiel, et qu’il en faudra toujours. Suivre des études c’est aussi rencontrer ses pairs, rencontrer les enseignants et travailler ensemble. Le numérique est une simple modalité d’apprentissage.

La différence, c'est que si toutes ces solutions étaient utilisées avant, elles ont été accélérées par la crise et cela va perdurer. Culturellement, c’est acté, il n’y aura pas de retour en arrière. Après, comme pour toute conduite du changement, il faut du financement. C’est d’ailleurs une volonté du gouvernement de développer ces échanges entre privé et public.

Observez-vous des disparités entre grandes écoles et universités quant à l’utilisation de ces technologies ?

Complètement. La crise a mis en évidence la différence d’équipements qui existe au sein du supérieur, il y a une fracture selon les établissements. En termes de financement, les ressources numériques ont souvent un budget dédié au sein des écoles de commerce, qui ont souvent plusieurs campus, ce qui pousse à l’hybridation. L’ADN start-up est aussi plus fort, avec la présence d’incubateur, etc.

La crise a mis en évidence la différence d’équipements qui existe au sein du supérieur, il y a une fracture selon les établissements.

Mais la différence tend à se réduire. On observe une croissance à l’université, comme en témoigne le récent AMI Demoes [appel à projets des "Démonstrateurs de l’enseignement supérieur" qui s’inscrit dans la stratégie "enseignement et numérique" du gouvernement, NDLR]. EdTech France a aussi à jouer son rôle d'intermédiaire, et intervient lorsque c’est pertinent dans le comité numérique de la CPU pour tisser des ponts, et déconstruire certaines inquiétudes.

Vous voulez faire de la France une nation de la EdTech. Sommes-nous sur cette voie ?

Nous sommes sur cette voie de fait. Nous comptons un peu plus de 600 entreprises EdTech en France, qui créent 10.000 emplois sur le territoire. Nous allons dépasser le milliard de chiffre d’affaires généré par ces entreprises en 2021, selon une étude à paraître avec EY et la Caisse des Dépôts. L’association EdTech France fédère plus de 380 entreprises depuis notre création en mai 2018 par un collectif d’entrepreneurs, cela illustre le dynamisme de la filière en France. Après il faut aussi que les pouvoirs publics suivent. Et c’est ce qu’il se passe avec l’appel à projets Deffinum du plan de relance et l’AMI Demoes.

Nous comptons un peu plus de 600 entreprises EdTech en France, qui créent 10.000 emplois sur le territoire.

La dynamique s’active aussi au niveau européen avec la European Edtech Alliance, dont nous sommes membre fondateur. C’est un réseau de veille européen qui rassemble plus de 18 associations EdTech, qui a également pour vocation de mener des actions de lobby auprès de la Commission européenne pour favoriser des actions et des financements. La France est un des plus gros réseaux d’entreprises EdTech en Europe, nous sommes passés devant la Grande-Bretagne en termes d’investissements privés dans la EdTech. Depuis la crise du Covid, les EdTech sont perçus par les investisseurs privés comme un secteur attractif. Ce n’était pas forcément le cas auparavant.


Dans le cadre du salon Educatec-Educatice, EducPros organise une table ronde vendredi 26 novembre à 14h sur la thématique de la EdTech : la souveraineté éducative en danger ?
Avec Anne-Charlotte Monneret, DG d'EdTech France, Marie-Christine Levet, présidente d'Educapital et Baptiste Auber, Account Executive – Higher Education Zoom video communications, EducPros interrogera les grands enjeux auxquels sont confrontés les acteurs de la EdTech.

Amélie Petitdemange | Publié le