Ahmed El Khadiri (délégué général d’Animafac) : "Les filles sont moins sûres que les garçons de leur aptitude à exercer des responsabilités dans une association étudiante"

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant Publié le
Ahmed El Khadiri (délégué général d’Animafac) : "Les filles sont moins sûres que les garçons de leur aptitude à exercer des responsabilités dans une association étudiante"
Ahmed El Khadiry // © 
Comment les responsables associatifs étudiants sont-ils formés ? Pour quels besoins dans leurs pratiques bénévoles ? Quelles différences selon les filières et les filles ou les garçons ?… Telles sont quelques-unes des questions posées par une enquête inédite réalisée par Animafac , le réseau et centre de ressources pour les initiatives étudiantes qui s’adresse à quelque 12.000 associations étudiantes. Le point sur les principaux enseignements de cette enquête avec Ahmed El Khadiri, délégué général d’Animafac.

Les étudiants engagés dans des associations éprouvent-ils des besoins particuliers de formation ?
Le premier élément qui ressort de cette enquête est que les étudiants s’estiment plutôt bien formés. Un tiers d’entre eux ont participé à une formation, autant que l’ensemble des bénévoles du monde associatif. C’est une surprise puisqu’ils débutent souvent dans une activité associative et qu’ils s’engagent sur une courte durée. Et quand il y a un besoin en formation, c’est d’abord un besoin d’échanges de pratiques. Par exemple, je suis un organisateur d’événements culturels et je veux échanger avec quelqu’un qui a une expérience à partager dans le même domaine.

Entre les filles et les garçons, il semble que les points de vue diffèrent… Qu’en est-il exactement ?
Contre toute attente, on s’aperçoit que plus on monte dans les responsabilités associatives, moins il y a de filles ! Je dois dire que ça nous a mis une claque. On reproduit les mêmes schémas que le monde professionnel. Il va donc falloir agir, en commençant par notre propre conseil d’administration qui n’est pas très féminin… Cette enquête montre aussi que les filles sont moins sûres que les garçons de leur aptitude à exercer des responsabilités dans un bureau associatif. Quand les filles hésitent à s’engager, c’est qu’elles ne s’estiment pas assez légitimes et pas assez préparées, alors que, pour les garçons, c’est plutôt la crainte qu’un poste à responsabilité leur prenne trop de temps !

Autre enseignement : ce sont les étudiants les plus expérimentés qui sont les plus en demande de formation. Comment l’expliquez-vous ?
C’est ce que nous appelons l’idéologie de la passation et du système D qui fait croire qu’il n’est pas besoin d’être formé à des outils. La passation de pouvoir est ainsi considérée comme une étape essentielle pour assurer une prise de poste « réussie ». A priori, les étudiants ont des attentes très fortes sur la transmission par les anciens, comme s’il fallait reproduire les pratiques à l’identique, apprendre ce que les autres ont déjà appris… On reprend le tableau de la trésorerie, on applique les mêmes méthodes de gestion, etc. En conséquence, les étudiants les plus expérimentés s’aperçoivent a posteriori que la transmission de savoirs par les pairs ne suffit pas, qu’ils auraient pu éviter certaines erreurs s’ils avaient bénéficié d’une véritable formation.

Cette enquête montre qu’entre les associations d’étudiants en université et celles des écoles, le rapport à la formation n’est pas le même. Pourquoi ?
Les étudiants des universités se forment plus que ceux des écoles. Car dans les écoles la vie associative, qui est un axe de la politique pédagogique, bénéficie de soutiens importants en interne. Les écoles chaperonnent leurs associations qui témoignent par ailleurs d’un attachement identitaire fort. Avec un risque « d’entre soi ». À l’université en revanche, il n’y a pas ou peu d’encadrement. Et les associations étudiantes universitaires se définissent davantage par leur projet que par leur appartenance étudiante à telle université. L’effet induit est que les associations dans les universités sont plus tournées vers l’extérieur, se désignant moins comme étant « étudiante ». Et elles ont recours à des structures de formation qui s’adressent au monde associatif en général, pas strictement aux étudiants.

Un portrait-robot des étudiants responsables associatifs

En interrogeant un échantillon représentatif de 300 étudiants, cette enquête permet de dresser un portrait-robot des responsables associatifs étudiants. Ainsi, deux tiers des bénévoles sont des garçons pour seulement un tiers de filles. Les étudiants qui s’engagent arrivent très jeunes à des postes de responsabilité dans un bureau associatif, puisque 60 % d’entre eux ont moins de 23 ans.

Les étudiantes responsables associatives sont plus jeunes que les étudiants : deux filles sur trois ont moins de 23 ans, ce qui est le cas pour seulement un garçon sur deux. Les responsables associatifs sont par ailleurs significativement plus jeunes en écoles que dans les universités : 80 % des bénévoles en école ont moins de 23 ans, alors qu’ils ne sont que 39 % parmi les responsables associatifs étudiants à l’université. Enfin, un bénévole sur trois a déjà eu une première expérience associative.

Lire aussi le billet de Pierre Dubois : Etudiants, associations et formation

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Propos recueillis par Emmanuel Vaillant | Publié le