Ancien directeur général délégué de l'École nationale supérieure d'arts et métiers, puis directeur du développement chez Bpifrance, Alexandre Rigal a pris ses fonctions à la direction générale de l’école d’ingénieurs Junia, le 1er juin. Il a pour mission de confirmer la trajectoire de rétablissement après les importantes difficultés financières traversées par l'établissement.
Quelles sont les raisons qui vous ont amené à prendre la direction de Junia ?
Même si elle a été chahutée au cours de ces derniers mois, l’école a un beau projet. Nous avons atteint une taille critique avec 5.000 étudiants, ce qui nous place parmi les plus importantes écoles d’ingénieurs de France. Nous sommes certes à Lille, mais nous avons une implantation territoriale à Bordeaux (33) et à Châteauroux (36), au plus près des acteurs qui font vivre l’économie locale.
Nous portons des thématiques importantes pour l’économie française : nous couvrons l’industrie, le numérique, l’agronomie, l’agriculture et tout ce qui relève de la transition écologique et énergétique. C’est une prise de conscience collective de faire de cette transition une priorité.
Quelle est la feuille de route de votre mandat ?
Elle se résume en trois mots : stabilité, lisibilité, et efficacité. D’abord, la stabilité parce que Junia a eu un modèle de gouvernance chahuté au cours des derniers mois. Il y a eu plusieurs changements de direction générale. Cette stabilité sera donc utile pour que l’on travaille collectivement et que l’on se projette vers l’avenir de façon constructive.
Ensuite, la lisibilité. On ne comprend pas suffisamment ce qu’est Junia aujourd’hui. L'école repose sur les trois marques des écoles qui ont contribué à sa création : HEI, ISA, ISEN. Il faut incarner cette marque Junia et qu’on apprenne à consolider notre culture d’établissement. Cela nous permettra de rendre compréhensible notre offre de formations auprès des jeunes et des entreprises.
Enfin, l’efficacité. Il faut qu’on apprenne à rendre notre modèle économique plus efficace. Ce sujet a été une préoccupation majeure au cours des derniers mois. Mais il faut aussi être capable de trouver de nouveaux leviers de croissance, notamment avec les entreprises. Le modèle économique de Junia ne va pas reposer sur la croissance des effectifs, mais plutôt dans notre capacité à répondre aux demandes dans les territoires.
Junia a subi des difficultés de trésorerie en 2022. Quelle est la situation financière de l’établissement ?
Nous sommes convalescents, mais cela n’empêche pas que je sois confiant. Il y avait un déficit de l’ordre de 4 millions d’euros par an. Nous avons résolu cette crise de trésorerie.
Mais il nous reste aujourd’hui à gérer la dette en apprenant à mieux gérer nos dépenses, et aussi en apprenant à développer nos ressources. Mon objectif est de revenir à l’équilibre, d’assainir la situation et de permettre à Junia de se développer.
Je n’attends pas d’aide financière de la part d’acteur particulier. Nous devons prendre nos responsabilités.
Quels sont les liens entre les trois programmes HEI, ISA et ISEN ?
Juridiquement, il n’y a plus qu’une seule école : Junia. Nous avons gardé les trois diplômes et nous sommes en train de créer des passerelles entre eux.
Il faut trouver des zones de convergence pour développer des compétences communes sur ces trois programmes. C’est tout le travail que nous sommes en train de conduire.
Junia ouvre une licence pluridisciplinaire parcours sciences pour l’ingénieur et la santé, accès santé avec l’université catholique de Lille. Avez-vous de nouveaux projets pour diversifier les voies de recrutement ?
Il y a un réel enjeu dans cette discipline aujourd’hui. Ce n’est pas incohérent qu’on propose un parcours autour de la santé. Mais vous dire s’il y aura des projets, encore une fois, c'est trop tôt.
Il ne faut pas se diversifier au point de complexifier son offre de formation, je pense que nous l’avons trop fait au cours de ces dernières années. Il faut peut-être rendre notre offre plus lisible en sachant la resserrer.
Quelle relation entretenez-vous avec l’université catholique de Lille ?
Je sais que nous pouvons compter sur l'établissement en cas de coup dur : ils l’ont prouvé récemment et je leur en sais gré. Nous avons une forte capacité à nous mobiliser sur des projets conjoints : nous avons des étudiants qui suivent des cours de langue à l’université, par exemple.
Je suis persuadé que nous avons des choses à faire du côté des humanités afin d’enrichir le profil de nos élèves-ingénieurs.
Le développement de partenariats entreprises est-il l'une de vos priorités ?
Je souhaite que notre relation au monde de l’entreprise devienne le cœur du réacteur. Nous sommes un établissement d’enseignement supérieur, mais nous sommes aussi un acteur économique, nous devons répondre à une mission de soutenabilité de l’économie.
Ainsi, quand on investit dans des infrastructures de recherche, on le fait pour nos étudiants, nos enseignants-chercheurs, mais on ne doit jamais perdre de vue qu’on le fait aussi pour aider les entreprises. Notre appareil scientifique doit aussi être mis à disposition du territoire. C’est tout cet écosystème de croissance au niveau local qu’on devrait apprendre à recréer.
Est-ce une difficulté de développer la recherche quand on est une école d'ingénieurs privée ?
On fait partie des écoles d’ingénieurs privées avec un potentiel de recherche intéressant, à la fois humain avec nos 200 enseignants-chercheurs, mais aussi en termes d’infrastructures de recherche.
Nous avons des démonstrateurs autour de l’usine du futur et nous allons en avoir prochainement autour de la transition écologique et énergétique.
Quand on est un établissement privé, il faut assurer la soutenabilité économique de ses infrastructures de recherche. Cela nous oblige à faire des arbitrages. Notre potentiel de recherche, c’est un investissement financier important. On va nous livrer prochainement de nouveaux bâtiments, et nous avons prévu de valoriser nos démonstrateurs scientifiques.