André Siganos (CampusFrance): "Que veut-on en faisant venir des étudiants étrangers ?"

Propos recueillis par Fabienne Guimont Publié le
André Siganos (CampusFrance): "Que veut-on en faisant venir des étudiants étrangers ?"
19874-ph-204-01-original.jpg // © 
Pour le rayonnement de son enseignement supérieur, la Grande-Bretagne a le British Council, l’Allemagne, le DAAD. Face à ces « concurrents » très bien structurés, quel est le poids de CampusFrance ? Cette agence, chargée depuis 2007 de la chaîne d’accueil des étudiants étrangers en France, affiche des ambitions fortes pour renforcer l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers. André Siganos, son directeur général, dresse pour Educpros sa stratégie.

EduFrance a eu du mal à se positionner. Quel bilan tirez-vous de CampusFrance un an après sa création?

CampusFrance ne souffre plus de problème de légitimité ni de représentativité (1), mais elle est encore en gestation pour devenir une grande agence nationale de la mobilité. Son lancement a créé un électrochoc positif. En braquant les projecteurs sur nous, tout le monde a bien compris qu’il fallait s’atteler à relever les défis de l’attractivité. Avec la fin de la révision générale des politiques publiques, l’agence pourrait se voir attribuer des missions pour l’heure traitées par des ministères. Il faut une agence mutualisée avec des moyens conséquents pour mener une politique d’influence de moyen et long terme: nous disposons d’un budget de 5 millions d’euros quand le DAAD en a dix fois plus.

Concernant les étrangers, vous demande-t-on de privilégier un « recrutement » de qualité ?

Pour mettre en oeuvre une politique publique d’attractivité, il faut répondre à la question : « Que veut-on en faisant venir des étudiants étrangers ? », à laquelle les autres pays ont répondu. Veut-on accueillir un maximum d’étudiants ou des étudiants capables de réussir leurs études dans le cadre de la mobilité ? La seconde politique est sans doute préférable, mais il faut en dégager les moyens afférents. Soit on injecte encore de l’argent public, soit on fait payer les étudiants étrangers, comme d’autres pays. S’ils payaient la totalité de leur formation, les universités françaises augmenteraient leur budget d’un tiers.

Comment fonctionnent les espaces CampusFrance ?

La centaine d’espaces CampusFrance installés dans les postes diplomatiques de soixante-dix pays sont de nature variée. Les conseillers culturels et les attachés de coopération universitaire des ambassades en sont les vrais chefs de service. En 2008, nous devons continuer à former les personnels, en organisant des formations régionales à l’étranger. En Afrique, le label CampusFrance ne recouvre pour l’instant que la procédure CEF (4). En Europe, ce sont des espaces de promotion, de conseil et d’orientation, mais il n’y a pas de procédure CEF puisqu’il n’y a pas de délivrance de visas.

La procédure CEF a justement connu des avaries techniques fâcheuses dans sa mise en place et seule la moitié des universités y adhère...

Cette procédure est un instrument de politique publique d’attractivité puissant. Mais il faut régler rapidement les problèmes de formation et les problèmes techniques de son application logicielle Pastel en y insufflant les moyens. Tous les outils doivent être compatibles pour rendre les démarches des candidats fluides, ergonomiques, fiables, interfacées. À terme, chaque adhérent à CampusFrance devra souscrire à tous ses services, y compris en signant la convention CEF. Néanmoins, cette procédure n’est pas le seul paramètre susceptible d’améliorer l’attractivité de notre pays. En Chine, par exemple, où elle fonctionne depuis cinq ans, la France a perdu des parts de marché par rapport à ses concurrents, sans que cela soit compensé par un recrutement d’étudiants de meilleure qualité. Pour recruter ces derniers, la procédure doit s’accompagner d’une promotion plus ciblée et construite sur un parcours individualisé dans le temps. Il ne faut pas envisager seulement la première année d’accueil de l’étudiant, mais également s’assurer que le diplôme visé est monnayable sur le marché de l’emploi dans son pays d’origine. Je souhaite que ce soit la valeur ajoutée de notre agence sur nos concurrents.

Après les critiques émises par certaines conférences d’établissements, quels sont les projets de l’agence pour 2008 ?

Ces critiques ne paraissent pas recevables, compte tenu des efforts accomplis. La mise en ligne de 33 000 formations de niveau licence et master étant d’ores et déjà effectuée, nous prévoyons une livraison du catalogue des formations de niveau doctorat pour mars 2008. Par ailleurs, nous sommes en discussion avec la CPU et le CNOUS pour labelliser des espaces CampusFrance en région qui prendraient en charge la totalité de la mobilité scientifique, académique, les appels à projets, les accords d’échanges des grands pôles scientifiques qui vont émerger dans les trois ans à venir, une fois l’articulation entre PRES et pôles de compétitivité réalisée. Il convient de définir un vrai cahier des charges avant de savoir qui aura à gérer ces espaces in fine.

(1) Toutes les universités adhèrent au GIP CampusFrance, sauf Paris 6 et les universités de Strasbourg. Depuis 2007, les membres des conférences d’établissement y sont membres de droit, avec voix délibérative, et tous les autres sont des partenaires conventionnés (centres de FLE, organismes travaillant dans le tourisme...). Le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement et celui du Tourisme frappent  désormais à la porte de l’agence pour entrer dans son conseil d’administration.


(2) La procédure CEF, gérée par la cellule CampusFrance du ministère des Affaires étrangères dans une trentaine de pays, est une démarche payante de préinscription en ligne des candidats aux études en France.

Quatrième groupement d’intérêt public (GIP) depuis la création d’EduFrance il y a dix ans, CampusFrance regroupe EduFrance, Egide et le CNOUS International.

Propos recueillis par Fabienne Guimont | Publié le