Antoine Godbert (A2E2F) : "Erasmus + s'ouvre largement aux formateurs d'entreprises"

Propos recueillis par Julie Urbach Publié le
 Antoine Godbert (A2E2F) : "Erasmus + s'ouvre largement aux formateurs d'entreprises"
Antoine Godbert, directeur de l'agence Europe éducation formation (A2E2F) // DR // ©  A2E2F
Doté de près de 15 milliards d'euros sur sept ans, le nouveau programme européen d’aide à la mobilité Erasmus+ accorde une place importante aux partenariats établissements-entreprises. Explications avec Antoine Godbert, directeur de l'agence Europe éducation formation (A2E2F) qui gère le programme pour la France.

De quelle manière Erasmus+ va-t-il renforcer les liens entre enseignement supérieur et monde du travail ?

En plus des actions de mobi­lité dont on connaît les effets positifs, Erasmus+ va permettre l'émergence de partenariats stratégiques entre les acteurs académiques (les établissements d'enseignement supérieur notamment) et non académiques (entreprises, collectivités...) qui jouent aussi un rôle essentiel dans la formation des jeunes. C'est un changement de philosophie : les programmes segmentés font place à une ­logique parte­nariale.

Le modèle a déjà fait l'objet de quelques expérimentations dans le cadre des "alliances de la connaissance" et des "alliances pour le savoir" qui ont donné lieu, par exemple, à des rapprochements avec l'aéronautique ou les métiers liés au vieillissement... Nous avons besoin des collectivités et des entreprises pour faire face à des défis d'avenir, la création de formations à des métiers nouveaux, par exemple.

La mise en place de ce programme ­survient dans un contexte d'augmentation des mobilités de stage proposées dans le cadre d'Erasmus (+23% en 2011-2012 par rapport à 2010-2011), au sujet desquelles les entreprises commencent à s'impliquer...

Oui, on observe depuis 2008-2009, début de la crise, une augmentation du nombre de mobilités Erasmus en entreprise. Alors que le concept d'employabilité devient important, voire prioritaire, cette formule est apparue pour beaucoup d'étudiants comme le moyen d'acquérir des compétences formelles et surtout non formelles. Je pense notamment à l'adaptabilité ou au travail en groupe qu'ils ont souvent l'impression de mieux découvrir dans l'entreprise qu'au sein d'un établissement d'enseignement supérieur.

En parallèle, depuis deux ans, Erasmus a mis les entreprises au cœur de son dispositif avec les mobilités de stages ou la mise en place de l'Europass, un CV européen qui résume les compétences professionnelles. Les grandes entreprises sont assez accessibles, l'immense défi est de toucher les TPE-PME. Et de les convaincre de l'intérêt de ces mobilités en termes de développement de nouveaux marchés ou de futurs produits.

Erasmus+ met aussi l'accent sur la mobilité des formateurs. Comment ?

Jusqu'ici, les objectifs étaient moins élevés concernant l'envoi de professeurs que d'étudiants. Erasmus+, qui prévoit le départ à l'étranger de 800.000 encadrants, met l'accent sur ce public qui joue un rôle de prescripteur auprès des étudiants. Mais Erasmus+ s'ouvre aussi largement aux ­formateurs d'entreprises qui pourront être intégrés dans des projets de mobilité au même titre que les profes­seurs. C'est intéressant car cela va obliger les universités à s'adresser aux entreprises et à les ­associer à leurs projets, lorsqu'elles montent des consortiums, par exemple. En termes de montage opérationnel, on ne sait pas encore dans le détail comment cela va se passer. L'appel à projets sera rendu fin mai 2014. Avec la Commission européenne, nous espérons voir émerger des projets originaux associant collectivité, université et entreprise. Une ONG pourrait aussi être le chef de file d'un projet stratégique, en particulier dans le cadre de l'édu­cation populaire.

Quels dispositifs sont mis en place pour inciter les entreprises à s'investir ?

Mieux doté, d'abord, Erasmus+ devrait gagner en visibilité et attirer davantage d'entreprises. Par ailleurs, l'Union européenne a cherché à faciliter la démarche. Il suffira, par exemple, de trois pays ou institutions pour monter un partenariat, contre six ou sept auparavant. La simplification passe aussi par les outils. Toute la procédure va être numérisée, d'où un important gain de temps pour les ­candidats. En 2020, nous pourrons véritablement juger de la pertinence du programme. Nous ­verrons alors si les barrières entre le monde du ­travail et celui de la formation sont tombées !

Le visa de l'Union européenne
Le Conseil de l'Union européenne a adopté, le 3 décembre 2013, le programme Erasmus+. On retrouve sous cette bannière les différentes actions actuelles pour l'éducation, la formation tout au long de la vie, la jeunesse et le sport (Erasmus, Leonardo da Vinci...). Il sera doté d'un budget de 14,7 milliards d'euros sur 7 ans, soit une augmentation de 40% par rapport aux programmes actuels. Outre l'aide à quelque 4 millions de personnes pour aller étudier, suivre une formation, travailler ou faire du bénévolat à l'étranger, une partie du budget servira à soutenir des partenariats qui facilitent le passage de l'enseignement à l'emploi.
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