Antoine Pennaforte (CNAM) : "L’alternance pour se constituer un vivier de compétences à long terme"

Propos recueillis par Catherine de Coppet Publié le
Antoine Pennaforte (CNAM) : "L’alternance pour se constituer un vivier de compétences à long terme"
Antoine Pennaforte, maître de conférences au département Management, Innovation, Prospective (MIP) du CNAM // DR // © 
Pacte de responsabilité, réforme de la formation professionnelle... Quel effet ces nouvelles mesures auront-elles sur l’alternance ? Le chercheur Antoine Pennaforte, auteur avec Stéphanie Pougnet, d’Alternance : cultivez les talents (éditions Dunod, septembre 2012), répond à Interface.

Le gouvernement Valls a annoncé début avril 2014 la suppression des charges pour les employeurs de salariés au SMIC au 1er janvier 2015. Doit-on y voir une menace pour l'alternance ?

Non, il n'y a là aucune menace, car les baisses de charges ne concernent pas les mêmes types d'emploi ou de secteurs professionnels. L'alternance n'est pas en concurrence avec les emplois en recrutement direct. Ce sont plutôt les nouvelles dispositions prévues pour ­l'alternance dans la récente loi sur la formation professionnelle qui risquent de peser sur cette formule.

En effet, la nouvelle loi prévoit la possibilité de contrats d'apprentissage en CDI. Ces embauches feront suite à ce que l'on va désormais appeler la "période d'apprentissage". Cette ­mesure risque de diminuer le nombre de contrats d'apprentissage car les entreprises vont être obligées d'avoir une politique de long terme pour l'alternance, ce qui est rarement le cas.

Vous dites que les entre­prises ont tendance à remercier les alternants une fois leur contrat terminé au lieu de les embaucher. Ce comportement est-il toujours d'actualité ?

Oui, et je dirais que c'est de pire en pire pour toutes les fonctions support : marketing, RH, communication..., à l'exception des achats et de la finance. Les ingénieurs ont moins de difficultés à se faire embaucher, sauf dans certains secteurs comme les services en environnement.

Les entre­prises n'ont, de fait, pas intégré l'alternance comme moyen de se constituer un vivier de compétences à long terme. Il est très rare en effet que l'alternance soit mentionnée dans les accords de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences).

La nouvelle loi va au contraire dans le sens d'une politique de l'alternance pour les entreprises, avec une vision à six ou sept ans : former un jeune, l'habituer à la culture de l'entreprise puis lui proposer de s'inscrire durablement dans l'entreprise en lui proposant un poste. Trois ans d'apprentissage suivis de trois ou quatre ans dans l'entreprise donneraient les moyens aux jeunes de se débrouiller ensuite sur le marché du travail, ­d'être en position de force. Les législations actuelles visent une responsabilisation de l'individu mais il faut que tout le monde joue le jeu.

Y a-t-il une différence entre grandes et petites entreprises ?

Les grandes entreprises recrutent facilement des alternants mais sont très nombreuses à ne pas les garder une fois leur contrat terminé. De plus en plus de PME et TPE ont, quant à elles, recours à l'alternance. Elles sont d'abord attirées par les exonérations de charges, mais une fois qu'elles constatent le temps investi à intégrer et à former des jeunes, elles les embauchent.

Quel regard portez-vous sur le développement des formations en alternance au sein de l'enseignement supérieur ?

Les institutions d'enseignement supérieur gagnent de l'argent avec la taxe que versent les entreprises. Certaines écoles ne se créent qu'autour de l'alternance (essentiellement de l'apprentissage) et ne vivent que de ça. Cela implique une logique de marché, quantitative et non qualitative : plus on crée de formations, plus on a ­d'étudiants, plus on gagne d'argent. L'idée de départ, qui est de permettre aux jeunes d'acquérir une expérience professionnelle et aux entreprises de bénéficier d'une main-d'œuvre adaptée, est donc dévoyée.

Il faudrait une relation concertée entre l'alternant et l'entreprise plutôt qu'une relation de marché. Dans d'autres pays, par exemple au Canada, il n'y a pas de quota d'alternants et cela fonctionne très bien. Mais, là-bas, les universités sont proactives, elles entretiennent historiquement des relations fortes avec les entreprises, ce qui n'est pas le cas en France.

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