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B. Fauvarque-Cosson (Cnam) : "Il est essentiel de toujours rester à la pointe de l'innovation pédagogique"

Oriane Raffin Publié le
B. Fauvarque-Cosson (Cnam) : "Il est essentiel de toujours rester à la pointe de l'innovation pédagogique"
Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) // ©  CNAM/Laurence Benoît
Alors que le Conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam) a fêté ses 230 années d'existence, Bénédicte Fauvarque-Cosson, son administratrice générale, revient sur les missions, les orientations et les défis de l'institution.
Bénédicte Fauvarque-Cosson répond aux questions d'EducPros
Bénédicte Fauvarque-Cosson répond aux questions d'EducPros © CNAM/Laurence Benoît

Bénédicte Fauvarque-Cosson, administratrice générale du Conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam) depuis septembre 2022, revient pour EducPros sur l'héritage du Cnam mais surtout sur les défis à venir, dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Le Cnam vient de fêter ses 230 ans, qu'est-il devenu, plus de deux siècles après sa création ?

Le Cnam, c'est un grand établissement public, situé dans le centre de Paris, qui emploie plus de 500 enseignants dont 360 enseignants-chercheurs, 10.000 vacataires, ainsi que du personnel administratif.

Ce dernier est à la fois affecté aux missions d'enseignement et de recherche, mais aussi à une autre mission centrale du Cnam : la culture scientifique et technique, avec la gestion du Musée des Arts et Métiers et de sa collection de 80.000 objets. Ce sont aussi des centres en région, dans les territoires d'outre-mer et à l'étranger.

Nous comptabilisons entre 55.000 et 60.000 élèves inscrits chaque année - dont 15.000 apprentis - ainsi qu'entre 7.000 et 8.000 étudiants à l'étranger. Un tiers de nos élèves sont inscrits dans le domaine des sciences et techniques et deux tiers dans toutes les autres disciplines : droit, comptabilité, RH, sociologie, etc.

L'âge moyen de nos étudiants se situe entre 30 et 35 ans : il a tendance à baisser car nous avons beaucoup développé la formation initiale, avec l'apprentissage, en particulier dans nos centres en région. Nous proposons des formations tout au long de la vie.

Le Cnam s'adresse à tous les publics : des jeunes, parfois même non-bacheliers, jusqu'aux retraités.

Comment se positionne le Cnam alors que la formation continue - sa mission historique - explose et que le secteur devient très concurrentiel ?

Le Cnam est le premier établissement public consacré à la formation continue. Il a été fondé en 1794. Pendant deux siècles, il a pratiquement été le seul établissement public en ce domaine.

Mais en vingt ans, le paysage a complètement changé. Aujourd'hui, la concurrence se révèle extrêmement forte, aussi bien de groupes privés que d'établissements publics car les universités sont encouragées à développer la formation continue.

Au Cnam, nous disposons d'un savoir-faire acquis tout au long de nos 230 années d'expérience, et de formations d'une très grande qualité, conçues par nos enseignants-chercheurs.

Que mettez-vous en place pour résister à cette concurrence ?

Il est essentiel de toujours rester à la pointe de l'innovation pédagogique. C'est l'une de nos missions.

Dans le projet initial de l'Abbé Grégoire, notre rôle était de conserver les objets pour les montrer et pour enseigner à partir d'eux. En 1794, il était alors très important de conserver les choses après la période de destruction liée à la Révolution française, dans un contexte de concurrence forte avec l'Angleterre, aux débuts de la révolution industrielle : le Cnam était le témoin du génie français et de l'innovation technologique.

Désormais, nous sommes des pionniers en matière d'ingénierie : nous avons été les premiers à proposer des cours diffusés à la télévision dans les années 1970. Il y a 10 ans, nous avons lancé les MOOC, pour lesquels nous avons été très innovants, qui ont rencontré un succès immédiat.

Aujourd'hui, nous lançons les micro-certifications, en réponse aux attentes de notre public. Ce sont des diplômes délivrés en 7 à 30 heures, très professionnalisants, très ciblés. Par exemple, on peut citer "la comptabilité pour les managers" ou encore "booster votre employabilité avec l'IA générative".

Développez-vous également d'autres secteurs de la formation ?

Le vrai problème, ce n'est plus d'accéder à l'enseignement supérieur, mais de réussir ses études. Je considère que le Cnam a un rôle social très important à jouer pour les étudiants qui sont en difficulté car ils se sont mal orientés, dans des parcours homogènes, sans flexibilité.

Tout est possible chez nous, en particulier la réorientation réussie des étudiants, ce qui est un enjeu sociétal majeur. Nous travaillons ainsi sur des parcours davantage personnalisés. Nous disposons de près de 5.000 unités d'enseignement (UE) qui peuvent être choisies, à la carte.

Cet automne, nous lançons un double cursus bachelor/licence, avec six parcours, qui permettra aux étudiants de se réorienter, sans perdre une année, en bénéficiant de parcours individualisés et de notre compétence en matière de validation des acquis.

Quelles sont les autres réponses sur lesquelles vous travaillez?

L'autre axe sur lequel nous travaillons, c'est le développement de la transdisciplinarité. Nous avons déjà bien avancé sur le sujet, inscrit dans notre ADN, en lien avec les professionnels et les entreprises.

Pour cela, nous avons lancé quatre écoles transdisciplinaires, autour des grandes transitions : en 2023, l'école des transitions écologiques et l'école de l'énergie, en 2024, l'école de l'IA et du numérique ainsi que l'école de la santé. Pour cette dernière, l'objectif n'est pas de former des médecins, mais de former à beaucoup d'autres métiers autour de la santé, dans des domaines aussi divers que l'épidémiologie, la santé numérique, la gestion d'un établissement de santé, la santé au travail, etc.

Le Cnam dispose de 18 centres en région. Envisagez-vous de développer ce maillage territorial ?

Nous comptons 230 antennes, qui ont été déployées dans le cadre de programmes spécifiques "Action Cœur de ville et Territoires d'industrie". Nous sommes toujours là pour accompagner les politiques publiques. Cependant, nous subissons des contraintes budgétaires fortes.

Mon objectif est donc de consolider l'existant et de mieux piloter l'offre de formation, pour s'il le faut, opérer des mutualisations pour les formations avec trop peu d'élèves car le modèle économique doit être soutenable.

Je reste extrêmement attachée à ce qui a été développé par mes prédécesseurs ainsi qu'à l'idée d'apporter l'enseignement supérieur dans les villes moyennes et de permettre au tissu local de conserver sa population, notamment sa jeunesse, de la former et de répondre aux besoins en termes de bassin d'emplois local.

Oriane Raffin | Publié le