Baptiste Coulmont (sociologue) : «Un prénom qui gagne en popularité perd des mentions au bac»

Propos recueillis par Isabelle Maradan Publié le
Baptiste Coulmont est maître de conférences en sociologie à l’université Paris 8. Depuis deux ans, l’auteur de la «Sociologie des prénoms», parue en 2011 (1), étudie le lien entre prénom et mention très bien au bac. Une manière de confirmer l’association entre origine sociale et réussite à l’examen.

Comment vous est venue l’idée de prendre les prénoms des candidats au bac de l’année et d’aller voir s’ils atteignaient ou non une moyenne supérieure à 16/20 au bac ?
Je ne suis pas l’inventeur de l’idée ! Il y a quelques années, un site l’avait fait pour établir les prénoms qui réussissaient ou pas. Et puis, j’ai également rencontré un étudiant en géographie qui a travaillé sur les données du diplôme national du brevet. L’an dernier, j’ai commencé pour le bac, en «aspirant» les résultats sur un site. Cette année, j’ai les résultats de 345.000 candidats à un bac général ou technologique. Le prénom indique une origine sociale, la mention aussi.

Que cherchiez-vous ?

«Le lien entre prénom et mention confirme les travaux de cinquante ans de sociologie de l’éducation»

À me constituer une grosse base de données avec les prénoms et différents indicateurs comme le lycée, l’académie et la mention. Dans l’immédiat, j’ai fait une première lecture de ces résultats qui fait apparaître la structure sociale des bacheliers [lire le billet sur le blog de Baptiste Coulmont ]. Cela confirme les travaux de cinquante ans de sociologie de l’éducation : les résultats au bac sont liés à l’origine sociale. La sociologie sert souvent à confirmer des choses attendues. On peut dire qu’on le savait déjà, que cela conforte ce qu’on peut savoir et observer dans la vie courante, mais là, c’est avec 340.000 cas.

Comment établissez-vous le lien entre le prénom d’un candidat au bac et son origine sociale ?
Il existe des travaux sur le lien entre structure sociale et prénom. La structure sociale se reflète dans le choix du prénom. Mais, contrairement à ce qu’avance 20minutes.fr en titrant «Les prénoms qui favorisent la mention au bac» , le prénom en lui-même ne joue aucun rôle dans l’obtention d’une mention très bien au bac.

Pour quelle raison les prénoms les moins portés apparaissent-ils aux deux bouts de l’échelle des pourcentages de mentions ?

«Plus de 15% des Augustin et des Hortense ont décroché une mention très bien»

Ces prénoms appartiennent à une catégorie sociale marquée. Ainsi, le pourcentage d’élèves ayant obtenu plus de 16 de moyenne au bac est inférieur à la moyenne chez les candidats portant des prénoms anglo-saxons, comme Kelly ou Christopher, ou des prénoms d’origine nord-africaine, comme Sofiane ou Nadia. Ces prénoms portés par moins de 500 candidats au bac 2012 sont donnés dans les milieux populaires, essentiellement par des employés et ouvriers.

À l’autre bout de l’échelle se trouvent les Augustin ou Hortense, également peu répandus mais choisis par des parents de catégories socioprofessionnelles élevées. Plus de 15% d’entre eux ont décroché une mention très bien.

On observe également que les Adèle sont en avance. Il y en a plus qui ont passé un bac général ou technologique cette année que ce que laissait prévoir leur génération de naissance. Pour les Mohamed, c’est le contraire, on en attendrait beaucoup plus. Les autres ont-ils passé un bac professionnel ? Raté le bac ? Décroché ?

Quid des prénoms les plus répandus ?
Un prénom qui gagne en popularité perd des mentions au bac. Tout simplement parce qu’il est donné aussi bien par des ouvriers que des professions intermédiaires et des cadres supérieurs. Pour prendre un exemple, Camille fait partie des prénoms les plus donnés vers 1994, c’est-à-dire pour de jeunes gens qui ont l’âge d’avoir le bac cette année. De 6 à 7% des Camille ont une mention très bien. C’est dans la moyenne.

(1) Éditions La Découverte, collection «Repères».

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Propos recueillis par Isabelle Maradan | Publié le