Bernard Bigot (président de la fondation de la Maison de la chimie) : «En plus de ne pas avoir une image attractive, les métiers scientifiques n’ont pas une visibilité forte auprès des étudiants »

Propos recueillis par Kevin Bertrand Publié le
Alors que se termine l’année internationale de la chimie , Bernard Bigot, président de la fondation de la Maison de la chimie et administrateur général du CEA (Commissariat à l’énergie atomique), fait le point sur la faible attractivité des jeunes pour les métiers de la chimie. Une désaffection qui touche plus globalement les formations et carrières scientifiques et que souhaitent contrer les 21 sup>es Rencontres CNRS Jeunes « Sciences et Citoyens », qui se tiennent cette année à Poitiers du 4 au 6 novembre 2011.



À quoi attribuez-vous la désaffection des jeunes à l’égard des études de chimie ?

Le bac S est une référence, un label de qualité pour les étudiants. Peu d’entre eux ont une réelle motivation pour la science. Aussi, quand arrive l’heure du choix, ils se dirigent vers ce qu’ils connaissent. Et, souvent, ça ne touche pas les études scientifiques puisque l’immense majorité de leur environnement social et familial tourne autour des métiers du commerce, de la finance, de la médecine… Les métiers scientifiques n’ont pas une visibilité forte, une image attractive. L’enjeu est donc de fournir aux jeunes une meilleure connaissance de ce secteur, précise et concrète. Par exemple : quels sont au quotidien les actes d’un chimiste qui travaille dans l’industrie agroalimentaire ? L’image que peuvent en avoir les jeunes, c’est celle de quelqu’un qui se contente de mélanger des produits. Cette perception doit changer.

Par quoi cela doit-il passer ?

À mon avis, par une meilleure information auprès des jeunes. Ils doivent avoir le temps de poser leurs questions, d’être en interaction concrète avec un professionnel du secteur… Le problème, c’est que, pour la plupart d’entre eux, les métiers de la chimie se résument à ceux de chercheur ou d’ingénieur. Or, il y a toute une chaîne de métiers, du technicien (niveau CAP) jusqu’à l’ingénieur, qui sont moins connus mais tout aussi importants. Il faut s’attaquer à cette idée reçue qui veut que le chimiste soit, par nature, quelqu’un qui dispose forcément d’un très haut niveau de formation. Il y a aussi de la place pour des personnes moins qualifiées.

C’est pour cette raison que j’ai été séduit par l’idée de présenter, à travers le Projet M2C [un jeu vidéo pédagogique créé dans le but de promouvoir les métiers de la chimie auprès des jeunes, NDLR], de vrais personnages avec lesquels les jeunes peuvent s’identifier et ainsi s’intéresser davantage à la chimie.

Le secteur de la chimie a-t-il réellement des difficultés à recruter ?

La chimie est une discipline exigeante en termes de compétences. Je crois qu’il y a un véritable déficit de chimistes bien formés et bien informés, qui peuvent contribuer à la dynamisation de ce secteur. La France manque notamment de toxicologues. Du coup, les études toxicologiques sont réalisées aux Pays-Bas. Vous trouvez ça normal ? Il faut que des jeunes acceptent de se former à ce genre de métiers – la chimie analytique, la toxico-écologie, la toxicologie… – qui, bien que pouvant paraître peu attractifs de prime abord, sont en fait enrichissants.

Propos recueillis par Kevin Bertrand | Publié le