Bruno Sire (président de Toulouse 1): "L'université ne doit pas servir une soupe unique"

Propos recueillis par Jessica Gourdon Publié le
Bruno Sire (président de Toulouse 1): "L'université ne doit pas servir une soupe unique"
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Vent debout contre le système des grandes écoles et des prépas, rêvant d’une université à la fois populaire et élitiste, le président de Toulouse 1 veut faire bouger les lignes. Bruno Sire est aussi en pole position pour tenter de décrocher l'Idex – le site toulousain, présélectionné puis recalé au premier tour, a redéposé un dossier de candidature le 8 décembre 2011. Le nouveau projet prévoit désormais une fusion des établissements .

Vous défendez un modèle universitaire de « troisième voie ». Que signifie cette formule ?

Nous refusons les deux modèles existants. A savoir d’un côté, les grandes écoles, avec ce système scandaleux où tout se joue sur les bulletins de 1ère [élément clé pour intégrer les meilleures prépas, ndlr]. Et de l’autre, l’université, qui sert une soupe unique pour tout le monde, quitte à faire échouer beaucoup d'élèves.

Notre modèle, c’est de créer des filières différenciées à l’université. Nous avons fait le collège de droit, l’école d’économie de Toulouse, nous avons un IAE… Ces filières sont accessibles à partir des résultats universitaires sur plusieurs semestres, et non par le biais de concours. Je suis d’ailleurs contre ce système de sélection, qui abrutit les jeunes et crée des générations de frustrés, qui regrettent toute leur vie d’être à Centrale plutôt qu’à l’X, ou dans le corps des Ponts plutôt que dans celui des Mines

Ne craignez-vous pas de mettre en place une université à deux vitesses, avec des sous-diplômes ?

Pas du tout. C’est une manière de nous adapter à l’enseignement de masse, qui est une très bonne chose. Seulement, tous les étudiants n’ont pas les mêmes capacités, les mêmes envies. En revanche, je suis totalement opposé à l’idée d’une sélection à l’entrée en 1ere année : tant que le bac existe, il est là pour cela.

Le projet Idex de Toulouse a été recalé au 1er tour, notamment pour des questions de gouvernance. La version 2 propose une fusion des universités, à laquelle vous étiez opposé. Vous avez changé d’avis ?

J’étais opposé à l’idée de créer un millefeuille administratif. Si la fusion consistait à démultiplier les lieux de pouvoirs, je n’en voulais pas. Là, nous sommes arrivés à concevoir un système où l’initiative viendra d’en bas, des quatre collèges thématiques : sciences humaines et sociales, droit-éco-gestion, sciences-santé et ingénierie. Au sommet, il y aura une instance d’arbitrage et d’impulsion, l’Université de Toulouse, qui chapeautera 80 000 étudiants.

Le président sera élu par le conseil de surveillance de l’université de Toulouse, une instance qui sera réunie plusieurs fois par an. Il sera issu des personnalités extérieures : il ne sera pas forcément enseignant-chercheur, et  totalement indépendant. A côté, nous aurons un directoire, composé des directeurs de collèges et de directeurs délégués. Il y aura un DG exécutif, nommé par le conseil de surveillance.

Etes-vous optimiste sur les résultats de l’Idex ?

Oui, je pense qu’on est arrivé à quelque chose qui marche. C’est vraiment un modèle de gouvernance unique. On aimerait bien d'ailleurs qu'il fasse école.

Quel est le calendrier ?

Nous allons franchir une étape tous les deux ans. En 2012, le PRES deviendra un grand établissement. En 2014, nous créerons les collèges. En 2016, nous inverserons les réseaux de financements, qui arriveront directement à l'Université de toulouse pour aller vers la base. En 2018, nous fusionnerons totalement les établissements.

Qu’est ce que cette fusion pourrait changer pour vos enseignants-chercheurs ?

La gestion des recrutements et des carrières se réalisera au niveau de l’université de Toulouse, et permettra d'éviter les doublons. Par exemple, à Toulouse-1 [droit-éco-gestion], il y a des équipes en maths, en informatique. Le fait de dépendre tous de la même entité facilitera les passerelles, et permettra de constituer des équipes de recherche plus fortes. Nos moyens seront utilisés plus efficacement.

Et pour les étudiants ?

Nous voulons instaurer, du L3 au M2, un système de mineures. Par exemple, un étudiant en droit pourra prendre une mineure histoire de l’art au Mirail, un étudiant du collège des sciences pourra suivre une mineure en gestion chez nous… Cela permettra à chaque étudiant d’avoir un profil unique. En L1 et en L2, nous avons déjà des licences bi-disciplinaires [droit-éco, droit-gestion, éco-maths...], que nous voulons continuer à développer. J’ai la conviction qu’il ne faut pas enfermer les étudiants dans une seule discipline.

Votre mandat arrive à terme en 2012. Allez-vous vous représenter ?

Oui. Je veux aller jusqu’au bout des projets lancés, non seulement pour l’Idex et la fusion, mais aussi pour achever notre projet immobilier. En 2014, nous aurons un nouveau bâtiment de 11 000 m2, dédié à l’école d’économie.

Lire la réaction de Philippe Jamet, blogueur EducPros et directeur de l'école des Mines de Saint-Etienne : Réponse d’un abruti à un triste Sire…

Propos recueillis par Jessica Gourdon | Publié le