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C. Chevallier (Hcéres) : "Il faut simplifier et personnaliser l’évaluation"

Amélie Petitdemange Publié le
C. Chevallier (Hcéres) : "Il faut simplifier et personnaliser l’évaluation"
Le Hcérès, chargé de mener les évaluations des établissements du supérieur, subit le feu des critiques. // ©  Frederic MAIGROT/REA
Coralie Chevallier a été nommée présidente du Hcéres (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) le 4 mars 2025. Elle a pris ses fonctions dans un contexte de tensions, alors que l’Assemblée nationale a voté la suppression de l’institution, également critiquée pour sa dernière vague d’évaluations.
Coralie Chevallier, Hcérès
Coralie Chevallier, Hcérès © Photo fournie par le témoin

La nouvelle présidente du Hcéres (Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur), Coralie Chevallier, dresse les priorités de son mandat. Elle souhaite réformer en profondeur l’institution, qui a fait face à une défiance de l’Assemblée nationale et des établissements évalués.

L’Assemblée nationale a voté, le 10 avril, pour la suppression du Hcéres. Quelles sont, selon vous, les raisons de cette offensive ? Quand la commission mixte paritaire va-t-elle se pencher sur le sujet ?

Je ne veux pas m’exprimer sur les raisons du vote, alors que nous sommes en plein processus parlementaire. Je ne vais pas faire de la politique, ce n’est pas mon rôle.  

Nous ne savons pas quand la commission mixte paritaire va voter. Il faut d’abord que le texte finisse d’être examiné. Or la lecture du texte a été reportée. L’agenda parlementaire est très chargé !

Ce vote impulse-t-il des changements dans le fonctionnement du Hcéres ?

Oui, j’ai lancé des concertations. L’objectif est de mettre en place certaines réformes dès la vague A, qui concerne les régions Auvergne-Rhône Alpes et Occitanie que nous sommes en train d’évaluer.

Mais la plupart des changements concerneront la vague B, pour lequel le travail n’a pas encore commencé. Cette vague concerne la Bretagne, la Normandie, la Nouvelle-Aquitaine, les Pays-de-la-Loire, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique.

Je mène donc des consultations en bilatéral pour nourrir les réflexions avec les parties prenantes : les conférences d’établissements, les syndicats, les organismes, France Universités, l’Udice, l’Auref (Alliance des universités recherche et formation)… Après ces concertations, une rencontre collective se tiendra à l’automne pour discuter des orientations.

Quelles sont les grandes lignes des réformes à mener ?

Il faut simplifier et personnaliser l’évaluation. Il y a plein de manières de faire, et c'est pour cela que nous menons des consultations.

Dès la vague A, l’évaluation des formations sera modifiée. On ne va plus rendre un avis et une évaluation pour chacune des formations mais plutôt analyser l’offre de formation de l’université. L’objectif est de mieux respecter l’autonomie des universités, de les interroger sur une maille plus globale. Il faut aussi que l’évaluation tienne compte des caractéristiques de chaque établissement et de leur stratégie propre.

Enfin, nous voulons simplifier et alléger l’ensemble des référentiels, en nous appuyant sur les données existantes. Lors de la vague E, il y avait une forme d’exaspération à remplir des tableurs Excel. Les universités disposent déjà des données qui leur permettent de piloter leurs formations. On s’appuiera directement sur les données transmises par les formations au format qui leur conviendra le mieux, ils n’auront pas besoin de les retransférer.

Grâce à ces simplifications qui se feront aux trois niveaux d’évaluation (formation, institution, unité de recherche), l’objectif sera aussi de diminuer la durée d’évaluation. Elle n’excédera pas un an pour chaque établissement, avec six mois d’auto-évaluation puis six mois d’évaluation du Hcéres, contre deux ans actuellement. Il s’agit d’une simplification massive. Il faut donc prendre le temps de consulter.

Quelles réformes sont envisagées concernant les unités de recherche ?

Entre 5 et 10% des laboratoires de recherche disposent d'un conseil scientifique extérieur qui évalue régulièrement l’activité scientifique. La transformation envisagée, c’est que lorsque le laboratoire a un tel conseil scientifique, son avis pourrait se substituer à celui du Hcéres pour éviter une double évaluation.

Un groupe de travail se réunira prochainement afin de réfléchir aux conditions qu’il faudra remplir pour que cet avis vaille évaluation. Cela se fera sur la base du volontariat : les laboratoires qui le veulent pourront toujours avoir les deux évaluations.

Pour tous les autres, nous allons continuer à simplifier le référentiel d’évaluation, sur le même principe que pour les universités et les formations. Par exemple, ils le feront remonter les productions scientifiques dans le format qui leur convient.

Mi-février, les établissements de la vague E ont reçu les pré-rapports d’évaluation. Selon France Universités, plus de 25% des formations auraient reçu un avis défavorable. Quelle est la raison de cette proportion élevée ? Avez-vous prévu des évolutions ?

Nous avons réagi à la crise de la vague E, avec des corrections à la marge, car le travail était déjà engagé. Mais en réalité, le processus qui a fait tant de bruit en était à la phase provisoire d’évaluation !

Rappelons que toute évaluation commence par une auto-évaluation, menée par les responsables de la formation. Vient ensuite une phase de bilan avec les comités d’experts du Hcéres qui émettent, le cas échéant, des réserves. Puis les formations répondent à ces réserves avec des projets. Enfin, le Hcéres rend son avis définitif en vue de l’accréditation prononcée par le ministère.

Les avis défavorables qui ont fait polémique étaient en fait ceux de la phase lors de laquelle on émet des réserves. 70% des formations avaient reçu un avis favorable. Les 30% restants pouvaient présenter un projet pour répondre à ces points d’attention : cette phase est en cours. Nous n’avons pas encore le chiffre final d’avis défavorables.

Mais nous voyons déjà que, si l'on compare la part des avis favorables et défavorables à l’issue de la vague E, il n’y aura rien de différent par rapport aux autres vagues.  

Ce qui a été une erreur, c’était de parler d’avis au stade provisoire. Nous préparons une note qui va expliquer tout cela, en faisant le bilan sur quatre années.

Pourquoi avez-vous émis des avis défavorables dès le stade provisoire ?

Avant, toutes les formations avaient une phase de bilan, puis une phase de proposition de projet. Mais dans une optique de simplification, le Hcéres a décidé que pour les formations qui n’avaient pas de points d’attention, nous n’avions pas besoin de demander au responsable de formation de présenter un projet.

Pour les formations sur lesquelles nous avions des points d’attention, nous avons importé la nomenclature finale (favorable, réservé, défavorable) en ajoutant "provisoire". Cela a été une maladresse totale, car c’est un mot fort de recevoir un avis "défavorable" même si nous avions écrit "provisoire" après.

J’ai donc changé la nomenclature immédiatement pour la vague E. Quand les rapports seront publiés, il n’y aura pas ces avis favorables ou défavorables pour la phase provisoire, mais uniquement pour la phase finale.

Pour la vague A et B, la question ne se pose plus, car nous n’évaluons plus formation par formation. Ce sera une évaluation au niveau de l’établissement : nous ferons un rapport au niveau des cycles (licences, masters, doctorats). Il n’y aura plus d’avis favorable ou défavorable, ce seront plutôt des recommandations.

Quelles seront les autres priorités de votre mandat, qui a débuté le 4 mars dernier ?

L'an prochain, je voudrais ouvrir le chantier de l’évaluation prévue par la loi des plans Égalité femmes / hommes des universités. Les universités ont l’obligation de rédiger ce plan, qu’ils envoient chaque année au ministère et au Hcéres.

Dans un premier temps, nous pourrions faire un état des lieux de ce qui se pratique, afin de faire circuler les bonnes pratiques. L’objectif sera ensuite d’évaluer annuellement ces plans.

L’autre priorité concerne l’intégrité scientifique. Nous voulons mieux l'évaluer dans les unités de recherche et dans les établissements. Nous allons mener ce travail conjointement avec l’Observatoire des sciences et des techniques, un département du Hcéres qui a pour mission d’évaluer le positionnement scientifique de la France, et l'Office français de l'intégrité scientifique, lui aussi département du Hcéres.

Amélie Petitdemange | Publié le